Sommaire Jean Clottes - Un archéologue dans le siècle
Introduction
Un "honnête homme"
Des territoires ..
Une carrière.. .. .
Parmi les préhistoriens .
Fouiller, relever, publier, expliquer ..
La préhistoire des autres .....
Et si on ne parlait pas de préhistoire ? ..
Et maintenant ? ..
Annexes
André Leroi-Gourhan, Jean Clottes :
Deux hommes, deux préhistoriens, une passion ..
Témoignages
"J'ai toujours vu mon père faire de la préhistoire"
Témoignage d'Isabelle Pébay-Clottes (sa fille} ... "J'adorais me perdre dans la grotte"
Témoignage de Christine Mataly (sa fille} ..
"La préhistoire était déjà pour lui une passion"
Témoignage de jean-François Clottes (son fils} .
"Jean savait exactement ce qu'il voulait"
Témoignage de Françoise Peyrot (éditrice et amie). .
"J'ai beaucoup appris de Jean"
Témoignage de jean Courtin (préhistorien et ami)....... .. . "
C'est une des grandes chances de ma vie que de l'avoir rencontré"
Témoignage de Robert Bégouën (préhistorien et ami} ..
Un extrait de Jean Clottes - Un archéologue dans le siècle
Ressentez-vous cette même tension dans les relevés d'art ?
Non, ce n'est pas du tout la même chose. Parce que nous ne sommes jamais nombreux. La tension venait du nombre des participants. Au Placard, où nous n'avons jamais été plus d'une dizaine, l'ambiance était notablement plus détendue. J'étais plus âgé, aussi, et peut-être avais-je fait quelques progrès ...
Combien de fois êtes-vous allé à Lascaux ?
Je ne sais pas exactement. Ma première visite date de 1959. J'ai dû y aller une dizaine de fois. Je n'y ai jamais travaillé. Chaque fois que j'y vais, je suis en admiration. Lascaux, c'est un autre monde.
Quelle est la grotte qui vous a le plus marqué ?
Indiscutablement, c'est Chauvet, non pas parce que c'est la dernière en date, mais en raison de son importance et des circonstances. C'est moi qui l'ai expertisée, qui ai monté et dirigé la première équipe, fait les premières études et obtenu les premiers résultats. J'y ai découvert des images. Je suis actuellement président du Comité scientifique pour l'Espace de Restitution de Chauvet?", Lors de ma première visite, je me suis immédiatement rendu compte que c'était un chef-d' œuvre. Je l'ai noté dans mon rapport, expliquant qu'il s'agissait d'une découverte égale à celles de Lascaux et Altamira. Fin 1994, j'ai même proposé dans mon rapport son inscription sur la Liste du Patrimoine mondial de l'Unesco, proposition acceptée par le Premier ministre de l'époque, Édouard Balladur", qui l'annonça publiquement lors d'une visite officielle en Ardèche quelques semaines plus tard. Cette idée a ensuite été enterrée pendant des années. Elle a ressurgi, à la fin des années 2000, portée par le Département qui créa un poste pour l'occasion afin de préparer le dossier. Beaucoup de temps a été perdu, mais eu égard au temps de la Préhistoire, ce n'est pas bien grave.
La grotte Cosquer m'a marqué du fait des circonstances : j'ai dû apprendre à plonger pour la visiter; à 70 ans, c'était un petit exploit sportif. Ce fut pour moi une véritable aventure que j'ai partagée avec Jean Courtin. Niaux est la grotte que je connais le mieux, je lui ai consacré beaucoup de temps et j'ai pour elle une tendresse particulière.
Chauvet est un chef-d' œuvre supérieur à Lascaux ?
Non, on ne peut pas dire cela. Dans les chefs-d' œuvre, il est impossible d'établir un tel classement. Peut-on dire qu'une peinture de Léonard de Vinci est supérieure à une de Van Gogh? Je ne le pense pas.
Pour moi, il y a trois chefs-d' œuvre exceptionnels : Lascaux, Chauvet et Altamira. Les autres grottes ornées, comme Niaux, Pech-Merle, Cougnac, Font-de-Gaume, les Combarelles, Rouffignac, les Trois-Frères, Cussac, Gargas, Isturitz, pour ne citer que des cavernes françaises, sont de très grands sites. Il existe en outre une majorité de grottes ornées mineures.
En quoi consiste votre méthode de travail dans les grottes ?
Je procède aux relevés par décalque sur photographie car cela ne demande pas de grandes qualités de dessinateur, qualités que je n'ai pas. Je ne suis pas capable de dessiner à main levée. En revanche, expérience et attention permettent de voir et de rendre l'essentiel. Le relevé est extrêmement important.
Norbert Aujoulat avait une méthode particulière. Il ne dessinait pas du tout, il faisait ses relevés, chez lui, à partir des photographies qu'il avait prises, pour en extraire directement le motif. Je ne travaille pas tout à fait de cette façon. Comme la plupart de mes collègues, quand je relève, je prends la photo puis je vais devant la paroi et je dessine les motifs sur une feuille de plastique transparente collée sur le cliché: c'est une analyse de la paroi. À Chauvet, c'est Marc Azéma qui dessine sur le calque et je suis à côté de lui pour éclairer la paroi et vérifier. La quantité d'informations présentes sur la paroi est infinie. De cet infini, il faut tirer du fini: c'est cela, l'étude. On doit donc faire des choix, ce qui implique à l'évidence une part de subjectivité, que nous essayons de diminuer en travaillant en tandem.
C'est comparable à la fouille. Une couche est, elle aussi, infinie. Tout relever est impossible, vous n'allez pas noter chaque grain de poussière. De cette réalité infinie, vous devez, à l'aide des critères que vous jugez les plus efficaces, éliminer ce qui vous paraît peu pertinent pour faire apparaître la réalité préhistorique, tout au moins celle que vous recherchez. Vous devez faire des choix. À Enlène, par exemple, lors des deux premières années de fouille...
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