Un art très technique, tout sauf improvisé !
Dans le documentaire Homo
sapiens, on voit un homme préhistorique prendre
un morceau de charbon de bois et dessiner, sur la roche,
les contours d'un animal, presque par hasard...
Dans la réalité, on peut supposer que tout
acte artistique devait nécessiter une certaine
préparation :
- chercher le minéral avec la bonne couleur (manganèse,
limonite...)
- le broyer ensuite pour obtenir une matière "étalable"
- fabriquer éventuellement un pinceau,
- choisir et tailler la bonne pierre pour graver la roche,
- préparer son éclairage portatif...
Bref , un vrai "travail" réfléchi, pensé et organisé...
La gravure
Pour graver, les hominidés utilisaient une pierre, du bois dur, un morceau d'os...
La gravure, très répandue, va de la trace fine laissée par la pointe d’un burin de silex, à des incisions plus profondes dessinant vigoureusement les contours. Dans certains sites, des enlèvements de matière importants font apparaître de véritables bas-reliefs. La multiplication des incisions fines donne des contours plus flous mais plus vivants. Des raclages faisant apparaître une teinte plus claire sous la surface de la roche sont employés pour produire, en réserve, des effets de couleur et de volume. Le trait gravé, même simple et fin, est surtout perceptible par la différence de couleur qu’il produit, différence qui devait être encore plus vive au Paléolithique. De ce fait, la trace gravée est, en quelque sorte, une trace colorée. Enfin, il n’est pas rare de voir gravures et peintures associées dans une même figure. Le piquetage, fréquent dans l’art rupestre néolithique, est rare au Paléolithique.
En 2000 ,une nouvelle grotte ornée fut découverte dans le Périgord : la grotte de Cussac. Exceptionelle, elle comporte à plus de 90% de gravures,
et des sépultures y ont également été trouvées.
En 2014, des traits gravés ont été découverts dans la grotte de Gorham (Gibraltar). Ils sont datés de - 39 000 ans et attribués aux Néandertaliens .
Egalement en Espagne : la grotte Font-Major a délivré de nombreuses gravures qui ont fait l'objet d'une publication en 2020. |
Signes
Gravure attribuée à Homo neanderthalensis
Gorham - Gibraltar - Espagne
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1 Aurochs
Gravure fine
Teyjat
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7 Renne s'abreuvant
Incision
Grotte des Combarelles |
Cheval
Gravure -
Grotte Font-Major
Espagne
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Mammouth de la découverte
Gravé ou tracé au doigt
Grotte de Rouffignac
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Cheval et bison gravés
La gravure fait apparaître la couleur sous-jacente plus claire
Grotte de Cussac
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Cheval
Enlèvement de matière
Grotte de Commarque
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Renne
Enlèvement superficiel de matière
Les Trois-Frères |
La sculpture
Des entailles profondes dans la roche
Comme sortant de la paroi, certaines représentations sont tellement en relief que l'on peut presque parler de sculpture. A force d'enlever des fragments de roches, le sujet, physiquement détouré, apparaît en relief. Cette technique est employée pour des frises de plusieurs mètres comme celle, monumentale, de l'Abri du Cap Blanc où les chevaux et les bisons sont de grande taille. Au Roc-de-Sers, la paroi présentait une frise de chevaux, bouquetins et bisons, qui s'est malheureusement effondrée et brisée en plusieurs morceaux. A Angles-sur-Anglin, Randall White indique, en parlant du site du Roc-aux-Sorciers, "la paroi présentait une dizaine de sculptures en bas-relief et des gravures réparties en plusieurs frises disctintes..." |
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Bouquetin
Roc-aux-sorciers |
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Cheval
Abri de Cap Blanc
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Cheval
Roc-de-Sers Cliché Sophie Tymula |
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Le modelage : une technique rarissime...
Le modelage était aussi un procédé
connu. Malheureusement, les œuvres modelées
en argile crue sont très fragiles. Une seule
d’entre elles nous est parvenue en bon état
de conservation : les bisons du Tuc d’Audoubert.
On peut également évoquer, dans la grotte de Montespan, un avant-train animal non identifié ainsi que la silhouette massive d'un ours.
Dans de rares grottes, comme à Niaux, des figures ont été dessinées dans l'argile, au sol, et modelées/effacées par le temps.
A droite : bisons modelés - Tuc d’Audoubert |
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La
peinture,
Le mode d'expression le plus connu
La peinture fait appel à deux pigments :
noir et ocre. Le noir est constitué soit par du charbon
de bois (genévrier ou pin) ou plus rarement d’os,
soit par de l’oxyde de manganèse (Grotte de Lascaux).
Les ocres sont des argiles dont la teinte naturelle varie
du rouge au brun-jaune en fonction de leur teneur en oxyde
de fer (hématite, limonite) mais peut également
être modifiée par chauffage. Le bleu et le vert
ne sont pas encore connus. Les teintes de base, mariées
avec la couleur du support, sont employées seules ou
sont associées (polychromie).
Marc Groenen indique "Les couleurs utilisées pour l'art pariétal comprennent pour l'essentiel le rouge et le noir. On relève toutefois plus exceptionnellement du jaune et du violet, en particulier dans les sites de la corniche Cantabrique, ainsi que du blanc et du bistre."
L’application se faisait avec
des sortes de crayons d’ocre dont plusieurs exemplaires
ont été retrouvés, mais aussi avec
des morceaux de charbon de bois. L’application à l’aide d’un pinceau végétal
est probable ou possible mais n’est pas attestée. La main trempée dans la préparation pigmentée permettait de réaliser des empreintes, comme les mains positives (Grotte de Gargas), ou de gros points, comme dans la grotte Chauvet.
Deux modes d’application sont assez particuliers au
Paléolithique : de gros points juxtaposés forment
parfois un contour ou, mieux encore, une silhouette complète. Plus originale est la technique du soufflé.
L’ocre préalablement mâchonnée est
soufflée avec la bouche directement sur la paroi. Ce
procédé, décrit par Michel Lorblanchet, permet de peindre sur des supports irréguliers,
d’obtenir des tons dégradés et même
des contours nets lorsqu’il est combiné avec
la technique du pochoir. Les mains négatives sont réalisées
par ce procédé, tout comme les chevaux pommelés
de Pech Merle.
Les figures ainsi produites sont parfois limitées à
de simples silhouettes mais assez souvent l’aplat est
entièrement coloré en estompage.
Qu’il s’agisse de gravure ou de peinture, un procédé
assez spécifique à l’art paléolithique
reste employé de façon tout à fait courante
: l’utilisation des reliefs naturels. Un élément
naturel, fissure ou mouvement de la roche, est intégré
à la figure lui donnant plus de relief ou de présence .
Une source de lumière
L'éclairage : un outil nécéssaire pour l'artiste des cavernes
Pour réaliser les gravures, les sculptures ou les peintures
au fond des cavernes, loin de la lumière naturelle, les artistes devaient apporter des sources de lumière. Ces éclairages pouvaient être de deux sortes, soit une torche enflammée, fabriquée avec un morceau de bois enduit de cire ou de graisse, soit une "lampe" formée d'une pierre creusée qui contenait le combustible.
Les torches sont une hypothèse probable dont on n'a retrouvé des traces de mouchage sur les parois, mais pas de restes à proprement parler: les torches en bois consummées ont peu de chance de résister au temps !
Plusieurs lampes en revanche ont été découvertes dans des abris sous roches, des gisements de plein air et des grottes. Elles étaient très probablement utilisées dans la vie quotidienne et pas seulement pour pénétrer dans les cavités. Paul G. Bahn précise "Il existe un petit nombre de lampes magnifiquement faconnées, et certaines portent même des gravures, comme celles de La Mouthe ou de Lascaux. Nombre d'entre elles sont en grès rouge de Corrèze, qui semble donc avoir été un centre de production". Des études ont indiqué que des acides gras d'origine animale servaientt de combustible. |
Lampe gravée en grès rouge
Grotte de
Lascaux
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Ouvrages sur l'art préhistorique
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L'art de l'époque glaciaire
Paul bahn
Enfin disponible en français, cet ouvrage est le seul véritable manuel consacré à l'art préhistorique de l'époque glaciaire. Peintures, gravures, sculptures et parures de tous les continents (à l'exception de l'Antarctique !) y sont systématiquement passées en revue. On y découvre une histoire des recherches truffée d'anecdotes significatives et une analyse critique de toutes les hypothèses d'interprétation, des plus anciennes aux plus récentes.
Paul Bahn, qui a lui-même visité des milliers de sites d'art rupestre, livre ici un incomparable tour du monde des arts de l'Âge Glaciaire
L'art de l'époque glaciaire
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Art des grottes ornées
Marc Groenen
Ce travail de synthèse consacré à l’art du Paléolithique supérieur sur parois rocheuses est le fruit de vingt années de recherche dans les grottes françaises et espagnoles. Le premier objectif de l’ouvrage est de déterminer le statut des peintres, graveurs et sculpteurs de cette période, le second de comprendre les intentions qui ont conduit à orner les réseaux souterrains. La diversité des thèmes figurés, la qualité graphique des images, la maîtrise technique permettent de penser que les œuvres pariétales sont le fait de personnes formées à l’art de la représentation.
Plus sur L'art des grottes ornées - Groenen |
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L'art préhistorique dans le monde
Randall White
Si certains sites préhistoriques sont bien connus, comme les grottes ornées de Lascaux en France, il en existe beaucoup d'autres largement ignorés. Les hommes et les femmes de la préhistoire ont laissé de leur existence des traces infiniment plus nombreuses qu'on ne l'imagine notamment en Eurasie, Afrique, Australie, et dans tout le continent américain. Dans cet ouvrage, l'anthropologue Randall White étudie l'art préhistorique dans le monde entier, depuis l'éclosion de la figuration et de toute représentation symbolique il y a environ 40 000 ans et jusqu'aux créations des peuples préhistoriques qui vivaient encore au début du XXe siècle. Se fondant sur les plus récentes données de la recherche, il situe ces découvertes dans leur contexte et élucide certaines énigmes de la vie quotidienne chez nos lointains ancêtres
Beau livre. 239 pages
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L'art des cavernes
Jean Clottes
Jean Clottes, spécialiste international de l'art préhistorique, offre au lecteur une visite guidée de quelque 85 grottes et abris, principalement en Europe, mais aussi en Afrique, en Asie, en Amérique et en Australie, révélant l'extraordinaire richesse de l'art des cavernes et de l'art sur les roches. Il donne à voir, dans l'ordre chronologique et géographique, près de 250 oeuvres d'art datant de la période paléolithique, de 35 000 à 11 000 ans avant notre ère. Chacune d'elle est illustrée par une photographie en couleurs et accompagnée d'un texte explicatif. L'Art des cavernes préhistoriques constitue un ouvrage de référence. Le texte est clair, vivant et à la portée scientifique.
Beau livre. Grand format. 352 pages |
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Naissance de la vie
Michel Lorblanchet
Michel Lorblanchet a consacré sa vie à l'étude de l'art pariétal qu'il a contribué à révolutionner. Un demi-siècle de recherches au coeur des grottes ornées du Quercy. Ses longs séjours lui ont permis d'acquérir une connaissance intime de chacune d'elles, pratiquant des observations, des déchiffrements et des relevés minutieux pour tenter de déterminer tous les éléments des tracés, les outils et les pigments employés, les étapes de la création, le nombre d'artistes...
Tout au tong de ses recherches, il s'est interdit les interprétations personnelles pour accomplir un travail le plus objectif possible. Mais aujourd'hui Michel Lorblanchet sort de sa réserve. s'autorise à nous livrer sa lecture de ces oeuvres quercynoises magistrales. Les marques, traces et autres peintures prennent vie, font sens, les figures des artistes paléolithiques se dessinent à travers leur appropriation de ces espaces, leur manière de faire parler les parois, d'utiliser les reliefs dont ils suivent les inclinaisons naturelles pour faire surgir des fresques majestueuses dans lesquelles les animaux semblent étonnamment vivants.
Naissance de la vie - Lecture de l'art parietal - Michel Lorblanchet |
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Le Temps Sacré des Cavernes
Gwenn Rigal
Ce livre est une synthèse claire et accessible de l'ensemble des hypothèses formulées au fil du temps par la communauté scientifique pour tenter de répondre à la question de la signification de l'art des cavernes. Il vient combler un manque dans la littérature consacrée à ce sujet : d'ordinaire, le survol théorique se révèle trop rapide ; à moins que l'auteur, théoricien lui-même, ne privilégie ses propres hypothèses au détriment des autres. Rien de tel ici. Fruit de plusieurs années de travail, "Le Temps sacré des cavernes" accorde une attention égale à chaque théorie, exposant au besoin les points de friction entre spécialistes. La première partie présente l'artiste, Cro-Magnon.
Les traces qu'il a laissées en termes de pensée symbolique et de spiritualité introduisent la seconde partie, exclusivement consacrée aux interprétations, cette dernière se fonde sur un travail d'analyse critique aussi exhaustif que possible. Le lecteur, ainsi éclairé, pourra se forger son intime conviction.
Le temps sacré des cavernes |
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De Chauvet à Lascaux
Stéphane Pétrognani
L'art des cavernes préhistoriques, depuis les origines (Chauvet) jusqu'au Mag-dalénien (17 000 ans environ), révèle une grande variété associée à une totale liberté esthétique. Tout l'art qui suivra, ainsi que toutes ses techniques, y figure déjà en germe. Au Magdalénien, l'art deviendra rigide et répétitif. Et si cette évolution traduisait des changements dans les sociétés dont il est un reflet des désirs et des croyances ? L'étude des représentations symboliques rejoint ici celle des cultures matérielles pour proposer un modèle d'évolution des sociétés préhistoriques beaucoup plus réaliste et proche des réalités ethno-graphiques que par le passé. Une nouvelle approche de l'art préhistorique. Stéphane Petrognani est docteur en préhistoire et spécialiste de l'art paléolithique. Chercheur associé du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris (UMR 7194 du CNRS), il dirige actuellement l'étude de la grotte ornée de la Mouthe (Dordogne).
+ sur De Chauvet à Lascaux |
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La naissance de l'art
Michel Lorblanchet
Reliant les observations réalisées et les connaissances accumulées par lui-même et par ses collègues, ce chercheur tente dans ce livre de mieux comprendre comment l'Homme est devenu artiste. Il commence par un exposé des théories successivement émises par les préhistoriens pour expliquer la naissance de l'art. Puis il place l'origine de l'art dans le contexte général de l'origine de l'Homme. Il tente enfin d'analyser comment l'expression artistique s'est développée, des premières collections de curiosités naturelles aux premières formes créées, pour aboutir à l'émergence du grand art rupestre à divers moments, en diverses régions du monde. Il apporte le point de vue du préhistorien, c'est-à-dire d'un archéologue plutôt que d'un historien de l'art, il rend compte de façon rigoureuse et critique des progrès et des incertitudes de la recherche, des débats et des différences d'opinions et finalement livre un point de vue novateur sur la naissance de l'art.
304 pages. |
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22/12/04
Textes et choix des images : ZAF et CR
Textes et photos enrichis 01/01/21
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