La grotte de La Font-Bargeix
La grotte ornée de La Font-Bargeix
(Champeaux-et-La-Chapelle-Pommier, Dordogne)
Résumé
La grotte de La Font-Bargeix et son ruisseau souterrain s’ouvrent sur un habitat magdalénien fouillé durant plusieurs années (1978-1983). Des gravures paléolithiques ont été découvertes en 1986 dans la partie profonde et très étroite de cette cavité. Elles comportent 16 représentations humaines (1 humain complet, 1 figure féminine schématique, 13 images vulvaires, 1 image phallique), 6 animaux (2 bovinés, 1 cheval, 1 cervidé probable, 1 autre herbivore et 1 tête animale indéterminée), 3 signes (hémi-cercle avec appendice, croissants, ogive) et 6 ensembles de traits dont 2 faisceaux convergents. De petite taille, elles ont été exécutées à l’aide de traits gravés, fins et peu profonds. Style et thématique plaident en faveur d’une attribution à la fin du Magdalénien, ce qui correspond bien à la datation du gisement fouillé dans l’entrée de la cavité (Magdalénien VI). C’est une des très rares grottes ornées de la fin du Paléolithique.
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Fig. 1 - Grotte de La Font-Bargeix (Champeaux-la-Chapelle-Pommier, Dordogne). Plan et sections avec localisation des gravures dans la galerie ornée (nos 1 à 21), de l’emplacement des fouilles de Cl. Barrière, de la carrière au-dessus de la partie ornée de la grotte, des aménagements troglodytiques et du ruisseau de la fontaine dévotieuse (topographie de B. et G. Delluc en 1988, complétée en 2013).
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Les plateaux calcaires du nord-ouest du département de la Dordogne, essentiellement jurassiques et crétacés, comportent d’importants recouvrements argilo-sableux composés d’alluvions anciennes à galets de quartz et altérites colluvionnnées dits « sidérolithiques ». Inclinés vers le sud-ouest, ils orientent les vallées actuelles que drainent les cours d’eau : Bandiat, Nizonne, Dronne… A deux kilomètres à l’est de Champeaux, les cours convergents des ruisseaux de Bargeix et des Nouailles, affluents de la rive gauche de la Nizonne, mettent en relief un petit massif de calcaire du Turonien (Angoumien inférieur C3b). C’est un calcaire micritique homogène, blanc crayeux, avec parfois quelques interlits plus marneux. Il comporte une faune éparse de Brachiopodes et Foraminifères pélagiques avec souvent des bancs de Rudistes bien apparents. Un front de rocher de plus de cent mètres de long se dresse en rive gauche du ruisseau des Nouailles. Cet escarpement rocheux a été en partie excavé par une carrière d’où l’on extrayait de la pierre de taille au siècle dernier. Il abrite la grotte de La Font-Bargeix (fig. 1) dont une partie de la galerie se développe juste en dessous.
Fig. 3 - Fragment de harpon à double rang de barbelures (dessin de C. Barrière, 1984).
Historique des recherches
Le gisement a été découvert sous un abri rocheux, à l’occasion de la grande sécheresse de 1976. Au fond de l’abri débouche une galerie souterraine où coule un ruisseau. Devant l’abri, le sol est constitué par un marais ennoyé en hiver (fig. 2).
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Fig. 2 - Abri sous roche et entrée de la grotte. Le ruisseau envahit la fouille de C. Barrière. On aperçoit des aménagements troglodytiques.
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De 1978 à 1983, le gisement a fait l’objet d’une fouille méthodique sous la direction de Claude Barrière (Barrière, 1981 ; 1984 ; 1988 ; 1989 et 1990). Très succinctement, sous un niveau médiéval, ont été mises en évidence deux séquences d’occupation rapportées au Magdalénien supérieur (Magdalénien VI) : pointes de Laugerie-Basse, pointes de Teyjat, pointes à cran magdaléniennes, pointes aziliennes, quelques microlithes géométriques, burins bec de perroquet, un harpon en bois de renne à double rang de barbelures avec rainures (Barrière, 1984, p. 40) (fig. 3). La première occupation s’était établie sur des strates effondrées de la voûte. Il a été découvert deux grands foyers faits de galets de quartz et une grande plaque osseuse fragmentée, raclée et gravée de nombreux traits enchevêtrés (Barrière, 1988, p. 106 et 107) (fig. 4).
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Fig. 4 - Grande plaque osseuse raclée et gravée (dessin de C. Barrière, 1988).
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Fig. 5 - La galerie d'accès et son ruisseau. |
Fig. 6 - La galerie ornée au niveau des traits n° 12. |
Pendant les années de la fouille de C. Barrière, la grotte a été explorée sur une trentaine de mètres de longueur seulement. L’abri et la partie initiale de la galerie conservent de nombreuses traces d’aménagements troglodytiques. À ce niveau, c’est une galerie de 2 m de large et de 1 à 2 m de haut, au sol noyé par le ruisseau (fig. 5). À 20 m du porche d’entrée, elle communique avec l’extérieur par une large ouverture artificielle (2e entrée). Au-delà, la galerie paraissait s’achever par un étroit couloir ascendant sur 5 m de longueur (Barrière, 1981, p. 5) et une petite coupole plafonnante marquée par une croix gravée et par de nombreuses griffures de chauve-souris, avec, au sol, des blocs de rocher et des dépôts de guano.
En réalité, la grotte se poursuit au-delà d’un étranglement presqu’entièrement colmaté (laminoir d’un diamètre de 20 cm). C’est au-delà que commence l’étroite galerie ornée. Non pénétrée à l’époque des fouilles, cette chatière a été franchie et le boyau qui lui fait suite exploré par les spéléologues Christian Carcauzon et Didier Raymond1, en septembre 1985. Ils découvrent les gravures le 9 mars 1986, lors d’une tentative de désobstruction du conduit terminal, aussitôt arrêtée.
Le 11 mars, B. et G. Delluc sont appelés par les inventeurs pour examiner les gravures : ils attribuent les gravures à la fin du Paléolithique supérieur (Carcauzon et Raymond, 1986). Ils déclarent cette trouvaille le 13 mars à la direction des Antiquités préhistoriques d’Aquitaine. Les spéléologues leur demandent d’assurer « la gestion scientifique et administrative » de cette découverte2.
Compte tenu de la situation délicate liée à la découverte d’une grotte ornée par des tiers sur un chantier de fouilles exploité par C. Barrière depuis plusieurs années, un protocole d’étude est établi entre C. Barrière et B. et G. Delluc (Barrière, Carcauzon et Delluc, 1990, p. 12).
L’étude de la grotte ornée (fig. 6) a été exécutée sous la responsabilité de G. Delluc, en collaboration avec C. Barrière. Compte tenu de l’exiguïté du conduit souterrain et des différences de méthodologie des préhistoriens, le travail a été effectué par deux équipes en double insu, durant les années 1987 et 1988. Les résultats, secondairement confrontés, aboutirent à deux publications, sensiblement concordantes sur l’identification de la majorité des tracés3.
L’une, préliminaire et sans photographies justificatives, a été publiée rapidement (Barrière, Carcauzon et Delluc, 1990), illustrée par la description de la grotte et 13 relevés classiques (par calque) de C. Barrière. En outre, cette première publication était complétée par des éléments de l’étude de B. et G. Delluc : topographie de la grotte (plan et sections), mesures et descriptions technologiques des tracés et 6 relevés4.
La seconde, présentée ici par B. et G. Delluc, comble les manques de l’examen préliminaire. Elle est le premier inventaire exhaustif des gravures de la grotte avec clichés photographiques et relevés (technologiques et synthétiques) de chaque tracé5. La topographie, levée et mise au propre par B. et G. Delluc en 1988, a été complétée par la position de la carrière au-dessus de la galerie ornée. Elle intéresse l’abri d’entrée, les aménagements troglodytiques essentiels, y compris le « cluzeau » supérieur avec ses deux silos, le couloir d’accès et la galerie ornée6. Une présentation karstologique de la cavité par Francis Guichard complète cette étude7.
DESCRIPTION DE LA GROTTE
La grotte de la Font-Bargeix n’est que la partie terminale, explorée sur quelque 75 m, d’un petit réseau karstique de drainage local du plateau sus-jacent. Son alimentation provient de dolines ou cuvettes absorbantes et de fissures qui s’ouvrent dans les zones boisées situées plus au sud. La section pénétrable de la cavité se présente sous la forme d’une galerie unique, d’orientation sud-est nord-ouest, creusée classiquement aux dépens de diaclases et de joints de stratification ayant compartimenté l’assise du calcaire à Rudistes de l’Angoumien moyen et supérieur. La partie aval de la grotte est parcourue par le ruisseau pérenne qui longe parallèlement le front rocheux, ayant emprunté et élargi une fente de décompression préexistante due à la proximité - quelques mètres seulement - de cette petite falaise.
Schématiquement, de l’aval vers l’amont, la cavité peut se diviser en quatre parties.
1) La première partie est constituée par l’auvent rocheux fouillé par Claude Barrière. À l’origine, celui-ci se prolongeait d’une douzaine de mètres plus en aval, vers l’ouest. Au cours des âges, la divagation des méandres du ruisseau des Nouailles contribua au calibrage de son vallon. Venant butter sur la barre rocheuse, ils ont fini par éventrer puis éroder tangentiellement la paroi nord de la grotte, formant ainsi un vaste auvent qui favorisa l’occupation périodique des Hommes au Paléolithique. Le gel délitant la voûte de l’abri, les strates effondrées recouvrirent les séquences d’occupation paléolithiques rapportées au Magdalénien VI. Au Moyen Âge, des aménagements troglodytiques successifs (augmentation de la hauteur et régularisation du plafond de l’auvent, creusement de niches et de placards dans la paroi rocheuse, feuillures pour cloisonnement ou fermeture, boulins et larmiers, conduit de fumée) modifièrent considérablement l’aspect initial du site8.
En se dirigeant vers l’ouest, au pied de l’escarpement, d’autres remaniements anthropiques s’échelonnent en présentant des panneaux rocheux retaillés, des saignées, des niches ou étagères, des boulins… À noter à l’endroit où l’escarpement devient moins pentu, la présence d’une petite ouverture dans le sol qui donne sur la salle principale d’un cluzeau en grande partie comblé par de la pierraille.
2) Longue de 16 mètres, la seconde partie de la grotte, est la portion de galerie qui, de l’auvent (entrée E1), remonte jusqu’au premier coude à angle droit dans le renfoncement duquel a été percée ou du moins élargie l’entrée secondaire (E2) au Moyen Âge. Les feuillures situées de part et d’autre du conduit, avec des encoches et virgules fortement incisées, témoignent d’une volonté d’en faire un accès ou une échappatoire sécurisée. Ce tronçon rectiligne dont la hauteur varie entre 1,50 et 2 m est entièrement occupé par la circulation du ruisseau pérenne. De section sub-quadrangulaire et légèrement retaillée, la galerie présente la trace intermittente d’un chenal de voûte9.
À l’extérieur, entre les entrées nos 1 et 2 et quelques mètres au-dessus de la galerie du ruisseau, une courte escalade permet d’atteindre l’orifice d’un cluzeau. Barré par une feuillure à l’entrée et coudé sur la gauche, cette chambre artificiellement creusée a la particularité de renfermer deux modestes silos ovoïdes avec épaulement circulaire de fermeture.
3) La troisième portion de la cavité n’excède guère la dizaine de mètres. Elle débute à l’entrée n° 2 et s’achève à l’entrée d’un goulet partiellement envahi par le remplissage alluvionnaire. En se dirigeant vers l’amont, après le second coude à angle droit, le ruisseau sourd entre des blocs rocheux. Ceux-ci retiennent les sédiments sablo-argileux qui forment un demi-entonnoir ouvert vers l’aval. Quelques mètres de montée conduisent au rétrécissement désobstrué par C. Carcauzon et D. Raymond en 1986. C’est l’endroit qui fut choisi ultérieurement pour sceller la grille de fermeture nécessaire à la protection de la partie ornée.
4) Au-delà de l’étranglement, le sol est en grande partie recouvert par des sédiments terreux. La progression s’y effectue pour l’essentiel à quatre pattes puis en rampant car la hauteur de la voûte s’amenuise au fur et à mesure que l’on remonte vers l’amont jusqu’à rendre toute progression impossible (0,60 à 0,20 m). C’est dans cette partie profonde de la galerie, difficilement accessible, que sont situées les gravures paléolithiques.
Les 15 premiers mètres, situés après l’étranglement désobstrué par les inventeurs, sont une portion d’étage fossile qui prend ici la forme d’une diaclase. Vers l’extrémité de celle-ci, le travail des carriers, qui opéraient juste au-dessus, a fini par trépaner la partie supérieure de la diaclase, ouvrant de ce fait une troisième entrée à la cavité. Cette ouverture accidentelle, obturée depuis pour des raisons de protection, doit être l’une des raisons qui firent abandonner au siècle dernier l’exploitation de la carrière sus-jacente. En effet, sur une vingtaine de mètres de longueur et à la faveur d’un joint de stratification qui modifie la qualité lithique du matériau exploité, le fond de la carrière rejoint de façon axiale le niveau de la diaclase de la grotte10.
Fig. 7 – Les rudistes. Ces fossiles récifaux parsèment les parois ornées de la grotte de La Font-Bargeix.
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Fig. 8 - La galerie ornée au niveau du boviné n° 16. |
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Fig. 9 - La galerie ornée dans la partie terminale, vers l'ensemble n° 21. |
Plus en amont, dans la galerie surbaissée, longue d’une vingtaine de mètres et dont la largeur oscille entre 1,60 et 2,20 m, quelques petits entonnoirs de soutirage communiquent avec le réseau actif qui circule dans la partie inférieure d’une étroite diaclase. En temps normal, ce drain impénétrable est suffisant pour évacuer l’essentiel de l’eau météorique reçue par le plateau sus-jacent. Cependant, en période de fortes précipitations prolongées, le ruisseau peut envahir la galerie supérieure en refluant par les quatre entonnoirs. Ces crues ont déposé sur le sol rocheux de la galerie surbaissée des sédiments argilo-sableux, des graviers et cailloutis divers mêlés à de la fine matière organique en décomposition sur une épaisseur de 10 à 30 cm.
L’extrémité pénétrable de la grotte s’achève dans un laminoir où les sédiments entraînés rejoignent presque la partie supérieure du joint de stratification. Outre les gravures paléolithiques, la voûte plane du joint est également remarquable par la multitude des perforations alvéolaires des Rudistes dont les coquilles encore en place saillent des parois (fig. 7).
L’ensemble de la grotte ne comporte pas de concrétions notables. Au niveau des premières gravures, on observe cependant un encroûtement de calcite blanche et poudreuse qui recouvre par endroits la voûte et pour partie les parois. Plus en amont, la voûte est couverte d’un fin voile de calcite.
INVENTAIRE DES FIGURES ET DES SIGNES
L’étude prolongée des gravures et la prise de photographies dans le segment amont de la grotte, long d’une quarantaine de mètres11, sont très éprouvantes : le plafond est très bas (25 à 50 cm) ; le sol argileux est noirci par les dépôts noirâtres12. De telles conditions de travail ne permettent que difficilement l’examen de chaque figure par deux observateurs à la fois, en prenant toujours garde de ne pas effleurer les parois gravées avoisinantes. Malgré l’usage de courtes focales, certaines gravures (comme le boviné n° l6 et les derniers tracés n° 21) ne peuvent être photographiées en une seule prise de vue et nécessite une mosaïque de clichés (fig. 8 et 9). Enfin et surtout, il est ardu de lire et de relever d’assez nombreux traits, longs, au plafond de la galerie, notamment dans sa partie terminale. Leur étude exigea de nombreuses et bien difficiles séances de travail, durant deux années.
La description s’effectuera d’aval en amont. Pour chaque gravure, elle comportera : identification ; largeur et hauteur ; hauteur au-dessus du sol ; zone ornée (paroi ou plafond) ; planéité ou non du support ; orientation du support ; particularités et altérations pariétales ; nature technologique des traits (fig. 10) ; largeur et profondeur de ceux-ci ; autres traits éventuels ; commentaires divers. Les numéros utilisés renvoient à la topographie de la cavité13.
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Fig. 10 - Conventions des relevés technologiques : a, trait fin à section angulaire ; b, trait large à section angulaire ; c, trait à section courbe ; d, trace moderne ; e, griffure animale ; f, bord de relief vif ; g, bord de relief émoussé ; h, fissure étroite ; i, pigment noir (à gauche) et pigment rouge (à droite) ; j, enclave rocheuse de nature différente (à gauche) et nappe de calcite (à droite). |
- Boviné n° 1 (fig. 11)
Globalement horizontal, le tracé (l = 53 cm ; h = 13 cm environ ; H/sol = 62 à 65 cm) est gravé sur une coupole au centre de la voûte, profonde de 15 cm et regardant globalement vers le bas, l’axe de la galerie et un peu l’amont. La surface est couverte de petites efflorescences molles de calcite. Les traits de gravure, émoussés, au nombre de 8, ont une section courbe (l = 3 à 6 mm ; p = 1 à 2 mm). Il s’agit de la figure abrégée d’un boviné, réduite à la ligne céphalo-cervico-dorsale, en profil gauche, les cornes dirigées vers l’aval (sortant). Deux longs traits en parenthèses dessinent très sommairement les cornes. L’absence de lordose cervicale plaide en faveur soit d’un bison, soit d’un aurochs cou fléchi et tête basse. À proximité, entre la première et la deuxième coupole, à l’ouest de cette dernière, on observe, sur 1 m de long, un travail de la paroi à coups de pic moderne (aménagement troglodytique).
- Arc de cercle avec appendice n° 2 (fig. 12)
Ces 4 traits très émoussés (l = 27 cm ; h = 15 cm ; H/sol = 69 cm) dessinent un arc de cercle un peu cassé que rejoint en son milieu un trait rectiligne. Ils sont gravés sur une surface plafonnante qui prolonge la 1e coupole, en formant une 2e coupole, profonde de 7 cm, regardant vers le bas, l’axe et à peine vers l’aval. C’est le même aspect de calcite que sur la figure n° 1, avec des coups de pic moderne au nord. Ces traits ont une section courbe (ou à fond plat et arêtes émoussées) (l = 2 à 5 mm ; p = 1 mm environ). Il s’agit ici d’un signe inhabituel, et non de l’ébauche d’une figure plus complexe, mais sa définition ou ses rapprochements typologiques sont, pour le moment, peu clairs.
- Traits en chevron obtus n° 3
C’est un simple tracé sub-horizontal (l = 20 cm ; h = 4,5 cm ; H/sol = 87 cm), peu net, fait de 2 traits à section angulaire convergeant parmi les efflorescences de calcite (l = 1 à 2 mm ; p = 1 mm environ). Ils dessinent un chevron obtus largement ouvert vers le bas (120° environ), situé sur le bord sud14 du chenal de voûte. L’angle du chevron est barré par un trait horizontal15. À proximité sont de petites griffures de chéiroptères16.
- Trait coudé n° 4
Ce trait (l = 27 cm ; H/sol = 71 cm) est gravé sur une portion horizontale de la voûte, côté nord, à proximité du trait n° 3 mais sans lien avec lui. Il est oblique en bas et à droite sur la plus grande partie de son trajet puis il suit presque l’axe de la galerie sur 6 à 7 cm17. À son niveau, la roche est crayeuse sans efflorescences de calcite. Le trait a une section courbe (l = 2 à 4 mm et p = 1 à 2 mm), comme le signe n° 2. À 25 cm au nord-nord-est, on observe aussi de nombreuses petites griffures.
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Fig. 11 - Boviné n° 1 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
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Fig. 12 - Signe n° 2 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Vulve n° 5 (fig. 13)
Cette figure (l = 14 cm ; h = 12,5 cm ; H/sol = 156 cm, mais H = 110 cm au-dessus d’une banquette sous-jacente) est gravée dans une niche de la paroi sud dont le fond, à peine oblique, fait 10° avec la verticale et regarde vers le bas, l’axe et un peu vers aval. La partie haute du support est terreuse (terrier au-dessus). Ce support était jadis dans l’obscurité. Au moment de la découverte et au moment de notre étude, il était dans la pénombre du fait de l’ouverture accidentelle faite par les carriers, à la voûte de la galerie, à 1,70 m en aval18. Les traits ont une section angulaire (l = 2 à 5 mm ; p = l à 3 mm). Il s’agit d’une vulve triangulaire en vue pubienne. Le tracé est bien cadré dans la petite niche ; la base du triangle, faite de 3 traits, légèrement concave vers le haut, représente le sillon hypogastrique ; les côtés sont les sillons génito-cruraux ; la pointe inférieure de la vulve repose sur le bord inférieur de la niche, formant ici une petite vire. Le sillon médian est une ogive largement béante, faite de 2 traits, mais, en bas, presque fermée en fuseau par un 3e trait, à peine visible. Pour J.-P. Duhard, « ce sommet du triangle est ouvert, comme il le serait chez une femme debout cuisses en légère abduction »19. Le graveur se tenait debout du fait de l’élévation relative du plafond : à ce niveau, en effet, existe un chenal de voûte. C’est la seule figure de la grotte où cela s’est produit. Partout ailleurs le graveur était assis ou même couché en décubitus dorsal ou latéral. À proximité, à gauche, à droite et en bas, on observe quelques menues griffures de chauves-souris.
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Fig. 13 - Vulve n° 5 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Humain n° 6 (fig. 14)
Cette figure (h = 23 cm ; l = 14 cm ; H tête/sol = 37,5 cm) est gravée au-dessus d’une banquette de graviers, sur le côté nord du plafond horizontal, sur une petite zone plane mais marquée par de petites irrégularités et entourée de nombreuses anfractuosités dues à des petits fossiles. La gravure est recouverte d’un enduit diffus de noir de fumée moderne. Les traits, au nombre d’une quinzaine, ont une section angulaire (l et p = l mm), mais plus ou moins émoussés et parfois interrompus. La figure est difficile à trouver et n’a été identifiée que secondairement à 6,60 m de la 3e entrée accidentelle, à 3 m et en amont de la margelle d’un important regard sur le ruisseau. Pour graver, l’artiste devait être couché sur le côté dans une position très inconfortable. La figure est à peu près dans l’axe de la galerie, la tête à 70 cm de la paroi nord. C’est le profil gauche d’un humain, regardant vers l’axe du conduit, à grosse tête à occiput saillant, front haut, nez caricatural légèrement en trompette. La bouche, faite d’un court trait, paraît ouverte, se prolongeant, sur la face antérieure du tronc, par un triangle pointant en avant, figurant un membre supérieur contrefait ou un sein. La nuque est aiguë, le dos et les lombes arrondis, le massif fessier non hypertrophié, l’abdomen rebondi mais non ptosé. Le sexe n’est pas indiqué et les membres inférieurs sont réduits à un moignon fendu. La position du corps par rapport à la tête et leurs proportions relatives pourrait évoquer la représentation d’un enfant. Mais la figure est tellement petite et située dans un recoin si malcommode que la facture du tracé a pu en être affectée. C’est une des plus complètes figures humaines de Dordogne (Delluc, 2009). |
Fig. 15 - Figure féminine schématique n° 7 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique.
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Fig. 14 - Humain n° 6 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Figure féminine schématique n° 7 (fig. 15)
Les 4 ou 5 traits dessinant cette figure forment un angle droit ouvert vers l’aval (h = 11 cm ; l = 9 cm). Ils sont situés dans une niche de 25 x 12 cm, profonde de 3 cm, en paroi sud de la galerie (H/sol = 25 cm, au-dessus de la berge rocheuse d’un regard sur le ruisseau). Le support regarde vers l’axe, un peu vers le haut et vers l’aval. Au niveau et au voisinage de la figure, on remarque de nombreuses petites griffures de chauves-souris. Le revêtement est fait de calcite en haut et d’argile en partie basse. Les traits gravés dessinent une figure féminine schématique (FFS) de profil, regardant vers l’aval et un peu vers le bas. Ils ont une section angulaire (l = 5 mm ; p = 2 à 3 mm), particulièrement profonde au niveau de la fesse. Le torse, fait de deux traits parallèles, accuse une lordose lombaire. Avec lui, les membres inférieurs forment un angle d’environ 90° et se limitent à un seul trait un peu ondulé, matérialisant leur bord antérieur. Une petite cupule naturelle occupe la place de la tête. Cette silhouette rappelle les FFS de Fronsac et des Combarelles, sans oublier Gouy, pour ne citer que les grottes ornées à la fois de vulves triangulaires et de FFS (Delluc, 1994 et 1995a ; Bourrillon, 2009).
- Deux traits horizontaux n° 8
Ces deux courts traits quasi parallèles (l = 7,5 cm), très nets, sont gravés sur la même paroi sud que le n° 7, à environ 20 cm vers l’amont20. Leur support, presque vertical, plan mais encrassé par la fumée, regarde vers l’axe, un peu vers le haut et à peine vers l’aval. Les traits ont une section angulaire (l et p = 2 mm). À proximité, en bas et à droite, on note une cavité naturelle, arrondie et profonde ; en haut et en haut à droite, de petites griffures de chauves-souris.
- Image d’allure vulvaire n° 9 (fig. 16)
Ce grand chevron (longueur = 30 cm ; largeur = 9 cm ; H/sol = 72cm), fait d’une demi-douzaine de traits, dessinant un angle de 20° à pointe dirigée vers l’aval, est gravé sur le plafond horizontal, dans l’axe de la galerie. Le support plan est partiellement recouvert de micro-choux-fleurs de calcite. Les traits ont une section angulaire (l et p = l mm seulement). Cette image en V allongé, complétée, dans sa partie la plus large, par une demi-amande, semble représenter une image d’allure vulvaire atypique : elle est très allongée et la demi-amande rend compte d’un détail anatomique mal défini, ombilic plutôt que fente vulvaire21. Elle est située à 30 cm de la paroi sud et à 135 cm de la fesse de la FFS n° 7.
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Fig. 16 - Image d'allure vulvaire n° 9 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Image d'allure vulvaire n° 9 (fig. 16)
Ce grand chevron (longueur = 30 cm ; largeur = 9 cm ; H/sol = 72cm), fait d'une demi-douzaine de traits, dessinant un angle de 20° à pointe dirigée vers l'aval, est gravé sur le plafond horizontal, dans l'axe de la galerie. Le support plan est partiellement recouvert de micro-choux-fleurs de calcite. Les traits ont une section angulaire (l et p = l mm seulement). Cette image en V allongé, complétée, dans sa partie la plus large, par une demi-amande, semble représenter une image d'allure vulvaire atypique : elle est très allongée et la demi-amande rend compte d'un détail anatomique mal défini, ombilic plutôt que fente vulvaire21. Elle est située à 30 cm de la paroi sud et à 135 cm de la fesse de la FFS n° 7.
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Fig. 17 - Tracés n° 9, 10 et 11. A droite, vers l'aval, l'image n° 9 sous le tracé n° 10 ; à gauche, le phallus n° 11 et des traits : relevé synthétique.
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- Traits (phallus ?) n° 10 (fig. 17)
Située sur la voûte, à environ 10 cm au sud de la figure n° 9 et parallèlement à elle, cette demi-douzaine de traits gravés discontinus (l = 45 cm) ne forme pas une image évidente, mais, compte tenu du contexte, pourrait évoquer une représentation maladroite de phallus avec le renflement balanique. C. Barrière y déchiffrait « une sorte de longue “cloche” dont l’arrondi est vers la sortie » (Barrière, Carcauzon, Delluc, 1990, p. 27).
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Fig. 18 - Phallus n° 11 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Phallus n° 11 (fig. 18)
Ce petit tracé (9 cm sur 5 ; H/sol = 72 cm) est bien isolé sur le plafond horizontal. Il est gravé au centre de la galerie, à 45 cm en amont et au sud de la demi-amande de l’image n° 9 (fig. 17). Les traits dessinent une image phallique : deux traits à peu près parallèles terminés à une extrémité par un relief naturel matérialisant le gland et, à l’autre, par un élargissement du contour indiquant la rotondité du scrotum. Là où elle était très fine, la croûte de calcite du support est cassée par le tracé des traits, comme une coquille d’oeuf. Ces traits ont une section angulaire (l et p = l mm seulement)
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Fig. 19 - Traits multiples n° 12 : relevé synthétique. |
- Traits multiples avec faisceau n° 12 (fig. 19)
Ces traits discontinus sont incisés au plafond (à 60 cm au-dessus du sol), en amont et dans l’axe de l’image en chevron n° 9 et de l’image phallique n° 10. Ils occupent une surface de 1,20 m de long et 0,80 m de large. Ce sont des traits fins (l et p = l mm environ), à section angulaire, plus ou moins parallèles à l’axe du conduit. Ils sont particulièrement nombreux dans la partie amont de cette zone, où ils tendent à former un faisceau perpendiculaire à l’axe. Il ne semble pas s’agir là d’une représentation figurative maladroite.
Quelques aspects géométriques élémentaires pourraient être décrits, mais il s’agit très probablement de pseudo-tracés fortuitement construits au milieu du fouillis des traits épars et confus. Ce faisceau de traits fins convergents a quelque ressemblance avec les traits n° 21.1.
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Fig. 20 - Image d'allure vulvaire n° 13 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Image d’allure vulvaire n° 13 (fig. 20)
Ce tracé en chevron (l = 8,5 cm ; h = 7 cm), formant un angle de 60° à pointe supérieure, est gravé sur la paroi sud, à 22 cm au-dessus d’une petite banquette rocheuse, en face et à environ 3 mètres en aval de la file des vulves n° 17. La bissectrice du chevron est légèrement oblique en haut et à droite ; la pointe est arrondie vers le haut. La paroi est ici oblique de 10° sur la verticale (le support concave regarde vers l’axe et un peu en haut). La surface est couverte de calcite en poudre en haut et de terre argileuse en bas22. Les traits, bien marqués, ont une section angulaire (l = 2 à 3 mm et p = 2 mm). En faisant tourner ce signe de 180°, on ne manquerait pas de le décrire comme une vulve en vue pubienne, avec la fente pubienne dessinée comme un petit fuseau, proche de la pointe, dans l’angle du chevron. À 5 cm environ en aval, est tracé un trait, long de 5 cm, à section courbe, oblique en haut et à droite.
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Fig. 21 - Signes en croissants n° 14 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Signe en croissants n° 14 (fig. 21)
C’est un tracé fait d’une dizaine de traits courts dessinant une image en croissant, d’axe sub-horizontal et à concavité supérieure, fermé à chaque extrémité par deux courts demi-croissants (l = 16,5 cm ; h = 8,5 cm ; H/sol = 27,5 cm). Il est gravé sur la même paroi sud que l’image n° 13, à 1,40 m en amont d’elle. Le support est oblique à 45° (il regarde vers l’axe et le bas) ; il porte des micro-choux-fleurs de calcite surtout en haut et en haut à gauche. Les traits ont une section angulaire (l et p = 1 mm). Au-dessous est une banquette de graviers soudés par l’argile, épaisse de 15 cm. Ce tracé en croissants nous paraît former un tracé achevé, à valeur sémiologique certaine, mais dont la définition et les rapprochements typologiques sont, pour le moment, peu clairs.
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Fig. 22 - Tête animale n° 15 : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Tête animale (bouquetin ?) n° 15 (fig. 22)
Cette petite tête animale (l = 12,5 cm ; H/sol = 31 cm) est finement gravée (l et p des traits = l à 2 mm) sur une pellicule argileuse sombre couvrant une petite vire de la paroi nord. Le tracé a été en partie altéré lors des premières explorations : il porte les traces de la trame d’un vêtement au niveau d’une encornure éventuelle et de la joue. Au-dessous de cette tête, la paroi a un aspect frotté. Les traits gravés se réduisent au tracé du front jusqu’au museau, à l’oeil en amande, surmonté peut-être d’une arcade sourcilière, et à l’amorce d’une éventuelle encornure, pouvant faire discuter une tête de bouquetin regardant vers l’amont.
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Fig. 23 - Boviné n° 16 : relevés technologique et synthétique. |
- Boviné n° 16 (fig. 23)
Il s’agit d’un boviné en profil droit, regardant vers l’amont, et de grandes dimensions (l = 100 cm environ x 40 cm ; H/sol = 52 cm seulement). Il est gravé sur la voûte basse, juste en aval du 3e regard sur le ruisseau. La tête est dirigée vers l’amont et l’axe de l’animal est légèrement oblique par rapport à l’axe de la galerie. La figure domine en grande partie la paroi nord et la frise pariétale des vulves n° 17 : sa région inguinale est à 25 cm de la première vulve n° 17a ; l’extrémité des cornes se situe à la hauteur des dernières vulves nos 17i et j. Cette grande figure est impossible à déchiffrer autrement que fragment après fragment, pour l’observateur et le photographe modernes. Il en fut de même pour l’artiste paléolithique : en effet la hauteur du sédiment argileux sub-actuel ne doit guère dépasser une dizaine de centimètres au-dessus du sol rocheux et la hauteur sous plafond n’a donc jamais excédé 60 cm23. Le support est quasi horizontal, mais accidenté par de multiples petits creux. Il est usé par les frottements et couvert d’un voile de calcite, que crèvent souvent les traits à section angulaire (l et p = 1 à 2 mm), plus ou moins discontinus et répétitifs. Tête, encolure et avant-train sont représentés par un bloc confus d’où émergent deux longues cornes en parenthèses. Par leur aspect et leur longueur, les cornes rappellent celles du boviné n° 1, mais ici, la nuque est marquée par une légère concavité. Le tronc de l’animal, massif, est strié par des traits courbes parallèles, de disposition métamérique, pouvant représenter le gril costal. L’arrière-train est aminci par la lordose lombaire, la croupe saillante et la queue longue. Les membres antérieurs sont réduits à leur racine ; les postérieurs sont esquissés. Peut-être peut-on y voir un bison plutôt qu’un aurochs, du fait de la massivité de la tête et de l’encolure. Sur la voûte de la galerie, entre ce boviné n° 16 et les herbivores nos 18.1 et 2, à proximité de ce boviné, existe un trait isolé, pratiquement rectiligne, aux extrémités barbelées. En avant de cette figure, C. Barrière déchiffrait d’autres traits : il considérait que la lecture de la partie céphalique de ce boviné était particulièrement confuse et pensait à « deux figures animales à la suite l’une de l’autre et en partie mêlées » (Barrière, Carcauzon, Delluc, 1990, p. 33 et fig. 18). Ce 2e animal n’a pas été retrouvé par nous pendant les examens de contrôle ni sur les photographies.
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Fig. 24 - Frise de 10 vulves ou images d'allure vulvaire nos 17a à 17j : a - lecture photographique ; b - relevés technologique et synthétique. |
- Frise de dix vulves ou images d’allure vulvaire nos 17a à 17j (fig. 24)
Ces 10 images sont gravées, côte à côte, sur la paroi nord, immédiatement sous la voûte ornée du boviné n° 16. Elles forment un bandeau horizontal d’environ 20 à 25 cm de haut, au niveau du 4e regard sur le ruisseau, au-dessus d’une petite vire sur la surface de laquelle les premières vulves débordent même un peu. La fissure qui sert de base à la frise est située à 32 cm au-dessus du sol (hauteur mesurée sous la vulve n° 17h). La paroi regarde vers l’axe et à peine vers l’aval ; elle est pratiquement verticale, un peu oblique vers le haut pour les vulves nos 17a et 17b. Les traits constitutifs sont au nombre d’une demi-douzaine pour chaque figure et ont une section angulaire (l et p = 1 à 2 mm). Chaque image mesure de 4,5 à 7 cm de large. Certaines sont partiellement recouvertes d’un léger voile de calcite.
Les images sont typiques, en vue pubienne, sous forme de triangles plus ou moins irréguliers et plus ou moins complets, à base concave en haut ou rectiligne24, à pointe inférieure indiquée ou non, et sillon médian indiqué par un simple trait vertical, une lentille ou un tracé en V inversé, plus ou moins haut et ouvert : ce chevron est lié à la position de la femme, debout cuisses en légère abduction (tracés nos 17e, g, i et j). Seul le tracé n° 17d n’est identifiable que par son insertion dans une frise d’images quasi identiques : ébauche ou erreur.
Voici ces indications sous forme d’un tableau mentionnant les éventuelles particularités de chaque vulve, d’aval en amont :
- n° 17a (largeur = 4,5 cm). Paroi oblique non calcitée. La base est légèrement concave en haut. Le sillon est un court chevron ouvert en bas. Cette vulve est située à l’aplomb de la région inguinale du boviné n° 16 sus-jacent, sur la voûte.
- n° 17b (largeur = 6 cm). Paroi oblique non calcitée. Le sillon est une lentille à peine ouverte en bas. La base est horizontale.
- n° 17c (largeur = 5,75 cm). Paroi verticale non calcitée. Le sillon est en forme de lentille fermée, la base est évoquée par quelques fissures naturelles.
- n° 17d (largeur = 5,5 cm). Paroi verticale avec un léger voile de calcite en haut. Tracé atypique fait de traits parallèles sub-verticaux. Le diagnostic d’image vulvaire ne repose que sur la présence de ces 4 traits insérés dans une frise comportant 9 vulves ne posant pas de problème d’identification.
- n° 17e (largeur = 6 cm). Paroi verticale avec un léger voile de calcite en haut. Tracé triangulaire sans base gravée et bord droit incomplet en partie haute. Le sillon est un chevron haut et étroit, la base est évoquée par quelques fissures naturelles.
- n° 17f (largeur = 5 cm). Paroi verticale à peine calcitée. Petit triangle fermés à court sillon linéaire et décalé vers la gauche. Base horizontale faite de courts traits.
- n° 17g (largeur = 5,5 cm). Paroi verticale calcitée dans sa moitié supérieure. Triangle à base horizontale, pointe ouverte et sillon lenticulaire incomplet et ouvert en bas.
- n° l7h (largeur = 5,5 cm). Paroi verticale calcitée. Tracé trapézoïdal. Sa base est faite de petites fissures horizontales. Sillon linéaire, un peu décalé vers la droite.
- n° 17i (largeur = 5,5 cm et hauteur 7,5 cm). Paroi verticale dont la moitié supérieure est calcitée. Le tracé est un triangle isocèle plus haut que large, dont la base est évoquée par des fissures horizontales de la paroi et dont le sillon médian est une invagination en chevron, étroit et haut, du trait de contour.
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Fig. 25 - Vulves nos 17i et 17j : lecture photographique. |
- n° 17j (largeur = 7 cm). Paroi verticale. Elle est presque entièrement calcitée (micro-choux-fleurs) sauf au niveau des pointes inférieures. Le tracé est un triangle isocèle plus large que haut, dont la base est évoquée en partie par des fissures horizontales de la paroi et par un trait gravé. Le sillon médian est une invagination du trait de contour, longue et arrondie à son extrémité. Cette vulve est située à l’aplomb des cornes du boviné n° 16 sus-jacent, sur la voûte.
Les vulves 17i et 17j (fig. 25) sont les vulves pubiennes les plus complètes et les plus précises de la frise. Voici la description de J.-P. Duhard : « Ce sont deux images triangulaires, en vue pubienne, compte tenu du tracé de la ligne hypogastrique, rectiligne dans un cas (17i), concave vers le haut dans l’autre (17j) ; dans les deux cas le sommet du triangle est ouvert, comme il le serait chez une femme debout cuisses en légère abduction, où les grandes lèvres se perdent vers le périnée alors que les petites lèvres font une saillie dans leur intervalle. Dans la 17i, se distingue une ligne médiane inter-nymphéale et le relief du capuchon clitoridien, alors que dans la 17j les nymphes semblent jointives. La différence de largeur des 2 figures et le modelé du sillon hypogastrique, en font 2 images anatomiques distinctes, la 17i évoquant une femme à bassin plus étroit et adiposité moins marquée que la 17j. Bien évidemment, c’est une analyse un peu poussée mais correspondant à une réalité clinique : 17i correspond à une jeune femme nulli ou primipare svelte ; 17j : à une multipare adipeuse »25.
Il apparaît, sur cette frise, un phénomène classique de répétition avec simplification progressive des contours26. De droite à gauche, les premières vulves sont typiques et bien dessinées ; les suivantes sont de plus en plus négligées. Le dessin de la frise a donc dû être exécuté de droite à gauche, en sens inverse de la progression dans cette galerie très exiguë. À gauche de la vulve n° 17a, la frise prend fin : la paroi n’est pratiquement plus utilisable pour la gravure.
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Fig. 26 - Herbivores nos 18.1 et 2 : a - lecture photographique de 18.1 ; b - lecture photographique de 18.2.
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Fig. 27 - Herbivores nos 18.1 et 2 : a - relevés technologique ; b - relevé synthétique. |
- Herbivore (cheval ?) n° 18-1 (fig. 26a et 27)
À environ 4 m en amont de la frise des vulves n°17 mais sur la paroi opposée, cet animal est gravé dans la partie gauche d’un alvéole allongé (h = 20 cm et p = 10 cm), qui sert de cadre aux deux animaux nos 18-1 et 18-2, se dirigeant vers l’aval. Le support regarde vers l’axe et un peu vers l’aval. Il est calcité en haut (micro-choux-fleurs) et terreux en bas. De nombreuses petites griffures de chauves-souris, verticales, gênent la lecture. Les traits à section angulaire dessinant la tête, le poitrail et les antérieurs sont bien incisés.
La silhouette animale (l = 26,5 cm ; H/sol = 25 cm), en profil droit, d’axe horizontal et tête dirigée vers l’aval, est trop rudimentaire et incomplète pour permettre de proposer un diagnostic d’espèce avec certitude. Cette simplification graphique est peut-être partiellement liée aux conditions très inconfortables de séjour en ce point de la galerie. La tête de l’animal se réduit à quelques traits fins. Sa relative largeur, le caractère concave du chanfrein et convexe de la ganache rappellent plutôt une tête de cheval. Une cupule naturelle évoque l’oeil. Des fissures dessinent l’encolure et le dos. Les membres sont très simplifiés, verticaux, sans sabots et sans animation.
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Fig. 28a - Cheval n° 20 : lecture photographique. |
Fig. 28b -Signe en ogive n° 19 : lecture photographique. |
- Herbivore (cervidé ?) n° 18-2 (fig. 26b et 27)
Immédiatement à gauche du précédent, en profil droit comme lui et tête dirigée de même vers l’aval, cet animal (l = 38 cm ; hauteur de l’abdomen au-dessus du sol = 28 cm seulement) est gravé dans la partie gauche de l’alvéole qui sert de cadre aux deux animaux nos 18-1 et 18-2. D’axe oblique en bas et à droite, l’animal n° 18-2 suit de près l’herbivore n° 18-1. Ils constituent une paire. Les traits ont une section angulaire (l et p = 1 à 2 mm) et sont parfois larges et profonds (l = 5 mm et p = 4 mm pour l’abdomen et les membres antérieurs). La tête est fine, courte et pointue, l’encolure longue et étroite avec une ébauche de fanon et un garrot peu marqué. Le corps est allongé et mince. La croupe et la queue ne sont pas identifiables. Les membres antérieurs sont étendus vers l’avant et semblent ouverts en ciseau ; l’arrière-train, fait d’un postérieur droit épais
- Signe en ogive n° 19 (fig. 28b et 29)
À 2 mètres en amont des animaux nos 18.1 et 18.2, à une dizaine de centimètres en aval du bout du nez du cheval n° 20, ce tracé en ogive dissymétrique, relativement de grande taille (h = 9,5 cm et l = 7 cm), est gravé sur la voûte plane (H/sol = 30 cm et 40 cm aujourd’hui). Son axe est perpendiculaire à l’axe de la galerie entre la paroi sud et un petit ressaut qui divise le plafond. |
Fig. 29 - Cheval n° 20 et signe en ogive n° 19 : relevés technologique et synthétique.
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Fig. 30 - Ensemble n° 21 : la voûte, au fond de la galerie, comporte des traits convergents n° 21-1 ; deux traits parallèles convergents, n° 21-2 ; un tracé complexe en feston n° 21-3, deux longs traits sinueux n° 21-4 et une grande tête de cheval n° 21-5 (relevé synthétique).
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- Cheval n° 20 (fig. 28a et 29)
Cette figure de grande taille (largeur = 43 cm), en profil droit, tête dirigée vers l’amont, est finement gravé (l et p = 1 mm) sur la voûte plane (H/sol = 30 cm et 40 à 45 cm aujourd’hui27) et situé à 16,5 cm en amont du signe n° 19, au contact de la paroi sud portant les animaux nos 18-1 et 18-2. La hauteur sous plafond de cette portion de la galerie n’a jamais pu excéder 45 cm : en effet le sol rocheux apparaît sous quelques centimètres de sédiments déposés par le ruisseau.
La crinière est indiquée par un double trait, rendant bien compte de la crinière érigée des équidés paléolithiques, et les oreilles par deux courts traits dirigés vers l’avant. Le tracé de la tête est schématique, à chanfrein rectiligne et ganache un peu convexe, mais un relief naturel évoque l’oeil et l’arcade sourcilière. Le cheval est correctement tracé au niveau de l’avant-main, très négligé au niveau de l’arrière-main. Les membres sont réduits à leur racine, les antérieurs dessinés par quelques traits comme ceux de l’herbivore n° 18.2. Deux longs traits longitudinaux, sans signification évidente28, courent du poitrail à la fesse, matérialisée par un trait rectiligne maladroit29. Cette maladresse apparente est certainement en rapport avec la difficulté matérielle d’exécution de la figure. Entre le cheval n° 20 et le signe n° 19, quelques traits disjoints peu lisibles évoquent une deuxième tête animale, un peu plus massive et plus verticale que la précédente, prolongée par une ligne de poitrail et sommée d’un trait rectiligne oblique en avant à droite : ce fut peut-être une première ébauche de la tête du cheval n° 20.
- Ensemble de traits n° 21 (fig. 30)
À 2 mètres en amont du cheval n° 20, au niveau d’un rétrécissement de la galerie30, de nombreux traits couvrent la voûte sur une surface de 1,30 m de long (dans l’axe de la galerie) et de 0,80 m de large. Du fait de la faible hauteur de la galerie à leur niveau (H/so1 = 25 cm au moment de la découverte et 45 cm au-dessus du sol rocheux visible après abaissement des sédiments sub-actuels), ils ont certainement été tracés avec difficulté par un graveur opérant en décubitus dorsal. Il s’agit de traits fins (l et p = 0,5 à l mm en moyenne, sauf au niveau de l’ensemble n° 21-5, où l et p = 2 mm), maladroitement incisés et difficiles à relever parmi les fissures naturelles. On peut distinguer schématiquement trois groupes de traits principaux, d’aval en amont :
- nos 21.1, 21.2 et 21.3 : un premier groupe semi-plafonnant est situé dans la partie aval de l’ensemble. Il est gravé en partie haute de la paroi sud et constitué essentiellement d’un faisceau de traits rectilignes tendant à converger en bas et à droite (n° 21-1), rappelant un peu les traits n° 12 voire l’image vulvaire n° 5. Ce faisceau de traits est recoupé à angle droit par deux traits parallèles convergents à gauche (n° 21-2) qui pourraient figurer une image sexuelle masculine complémentaire. Au même niveau et immédiatement à leur gauche, des traits sinueux en feston forment un petit ensemble distinct, non identifiable (n° 21-3).
- n° 21-4 : le deuxième groupe est totalement plafonnant, un peu plus en amont. Il comporte deux longs traits sinueux en S très allongé, parallèles, perpendiculaires à l’axe de la galerie, un peu comme deux grandes lignes cervico-dorsales La
- n° 21-5 : le dernier groupe, également plafonnant, est situé encore plus en amont. Il est surtout caractérisé par un tracé en Z, très net, qui pourrait peut-être correspondre aux oreilles pointues d’une grande et grosse tête animale, incomplète et maladroite, dont l’axe serait parallèle à celui de la galerie, très basse en ce lieu.
Au-delà de cet ensemble n° 21-1 à 21-5, sont quelques rares traits, épars et courts, qui nous ont parus isolés et marquer la fin de la zone ornée.
CONCLUSIONS
La grotte. Associé à un habitat situé à l’entrée, le dispositif orné de La Font-Bargeix se développe seulement dans la partie profonde de la cavité. La grotte mesure 75 m de long. Son segment initial, long de 35 m, ouvert directement sur un abri habitat aménagé à la source d’un ruisseau pérenne, n’offre pas de difficultés de pénétration : sa largeur moyenne est de 1,50 m. En revanche, la galerie ornée terminale, longue de 40 m, est de parcours difficile. Sa hauteur est, en moyenne, de 0,50 m seulement et sa largeur de 1 à 2 mètres. On a donc affaire à un sanctuaire profond, dont l’accès par une étroite chatière et le parcours dans un boyau très surbaissé ont toujours été malaisés. C’est la raison pour laquelle la galerie ornée a été ignorée par l’équipe d’archéologues ayant fouillé l’entrée de 1978 à 1983. C’est le mérite des spéléologues C. Carcauzon et D. Raymond d’avoir désobstrué et franchi le laminoir d’accès et découvert, malgré les difficultés de parcours, une grande partie de ses fines gravures le 9 mars 1986.
Répartition des gravures. Le support est la paroi sud dans 7 cas et la paroi nord dans 2 cas (dont la frise de 10 images vulvaires). La voûte a été utilisée une douzaine de fois et pour des sujets ou motifs plus ambitieux, pour 2 raisons : 1 - sa surface est horizontale (joint de stratification) et faite de calcaire dur, moins accidenté, à peine voilé d’une pellicule de calcite (vite crevée par l’outil de gravure) ; 2 - Le graveur pouvait travailler un peu plus confortement en décubitus dorsal.
La galerie ornée comporte schématiquement trois zones successives de gravures : 1 - dans le couloir initial, des tracés assez éparpillés (1 boviné très sommaire, 1 vulve, 1 humain, 1 signe inhabituel fait d’un hémi-cercle avec appendice et quelques traits) ; 2 - dans le boyau terminal, sur les 15 derniers mètres, là où le parcours est le plus difficile, 5 animaux (1 grand boviné et 1 grand cheval, 2 herbivores à longs membres, 1 petite tête animale), une longue frise de 10 vulves ou images d’allure vulvaire, triangulaires pour la plupart, 2 images d’allure vulvaire, 1 phallus, une figure féminine schématique de profil, 3 signes originaux (arc de cercle à appendice, image en croissants, ogive) et de nombreux traits dont 1 groupe en faisceau convergent ; 3 - tout au fond, sont gravés, sous une voûte très basse presque inaccessible, un ensemble de traits (dont 1 faisceau de traits et 2 traits convergents superposés pouvant évoquer vulve et phallus), des traits sinueux en festons, et enfin, peut-être, une maladroite et grande tête animale. Une caractéristique de la décoration de La Font-Bargeix, qui semble être conservée dans son intégralité, est qu’elle est constituée par des tracés bien séparés les uns des autres, sauf dans deux cas (ensemble nos 9-12 et 21).
Technologie. Les traits gravés sont presque toujours fins (l et p = 1 à 2 mm), incisés avec un outil tranchant, souvent difficiles à distinguer des fissures. Bien plus rarement des traits à section courbe ont été tracés avec un outil à pointe un peu plus large mais émoussée. Les nombreux accidents de surface (écailles, fissures, fossiles, bourgeons de calcite), rendent les traits sinueux. La surface des parois utilisable pour les gravures s’amenuise en amont, tandis que la voûte s’abaisse, obligeant alors le graveur à travailler en décubitus latéral. On peut penser que le ou les graveurs étaient particulièrement jeunes, agiles et dotés d’une accommodation visuelle convenable.
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Fig. 31 - Les représentations humaines explicites de La Font-Bargeix : nos 17a à 17j, vulves triangulaires plus ou moins schématiques avec sillons médians en V inversé ou en navette ; n° 5, vulve triangulaire avec sillon médian en navette ; n° 9, image d'allure vulvaire ; n° 11 phallus ; n° 7, silhouette féminine schématique ; n° 6, humain complet de profil avec tête au crâne arrondi, nez volumineux, corps ballonné, membre supérieur en pointe et membres inférieurs fléchis sur l'abdomen ; signe n° 13, image d'allure vulvaire (relevés synthétiques). |
Décompte. Dans la galerie ornée, alternent de façon remarquable 16 figures humaines (1 entière et 15 abré gées en synecdoque : 13 vulves ou images d’allure vulvaire triangulaires, 1 phallus, 1 FFS) (fig. 31), 6 figures animales (2 bovinés, 1 cheval, 2 herbivores et une tête) (fig. 32), 3 signes (1 arc de cercle avec appendice, 1 signe en croissants, 1 ogive), 2 surfaces couvertes de traits (formant notamment 2 faisceaux convergents) et 4 tracés isolés faits d’un trait ou de quelques traits (fig. 33).
L’abondance des représentations du corps humain en tout ou partie, habituellement peu nombreuses dans les sanctuaires paléolithiques, doit être soulignée.
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Fig. 32 - Les animaux de La Font-Bargeix : n° 1, boviné limité à la ligne de dos et à l'encolure ; n° 16, boviné ; n° 15, tête animale ; n° 18-1, herbivore ; n° 18-2, herbivore (cervidé ?) ; n° 20, cheval ; n° 21-5, grande tête animale (?) (relevés synthétiques). |
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Fig. 33 - Les signes et les tracés géométriques non explicites de La Font-Bargeix : n° 2, signe (?) en hémi-cercle avec appendice ; n° 3, traits ; n° 4, traits ; n° 8, traits ; n° 14, signe en croissant ; n° 19, signe en ogive ; n° 21-2, deux traits parallèles convergents ; n° 21-3, tracé en feston ; nos 21-1 et 12, traits convergents (relevés synthétiques). |
L’orientation des figures animales n’apporte pas d’éléments significatifs. Les animaux montrent leur profil droit dans 5 cas et le gauche dans un seul cas (boviné n° 1), mais il est difficile de préjuger du caractère gaucher ou droitier du graveur tant les conditions de travail étaient inconfortables. Le bovin n° 16 et le cheval n° 20 se dirigent vers l’amont, ainsi que la petite tête animale n° 15 ; les herbivores nos 18.1 et 2 et le boviné n° 1 se dirigent vers l’aval.
Attribution chronologique. Sur le plan archéologique, il est raisonnable de rapporter cet ensemble gravé au Magdalénien VI, compte tenu des résultats de la fouille conduite par C. Barrière sous l’abri d’entrée. En effet, il n’y a trouvé que du Magdalénien VI (et des niveaux médiévaux) ; le porche, ouvert au fond de l’abri est le seul accès à la galerie ornée, protégée par une chatière étroite. En revanche, aucun vestige n’a été trouvé dans la galerie ornée mais elle est régulièrement balayée par les crues du ruisseau.
Sur plan thématique et stylistique, cette étude paraît autoriser trois conclusions :
1 - La Font-Bargeix semble un bon témoin de 1’art de la fin du Magdalénien, postérieur à celui, très réaliste, de la grotte de la Mairie de Teyjat (à environ 15 km de là), dont la décoration très académique et classique, jadis éclairée par la lumière du jour, correspond à un habitat du Magdalénien V (avec un court passage postérieur des Magdaléniens VI). Dans sa classification, A. Leroi-Gourhan, ignorant ces témoignages tardifs du Magdalénien, considérait Teyjat comme un terminus de l’art pariétal paléolithique (Leroi-Gourhan, 1965 et 1995).
2 - Il est licite de comparer la Font-Bargeix avec la grotte ornée de Gouy (Seine-Maritime), dont le matériel lithique fut attribué par F. Bordes à un « Magdalénien supérieur voire terminal »31. Ces deux grottes ont en commun des ressemblances thématiques et techniques. La petite grotte normande est décorée, comme on sait, de figures gravées, également de petite taille, représentant 8 vulves triangulaires, 18 représentations animales complètes ou fragmentaires (certaines à remplissage rayé), une figure féminine et une silhouette humaine schématiques, avec de nombreux tracés en palissade ou en quadrillage32. Le remplissage du poitrail du boviné n° 16 de La Font-Bargeix, fait de traits rayant la surface endographique, est une technique connue dans l’art mobilier de la fin du Magdalénien aux confins de l’Azilien (le Pont d’Ambon, la Borie del Rey notamment).
3 – Enfin, dans le domaine de 1’art portable stratigraphiquement daté (plaquettes et plaques de pierre), les gisements du Magdalénien VI de Lalinde (La Gare de Couze et La Roche de Lalinde)33 ont fourni également de nombreuses figures féminines schématiques. Il en va de même pour les sites rhénans de Gönnersdorf et d’Andernach (Magdalénien récent et final) (Bosinski, 1977).
En outre, La Font-Bargeix partage de nombreux points communs avec la grotte voisine de Fronsac (Vieux-Mareuil, Dordogne), distante seulement d’une dizaine de kilomètres (Delluc, 1989b, 1996 et à paraître). Fronsac est aussi une étroite grotte-couloir, d’accès malaisé aujourd’hui comme jadis, dont la décoration comporte la même dyade boviné-cheval et fait intervenir, dans la partie profonde, de nombreuses représentations humaines simplifiées (des vulves et des phallus, de nombreuses figures féminines schématiques et un humain réaliste), marginalisant les thèmes animaux contrairement à ce que l’on observe dans les grottes magdaléniennes classiques. Toutefois, si ces deux grottes ornées présentent une très grande parenté thématique, elles ont chacune des caractères technologiques particuliers et un style original.
La grotte de La Font-Bargeix est donc, comme Gouy, une des rares petites grottes ornées profondes, à décor miniaturisé, thèmes humains dominants (nombreuses représentations sexuelles explicites et figures féminines schématiques), contrastant avec quelques représentations animales simplifiées à remplissage rayé. Ces deux grottes, rapportables archéologiquement à la fin du Magdalénien, sont donc plus tardives que les grottes-sanctuaires connues jusqu’ici et présentent des caractères thématiques, technologiques et stylistiques très particuliers.
Remerciements
Nous remercions tout particulièrement les spéléologues C. Carcauzon et D. Raymond qui ont fait appel à nous dès leur découverte et nous ont confié la gestion administrative et scientifique de leur découverte. Notre gratitude va aussi à Mlle J. Desormes, propriétaire, pour les facilités de travail qu’elle a bien voulu nous accorder, et au Pr C. Barrière, qui, malgré une situation plutôt délicate, s’est toujours montré d’une parfaite courtoisie avec nous. Nos collègues et amis Z. Abramova, G. Bosinski, H. de Lumley, M. Lorblanchet, M. Garcia, Elena Man-Estier, A. Marshack, P. Paillet, G. Sauvet, D. et A. Vialou nous ont fait l’amitié de nous accompagner sous terre, malgré les difficultés du parcours souterrain, et leurs avis ont toujours été pour nous très précieux. Le Dr J.-P. Duhard a bien voulu participer avec l’un d’entre nous (Dr G.D) à la description anatomique des images vulvaires dans le cadre de notre étude commune sur les images génitales féminines dans l’art paléolithique en France.
1 De 1983 à 1986, dans le cadre de prospections spéléologiques systématiques, avaient été découvertes les gravures pariétales de Jovelle (Carcauzon, l984a et 1988 ; Delluc, 1991), de Fronsac (Carcauzon, 1984b et 1988 ; Delluc, 1996 ; Delluc, 1989a et b) et de La Croix (Carcauzon, Raymond et Delluc, 1987 ; Carcauzon, 1988 ; Delluc, 1989a et b ; Delluc et Guichard, 2012), dans ce Haut Périgord jusque-là considéré comme peu riche en grottes ornées sauf Teyjat et Villars (Duchadeau-Kervazo, 1986).
2 Lettre de C. Carcauzon à B. et G. Delluc, le 28 mai 1986.
3 Sauf pour les tracés nos 10 et 16.
4 Relevés à vue suivis de projections de diapositives sur banc de travail et contrôles par vérification sur place.
5 Tous les relevés et clichés de la présente publication ont été effectués par B. et G. Delluc, sauf le relevé des traits n° 3, effectué par C. Barrière (Barrière, 1990, fig. 8, p. 21).
6 Compte tenu de l'étroitesse de la basse galerie ornée, les largeurs et les hauteurs ont toutes été mesurées, par la méthode des fausses abscisses et ordonnées.
7 Notre publication avait été préparée pour le colloque international de Lascaux en 1990, mais ses actes n'ont jamais été publiés. Nous la reprenons ici avec les compléments nécessaires.
8A l'époque l'émergence du ruisseau souterrain était considérée comme une fontaine dévotieuse. Ses eaux passaient pour guérir les affections dermatologiques des enfants.
9Voir fig. 5.
10 Voir la coupe sur la fig. 1.
11 Sur les 75 m de longueur totale de la cavité.
12 Liés à la combustion de caoutchouc enflammé (pneu) pour chasser les animaux de ce terrier naturel.
13 Voir fig. 1.
14 Pour localiser les gravures, ici souvent plafonnantes, on utilisera les indications nord et sud, amont et aval, plutôt que d'avoir recours aux notions de droite et de gauche, sources de confusion.
15 Son relevé synthétique effectué par C. Barrière (Barrière, 1990, fig. 8, p. 21) est fourni sur un tableau récapitulatif final (fig. 33).
16 Par endroits, on observe au sol du guano de ces chauves-souris.
17 Son relevé synthétique est fourni sur un tableau récapitulatif final (fig. 33).
18 Cette ouverture accidentelle a été obturée par une maçonnerie en 2009.
19 Dr J.-P. Duhard, in litt., 6 juin 2013.
20 Le relevé synthétique est fourni sur un tableau récapitulatif final (fig. 33).
21 Nous désignons par le mot vulve les tracés incontestables sur le plan anatomique et par la formule image d'allure vulvaire les tracés n'ayant pas tous les critères anatomiques de cet organe (Duhard et Delluc, sous presse).
22 Terre apportée par les crues.
23 Le relevé a été effectué grâce à une mosaïque de photographies.
24 La base de ce triangle représente le pli hypogastrique anatomiquement concave en haut ou horizontal.
25 Dr J.-P. Duhard, in litt., 6 juin 2013.
26 A. Leroi-Gourhan parlait d'un « phénomène de sériation ».
27 Le 20 août 1987, un abaissement des sédiments sub-actuels du sol de la partie terminale surbaissée de la cavité, a été effectué, avec l'accord de la Direction des Antiquités (demandé par lettre du 8 juillet). Profond de 10 à 15 cm et large de 50 cm, sous le cheval 20 et sous les traits 21, il avait pour but de permettre l'observation et la protection des traits gravés. Au-delà, il ne semble pas exister d'autres traits gravés. Le sol était fait d'une couche d'argile de 5 à 10 cm d'épaisseur surmontant des déblais (cailloutis, pierres rougies au feu, fragments de laitier de forge, de quartz et de fossiles émiettés) et la roche en place. Ces sédiments, entrainés par les crues du ruisseau, ont stagné dans la galerie ornée du fait du barrage formé par les blocs de la chatière d'accès. Le tamisage des déblais dans l'eau de la résurgence n'a pas montré d'indices plus anciens (Barrière, Carcauzon, Delluc, 1990, p. 21).
28 Le long trait inférieur évoque un peu une marque de pelage.
29 Absent sur le calque de C. Barrière.
30 A cet endroit, la galerie est large de 1,50 m contre 2,25 m niveau des vulves n° 17.
31Une quinzaine d'outils et une cinquantaine de lames dont certaines portaient des traces d'usure, comme des outils à graver (Bordes et coll., 1974).
32 Nous renvoyons aux publications très richement illustrées de Y. Martin, 1973, 1984, 1988 et 2010.
33 Bordes et col., 1963. Afin de ne pas surcharger la présente publication, nous renvoyons pour l'iconographie des autres FFS de Dordogne à Delluc, 1995a, 2008 et 2009.
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La grotte de La Font-Bargeix en bref...
Type : |
Technique |
Période |
Occupation |
Restes humains |
Grotte ornée
|
Gravures |
Magdalénien |
|
Non |
Dimensions |
Nombre de représentations |
|
|
Outils |
|
31 unités graphiques gravées
|
Plaques osseuses gravées et raclées |
|
Harpon, pointe, burins |
Localisation |
Accessibilité |
Date de la découverte |
Particularités |
|
Champeaux-et-La-Chapelle-Pommier |
Ne se visite pas
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1976 (gisement)
1986 (grotte ornée) |
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