Les premières armes
Frederic Belnet
Assez loin de l’image d’Épinal véhiculée par le cinéma ou la B.D., l’Homme préhistorique ne porte pas perpétuellement sur l’épaule une énorme massue, ni à la ceinture une lourde hache de silex ligaturée à un manche, toutes deux destinées surtout à régler ses conflits de voisinage… Ses armes sont moins massives, plus élaborées et faites pour chasser.
Image à gauche Zdenek Burian 1952
Les plus anciennes
Sur les sites préhistoriques, les armes – celles identifiées comme telles par les préhistoriens, en tout cas – sont plus rares que les outils lithiques et apparaissent plus tard. Elles sont vraisemblablement destinées, pour l’essentiel, à la chasse. Certains matériaux organiques (bois, tendons d’animaux…) entrant dans leur fabrication se conservent mal, ne laissant aux chercheurs que de rares indices.
Tout récemment, une équipe internationale, s’intéressant à des pierres de moins de 10 cm de longueur, taillées sur les deux bords de façon symétrique et découvertes sur le site de Kathu Pan (Afrique du Sud), en fabrique des répliques qu’elle utilise expérimentalement pour percer la carcasse d’un animal. Les traces laissées par ces impacts sont identiques à celles observées sur les originaux : ces derniers sont donc des pointes de sagaies utilisées pour la chasse. Or, elles proviennent de sédiments très solidement datés à un demi-million d’années : ce sont les plus anciennes pointes d’armes en pierre – et par la même occasion les plus anciennes armes – connues à ce jour.
A droite, pointes retrouvées sur le site de Kathu Pan 1 en Afrique du Sud et datées de - 500 000 ans
Image de Jayne Wilkins
L’âge du bois
"L’Age de pierre a sans doute été avant tout un âge du bois", dit le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin. Des épieux (armes de contact) tout en bois, à la pointe parfois durcie au feu – et exceptionnellement conservés jusqu’à nos jours – sont également connus pour cette époque, celle du Paléolithique inférieur, et pour le Paléolithique moyen : le fragment d’épieu en bois d’if d’un diamètre de 3,60 cm de Clacton-on-Sea (Angleterre), vieux de 200 à 450 000 ans ; les trois spécimens en sapin de Schöningen (Allemagne), vieux de 3 à 400 000 ans, longs d’1,80 m à 2,25 m, ayant 2,9 à 4,7 cm de diamètre et parfois considérés comme des javelots (armes de jet) ; l’épieu en if (en morceaux) de 2,40 m de Lehringen (Allemagne), fiché dans le corps d’un éléphant il y a quelque 125 000 ans. Toutes ces armes sont l’œuvre d’Homo heidelbergensis ou de son descendant Néandertal.
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Epieu de Clacton-on-sea |
Vieilles de 65 000 ans, des pointes d’armes (peut-être de flèches) en pierre, récemment mises au jour dans la grotte de Sibudu, en Afrique du Sud, portent des traces de colle résineuse, preuve de leur fixation à des hampes. "La présence de colle implique que ces premiers hommes étaient capables de produire des outils composites ", note le Dr Lombard, de l’Université de Johannesbourg.
De nouveaux matériaux
Au Paléolithique supérieur (à partir de -40 000 ans), Homo sapiens généralise l’emploi des matières dures animales : os longs d’animaux, bois de cervidés (notamment de renne) et ivoire des défenses de mammouth, prélevées le plus souvent sur des carcasses d’animaux trouvés morts.
Dans ces matériaux, les artisans de l’Aurignacien (-40 à -28 000 ans) et du Gravettien (-28 à -22 000 ans) taillent des baguettes, un peu courbes au départ, qu’ils redressent à l’aide de leviers, les fameux bâtons percés, souvent en bois de cervidé (c’est du moins la fonction imaginée par les préhistoriens pour ces curieux objets). Une fois droites, les baguettes sont taillées en pointes de sagaies, avec un bout offensif et l’autre aménagé en biseau ou en fourche pour être fixé sur une hampe de bois de quelque 2 m, qui s’orne souvent d’un empennage. Parfois creusée de rainures où viennent s’insérer de petites lames de silex collées à la résine, la sagaie est une arme de jet efficace.
Pointes de sagaies et perçoirs - Grotte des Enfants - Gravettien - Musée d'Anthropologie Monaco
Toujours plus efficaces
Elle le devient d’avantage encore lancée à l’aide d’un propulseur, un engin inventé au Solutréen (vers -19 000 ans). Il s’agit d’une sorte de bâton muni à un bout d’un crochet (une butée), sur laquelle on cale la hampe d’une sagaie. Le chasseur saisit puis lance l’ensemble, et le propulseur, généralement retenu au poignet par une lanière, prolonge la poussée du bras comme un levier, catapultant le projectile jusqu’à 100 m (avec précision jusqu’à 30 m). Une technique adaptée à la chasse en plaine plus qu’en forêt. Si les archéologues du 19e siècle ne retrouvent que les butées (en os, en bois de renne ou en ivoire) de ces instruments, la comparaison avec celles des propulseurs ‘modernes’ ramenés par les ethnologues permet l’identification. « Certaines têtes de propulseur sont magnifiquement sculptées, comme celle de Bédeilhac (Ariège), ornée d’un faon surmonté d’un oiseau. Le crochet porte pourtant des traces d’usure indiquant qu’il ne s’agissait pas d’un objet d’apparat », dit le préhistorien Antoine Balzeau.
Propulseur "Le faon à l'oiseau" découvert par Romain Robert - Grotte de Bedeilhac - Bois de renne - Musée d'archéologie nationale (C) RMN / Loïc Hamon
Des armes pérennes
Les hommes du Magdalénien (-17 à -10 000 et au-delà) s’intéressent aux animaux aquatiques, et inventent le harpon. Toujours en matière dure animale, sa pointe, dont un des bords (parfois les deux) est muni de barbelures qui la maintiennent dans le corps de la proie, est amovible, se détachant de la hampe à laquelle elle est toutefois reliée par un filin, ce qui permet de haler le gibier aquatique (ou terrestre ?) à soi.
Enfin, si l’on écarte les pointes sud-africaines de Sibudu (mentionnées plus haut) et de petites pointes gravettiennes, perçues par certains auteurs comme des pointes de flèches, la technologie de l’arc n’apparaît qu’à la fin du Paléolithique, vers -10 000 ans. En bois, droit et d’une longueur d’1,50 m environ, l’arc est particulièrement adapté à une chasse individuelle en milieu forestier. Au-delà de cette période, avec le Néolithique, apparaîtront agriculture, réserves alimentaires et propriété, avec leur corollaire : la guerre proprement dite… et les armes destinées à cet usage.
Harpons à barbelures - Abri de la Madeleine - Musée d'Aquitaine à Bordeaux
Frédéric Belnet,
journaliste scientifique
A voir
Les armes préhistoriques découvertes dans les grottes ou abris sous roches sont réparties dans plusieurs musées de France. On peut citer Le Musée de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac, le Musée d’Archéologie Nationale à Saint Germain-en-Laye, le Musée d’Aquitaine à Bordeaux…
En savoir plus : Musées et sites de Préhistoire.
A faire
D’avril à octobre, le site de Castel Merle, à Sergeac (Périgord), organise des ateliers de tir au propulseur (et autres armes préhistoriques) à proximité des nombreux abris sous roche. L’occasion de tester son habilité en famille, car il existe des épreuves pour les adultes et les enfants…
En savoir plus sur le site de Castel Merle.
Alire
La vie des hommes à la Préhistoire (Editions Ouest-France). Un ouvrage généraliste de Brigitte et Gilles Delluc qui nous présente le quotidien des hommes préhistoriques, fait de chasse, certes, mais aussi de gestes et de besoins simples auxquels on ne pense pas naturellement… Rien n’est inventé et tout est prouvé !
En savoir plus sur le livre La Vie des hommes à la Préhistoire.
2018 Une étude d'archéologie expérimentale sur les pointes utilisées il y a 14 000 ans en Alaska...
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Sur Hominides |
En partenariat avec
Article Les premiers outils, paru dans la revue Historia numéro 794 de janvier 2013.
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Les premiers outils
à la préhistoire
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Le propulseur
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A voir
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Grotte de Bedeilhac
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Castel Merle
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A suivre... |
Nos premières fois
Nicolas Teyssandier
Avec "Nos premières fois", le préhistorien Nicolas Teyssandier nous livre un inventaire très particulier, celui des premières fois de l'Humanité, "nos" premières fois culturelles, techniques, matérielles : le premier outil, bien sûr, mais aussi le premier couple, le premier bijou, le premier meurtre, le premier chat, le premier dieu ou encore le premier mot...Ces premières fois qui constituent notre mémoire collective prennent ici la forme d'un grand récit qui s'appuie sur les connaissances le s plus actuelles en préhistoire et en évolution humaine.
Nos premières fois, à la préhistoire
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L'homme et le renne
Laure Fontana
L’homme et le Renne
Gibier de prédilection prisé pour ses os, ses bois, sa viande et sa fourrure, animal sauvage et bientôt domestiqué, le renne organise largement la vie de l’homme préhistorique. Nomadisme, chasse, habitudes alimentaires, artisanat et habitat : la place occupée par le grand cervidé dans la vie de nos ancêtres éclaire leurs choix et leurs modes de vie au sein des derniers environnements glaciaires
En savoir plus sur L'homme et le renne
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Aux origines de l'humanité
Les 3 documentaires de Jacques Malaterre sur l'évolution de l'homme à la préhistoire avec la caution scientifique d'Yves Coppens.
En savoir plus sur la trilogie " Aux origines de l'humanité"
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