La place des mains dans l'art pariétal paléolithique
Si l'on inclut (c'est un parti pris) les représentations ou empreintes de mains comme faisant partie de l'art pariétal, on ne peut que constater que la main fait partie des représentations les plus utilisées. Et, parmi elles, la main négative est surreprésentée.
A droite Main négative de la grotte Chauvet (Clottes)
Si l'on étudie plus finement on remarque que les mains sont majoritairement isolées des autres représentations, cela même si la grotte contient de nombreux autres thèmes. Toutefois, à Gargas ou Del Castillo les mains sont largement majoritaires et forment parfois des panneaux gigantesques montrant une grande diversité d'auteurs. A Tibiran, un seul panneau présente 9 mains négatives isolées.
Parfois les mains se présentent par paire et, bien souvent à l'écart des autres représentations, on découvre aussi deux mains isolée,s comme dans la grotte de Bernifal.
De manière fréquente on trouve également des empreintes uniques, isolées, comme dans les sites de Cosquer, des Combarelles, de l'abri du Poisson, voire même « encadrées » dans une petite cavité, comme à Gargas.
De façon extrêmement rare des mains sont associées à d'autres représentation, l'exemple du Pech Merle venant immédiatement à l'esprit, avec les magnifiques chevaux ponctués entourés de 11 mains négatives...
Main gauche ou main droite ?
Sans que cela soit primordial, on peut néanmoins se poser la question suivante : quelle main le préhistorique représentait sur les parois. Selon une étude réalisée par le préhistorien Marc Groenen, sur 378 mains négatives on a pu identifier 285 mains gauches et 95 mains droites.
75,4 % des empreintes sont donc des mains gauches et 24,60 % des mains droites.
Par ailleurs, en expérimentant, les préhistoriens se sont rendus compte que, naturellement, un droitier pose la main gauche sur la paroi pour garder sa main droite active. En appliquant cette habitude à nos ancêtres on peut donc en déduire que 75 % des paléolithiques étaient droitiers. C'est une proportion plus faible qu'actuellement puisque qu'on estime que la population moderne est droitière à près de 90 %.
Une main dont le pouce se trouve à droite correspond à une main gauche si elle a été posée en pronation (paume contre la paroi), mais elle signale une main droite si elle a été apposée en supination (dos contre la paroi). Or, nous avons montré que les mains étaient apposées en pronation, et il est donc possible de déterminer la latéralité de la main en s'aidant de la position du pouce. Marc Groenen.
A gauche : Mains peintes dans la grotte de Bernifal
Quelles sont les techniques utilisées pour laisser une empreinte de main
Les mains négatives
Plusieurs préhistoriens se sont intéressés à la manière dont les hommes du Paléolithique avaient réalisé les mains négatives. On peut citer André Leroy-Gourhan, Michel Lorblanchet et Marc Groenen (1988). Dans les diverses publications, deux méthodes sont le plus souvent argumentées : soit la couleur est déposée autour de la main, soit la couleur est projetée à l'aide d'un tube ou « crachée ». Si Michel Lorblanchet a réalisé des expériences en projetant la matière colorante avec la bouche, pour Marc Groenen il s'agirait plutôt d'une sorte de vaporisation de la peinture, réalisée à l'aide d'un petit tube coudé. Dans tous les cas la main est plaquée sur la paroi et c'est en la retirant que la forme de la main, en négatif, apparaût.
Dans la majorité des cas la forme est nette et descend souvent jusqu'au poignet, voire (rarement) à l'avant-bras.
Les mains positives
Pour les mains positives, la méthodologie est plus simple et évidente. L'homme paléolithique a trempé ou badigeonné sa main avec un mélange colorant. Il l'a ensuite appliquée sur la paroi quelques instants afin de transférer la couleur sur le support.
Des mains incomplètes
Beaucoup de mains représentées sur les parois sont incomplètes : le majeur, un autre doigt ou plusieurs doigts ne figurent pas intégralement. Intrigantes et presque dérangeantes, ces mutilations visuelles ont fait couler beaucoup d'encre. Tour d'horizon des explications envisagées.
A droite : main négative incomplète grotte Cosquer.
La mutilation volontaire.
On peut imaginer dans des sociétés humaines paléolithiques que les individus se coupent volontairement un ou plusieurs doigts pour satisfaire à un rite. Cela pourrait être une sorte de « passage obligé » montrant par exemple l'appartenance à un groupe.
Cette théorie à peu à peu été abandonnée car on imagine mal une tribu dont les membres chasseurs-cueilleurs se blessent volontairement, réduisant par là-même leur habilité et leur capacités dans la quête de nourriture. En outre, ces mutilations seraient également des sources d'infections dangereuses.
Mutilation involontaire
Une autre théorie pourrait expliquer ces mains mutilées : la maladie, des accidents ou le froid. En résumé, les mains seraient incomplètes car nos artistes paléolithiques auraient été souvent maladroits ou malchanceux !
Outre l'aspect anecdotique d'un Gaston Lagaffe préhistorique se coupant les doigts par maladresse, il paraût improbable, statistiquement parlant, que les hommes de l'époque aient attrapé plusieurs maladies ou aient eu les doigts gelés. Par ailleurs, certains doigts comme le majeur sont souvent incomplets alors que le pouce est presque toujours intact... Cette sélectivité ne correspond pas à une pathologie particulière.
Doigts repliés
L'explication la plus communément acceptée, et aussi la plus simple, est celle des doigts repliés. Il suffit à notre « artiste » de plier un ou plusieurs doigts lors de l'application de la peinture pour réaliser une main incomplète. Les préhistoriens (Lorblanchet, Groenen) ont démontré de manière expérimentale qu'il était tout à fait possible de réaliser des mains « mutilées » en positionnant certains doigts sous les autres. Il n'y a pas de preuves véritables pour étayer directement cette méthodologie, mais elle a le mérite d'être simple et facile à mettre en œuvre.
Datation
Les datations directes des mains peintes ou gravées sont très difficiles à réaliser.
Pour les peintures utilisant un colorant, il faut que ce dernier soit organique (comme le charbon de bois) pour permettre une datation au carbone14...
Pour la gravure il est impossible de déterminer la date de réalisation, sauf si un élément extérieur lié présent autour est datable, comme par exemple une grotte dont l'entrée s'est écroulée.
Sur les sites pour lesquels la datation est possible la majorité des mains préhistoriques datent du gravettien et sont estimées entre – 27 000 et – 22 000 ans.
A gauche, main négative Abri Labattut (relevé Delluc).
Pourquoi ces traces de mains sur les parois des grottes ?
Comme pour l'art préhistorique en général, la question du pourquoi s'applique également aux mains préhistoriques. Suivant les études et les chercheurs, plusieurs théories ont été avancées sans qu'une seule ait vraiment réussi à s'imposer (l'Art pour l'Art, le pouvoir magique, le structuralisme, le chamanisme). Pour qu'une théorie s'impose, il faudrait des preuves. Nous sommes ici dans une recherche de raisons intellectuelles qui auraient poussé des hommes, il y a plus de 20 000 ans, à imprimer leur mains sur des parois. C'est un véritable défi que de se mettre à leur place. Dans nos sociétés actuelles la main symbolise des idées fortes de communication, d'accueil, de signature... Or, quand nous regardons ces mains représentées, nous pouvons difficilement nous extraire de notre contexte et nous projeter au Paléolithique !
CR
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L'art pariétal paléolithique
Collectif
Ce travail répertorie les grottes et abris dans leur topographie mais aussi les supports thématiques de l'art pariétal, qu'il s'agisse de figurations humaines ou animales ou imaginaires. Nous y rencontrons aussi des signes pariétaux qui sont examinés dans leur technique et leur forme.
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Mise en ligne le 01/02/2013 |
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