Grotte du Vallonnet
Les ancêtres de l’homme, il y a 1 million d’années, dans le sud de la France
La grotte du Vallonnet fait partie, avec le gisement de Lézignan-la-Cèbe, des plus anciens sites où la présence humaine est attestée par des preuves archéologiques. Découverte et historique dans la grotte du Vallonnet.
Situation
La petite cavité de la grotte du Vallonnet est située sur la commune de Roquebrune-Cap-Martin. Elle surplombe la baie de Menton à 110 mètres au-dessus du niveau de la mer, petite trouée triangulaire dans le versant ouest du Cap Martin.
La grotte s’ouvre sur le flanc d’une montagne de roches dolomites et calcitiques formée au Jurassique. A ses pieds court le Vallonet, un ruisseau qui se jette plus loin dans la mer.
Historique grotte du Vallonnet
La grotte du Vallonnet a été signalée par une jeune enfant au préhistorien amateur René Pascal (Association de Préhistoire et Spéléologie de Monaco) en
1958. Il la visite avec Louis Barral (Musée d'Anthropologie Préhistorique de Monaco) et commençe des fouilles la même année.
En
1959 Louis Barral et Georges Iaworky continuent les fouilles.
De
1962 à 1973 c’est le préhistorien
Henry de Lumley qui va mobiliser ses équipes pour travailler sur la grotte. La première année des fouilles il va retrouver la première trace d’activité humaine : un petit éclat de taille en silex.
A partir de
1986 Annie Echassoux reprend les fouilles et met à jour en 1987 plus de 70 pièces d’outillage lithique, dont 4 choppers et 6 chopping tools.
De
2004 à 2006 c’est Pierre Elie-Moullé (Conservateur du Musée de préhistoire régionale de Menton) qui reprend les fouilles au Vallonnet. En été 2012 une nouvelle campagne de fouille est programmée.
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Coupe de la grotte du Vallonet
La stratigraphie du remplissage de la grotte du Vallonnet étudiée par Henry de Lumley présente, selon le préhistorien, 5 ensembles empilés.
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Ensemble I |
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Ensemble II |
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Ensemble III |
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Ensemble IV |
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Ensemble V |
Coupe de la grotte du Vallonnet : Stratigraphie schématique et position des échantillons de remplissage de la grotte du Vallonnet. Yuji Yokoyama, Roland Bibron, Christophe Falgueres.
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L’ensemble I repose sur un plancher stalagmitique sur lequel des blocs du plafond de la grotte se sont écroulés. Il est daté de – 1370000 ans. A l’époque le climat était plus chaud et plus humide qu’actuellement.
L’ensemble II (stade isotopique 31) est issu d’une période où la cavité était partiellement envahie par la mer. On y retrouve, en plus des sables marins, des restes de coquilles et de poissons… Le climat était, par rapport au climat actuel, plus chaud et plus sec.
L’ensemble stratigraphique III, daté de -1 million d’années, est la couche argilo-limoneuse dans laquelle ont été mis à jour les restes de faune terrestre et les outils utilisés par nos ancêtres préhistoriques. Le climat dans les couches plus profondes de cet ensemble était sec et froid ; il évolue vers un climat tempéré et humide dans les couches plus récentes.
L’ensemble IV est daté de – 910 000 ans (stade isotopique 29) est formé d’un plancher stalagmitique qui ne présente pas de restes de faune ou anthropiques. La cavité n’a pas dû être utilisée à cette période.
L’ensemble V est composé d’argile rouge ou marron déposés progressivement par le ravinage de la grotte.
La grotte du Vallonnet est l’un des rares sites européens qui présente une stratigraphie sur la fin du Pléïstocène inférieur.
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Les découvertes dans la grotte du Vallonnet
"La grotte a connu une alternance d'occupations humaine et animale et après chaque passage, un enfouissement progressif des ossements a permis d'une part à des carnivores de ronger des os déjà dépourvus de chair, d'autre part à des porcs-épics de ronger des os encore frais. De nombreux ossements portant la trace de plusieurs intervenants différents témoignent de cette succession d'actions sur le matériel osseux." Anne Echassoux
A droite, reconstitution du paysage de la grotte du Vallonnet il y a 1 million d'années, par Eric Guerrier
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Paroi est de la grotte du Vallonnet |
Fond de la grotte du Vallonnet |
La faune marine
Il y a 1,1 millions d’année la grotte du Vallonnet se trouvait au niveau de la mer et celle-ci devait pénétrer de manière régulière dans la cavité. Au niveau du sol la stratigraphie a mis à jour des sables marins déposés sur le sol rocheux de la grotte, accompagnés d’ossements de phoque moine, de requin taureau, de poissons et de coquillages. Les parois de la grotte elle-même montrent le passé marin de la cavité puisque des trous de mollusques et des perforations d’éponges constellent les murs. Les sables marins déposés alors sur le sol rocheux de la grotte contiennent des ossements de phoque moine, des restes de daurade, de poisson diodon, de requin taureau, de tortue d’Hermann, des coquilles d’huîtres et de patelles, des plaques de balanes, des radioles d’oursins, des tests de foraminifères (protozoaires marins)… Les parois portent des traces d’érosion marine et des trous de mollusques lithophages. Des perforations dues à une éponge s’observent sur des pierres et des coquilles d’huîtres. La faune marine de la grotte du Vallonnet indique une eau plus chaude que celle de la Méditerranée actuelle et un contexte littoral de côte rocheuse.
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Tortue d'Hermann - fragment de la carapace
Environ 9 cm de longueur |
Phoque moine - mandibule trouvée dans l'ensemble II
Environ 10 cm de longueur |
La faune terrestre
Les ossements retrouvés indiquent qu’un nombre important de grands mammifères a fréquenté la grotte du Vallonnet : plus de 25 espèces ont été identifiées de type villafranchiens.
Les carnivores, qui représentent 30% des fossiles, ont probablement utilisé la grotte comme abri ou tanière. On a identifié des restes d’ours, de loup, de lynx, de renard, de guépard, de lion, de panthère et de hyène…
Les herbivores retrouvés au Vallonnet ont par contre dû être amenés et dépecés dans la cavité, soit par les hommes préhistoriques, soit par les carnivores cités en amont… Rhinocéros, chevaux, bisons, éléphants, bovidés, cervidés et suidés (cochons) sont les représentants fossilisés de ces « hôtes » malgré eux de la grotte du Vallonnet.
La grande majorité des os de mammifères herbivores présente des brisures sur os frais, caractéristiques d’une activité humaine.
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Mandibule et tibia de rhinocéros |
Manibule gauche de jeune hyène |
L'industrie lithique, preuve de la présence humaine il y a 1 million d'années
La couche III de la stratigraphie du Vallonnet a livré une industrie archaïque sur galets constituée de choppers, chopping-tools et d’éclats provenant du débitage des galets. Selon Henry de Lumley, ces outils sont du pré-Oldowayen (une culture préhistorique dont on retrouve les origines en Afrique il y a 2,5 millions d’années).
Les outils avec un bord tranchant permettaient de dépecer les animaux et de couper la viande. Les percuteurs avaient pour objectif de casser les os afin d’en extraire la moelle.
Même si aucun fossile humain n’a été trouvé, les scientifiques pensent que l’on peut attribuer la fabrication et l’utilisation des outils à Homo erectus ou Homo antecessor son seul « cousin » présent en Europe il y a 1 million d’années.
En 2017 une étude confirme que la strate anthropique de grotte du Vallonnet est datée entre -1,2 et -1,1 Ma !
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Eclat de silex en place |
Percuteurs |
Hominides.com remercie Pierre-Elie Moullé (Conservateur du Musée de Préhistoire de Menton) pour l'ensemble des documents et photographies qui ont permis la réalisation de cette page.
Sources
Etude taphonomique des cervidés de la grotte du Vallonnet (Roquebrune-Cap-Martin, Alpes-Maritimes) [Taphonomic study of the cervid bones of Vallonnet cave (Roquebrune-Cap-Martin, Alpes-Maritimes, France)] Anna Echassoux
Les cervidés de la grotte du Vallonnet (Roquebrune-Cap-Martin Alpes-Maritimes) Pierre-Elie Moullé
La grotte du Vallonnet au laboratoire départemental de préhistoire du Lazaret
Datation absolue des planchers stalagmitiques de la grotte du Vallonnet par la résonnance de spin électronique (ESR)
Etude paléoécologique, taphonomique et archéozoologique des faunes de grands mammifères des la grotte du vallonnet, Roquebrune-Cap-Martin, Alpes-Maritimes – Anne Echassoux