La salle des trésors
Musée de l'abbaye d'Arthous
Hastingues
Ouverture d'un nouvel espace permanent dit "La salle des trésors" dans le musée de l'abbaye d'Arthous à Hastinges (Landes)
Propriété du Département des Landes, l’abbaye d’Arthous abrite un musée d’histoire et d’archéologie. Le 19 septembre 2020, un nouvel espace spécialement dédié à trois précieuses sculptures de chevaux ouvre ses portes au public. Imaginé sous la forme d’une « salle des trésors », il présente ces œuvres paléolithiques provenant de l’abri Duruthy situé à une dizaine de kilomètres d’Arthous sur la commune de Sorde-l’Abbaye, accompagnées de l’interprétation artistique de la photographe Claire Artemyz.
A droite Abbaye d’Arthous. Photographie Paul Meyranx.
Ce nouvel espace permanent d’une superficie d’environ 50 mètres carrés est installé dans une salle du premier étage de l’aile nord de l’abbaye. L’objectif est d’exposer les pièces archéologiques majeures de la collection départementale issue des fouilles de Robert Arambourou dans les abris de Sorde-l’Abbaye, situés à une dizaine de kilomètres de l’abbaye d’Arthous. Ces œuvres sont trois sculptures de chevaux en ronde-bosse datées du Magdalénien moyen (environ 17 000 ans avant le présent). La scénographie sobre et épurée propose un dialogue entre les sculptures de chevaux présentées au centre de la pièce et leur interprétation artistique réalisée par Claire Artemyz dans le cadre d’un partenariat avec le Département des Landes en 2019. La scénographie mêlant photographies contemporaines et œuvres préhistoriques invite ainsi à la réflexion, à l’émotion et au recueillement. L’objectif de ce croisement intime entre l’art et la science est de proposer une rencontre à la fois intuitive et raisonnée.
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Abbaye d’Arthous. La salle des trésors présentant les trois sculptures de chevaux de l’abri Duruthy à Sorde-l’Abbaye. Photographie Aurélien Simonet. |
Les trois sculptures de chevaux de l’abri Duruthy
à Sorde-l’Abbaye.
Photographie Aurélien Simonet. |
Trois chefs-d’œuvre magdaléniens
Considérées comme les fleurons de la collection départementale de l’abbaye d’Arthous, les trois sculptures en ronde-bosse de chevaux proviennent de l’abri Duruthy situé au pied de la falaise du Pastou sur la commune de Sorde-l’Abbaye. Elles ont été découvertes en 1961 par Robert Arambourou qui a consacré plus de 25 années à la fouille de ce site de 1958 à 1986. Deux sculptures représentent des têtes de chevaux tandis que la troisième représente la totalité de l’animal.
Longue de plus de 26 cm et façonnée dans une plaquette de grès ocre-rouge, la statuette communément nommée le « Cheval agenouillé » est la plus grande sculpture magdalénienne actuellement connue. L’animal est représenté dans sa totalité, chose rare dans la sculpture préhistorique. Les membres antérieurs et postérieurs sont repliés sous le ventre. Cette attitude est exceptionnelle dans l’art paléolithique. La tête, assez massive, a retenu l’intérêt de l’artiste et comporte des détails anatomiques exécutés avec précision. Le reste du corps est à peine esquissé. Toutefois, l’extrémité du sabot de la patte antérieure gauche est assez profondément délimitée. La queue est nettement dégagée sur le profil droit. On peut considérer le Cheval agenouillé comme une œuvre inachevée, à moins que l’on retienne l’hypothèse, plus probable, d’une adaptation de la sculpture à la forme du support utilisé.
A gauche -
Les trois sculptures de chevaux de l’abri Duruthy à Sorde-l’Abbaye. No 1 : le cheval en grès. No 2 : la tête de cheval en marne calcaire. No 3 : la tête de cheval en ivoire de mammouth. Photographies Aurélien Simonet.
Les deux autres têtes sculptées se trouvaient dans un rayon de 60 cm autour du Cheval agenouillé. L’une, d’une longueur de 7,4 cm, est réalisée à partir d’un bloc de marne calcaire de couleur blanc-verdâtre. Les yeux, la crinière, les oreilles, les naseaux, la bouche, la barbe, la ganache et les joues sont très précisément représentés. Les incisives supérieures sont indiquées par trois incisions verticales. La partie avant de l’encolure présente de courtes hachures. Une perforation est située au milieu de l’encolure. Son usure laisse supposer l’utilisation d’un lien ; la tête se retrouvait alors inversée. La fonction de l’objet est inconnue. Il pourrait s’agir d’un pendentif mais l’objet a également pu être suspendu à une structure, par exemple à l’intérieur d’une tente. Cette sculpture a été retrouvée à proximité d’une parure en os soigneusement polie et perforée. Avec Isturitz, distant seulement de 25 kilomètres à vol d’oiseau, Duruthy est l’un des rares gisements ayant livré des sculptures animalières sur pierre.
La dernière sculpture, réalisée dans une défense de mammouth, n’est pas entière. Sa longueur est de 5,6 cm. Malencontreusement mutilée au moment de sa découverte, elle se caractérise néanmoins par une grande finesse et une géométrisation des formes. Le chanfrein est particulièrement anguleux. Si les yeux sont seulement esquissés, le bout du nez, les lèvres et les naseaux sont figurés de manière précise. La crinière et la barbe sont représentées par des incisions obliques. La partie inférieure de l’objet, pointue, a pu être insérée sur un socle. Intacte, cette ronde-bosse serait sans doute considérée comme un chef-d’œuvre de l’art mobilier magdalénien.
Claire Artemyz, une "photographe des origines"
Dans l’objectif de valoriser ces vestiges précieux, le Département des Landes a initié, en 2019, un partenariat artistique avec la photographe Claire Artemyz. Depuis plus de 10 ans, cette artiste porte un regard singulier sur les objets de la Préhistoire, à partir d’originaux issus de collections muséales. Sa technique, fondée sur des plans resserrés et une utilisation minutieuse de la lumière et du clair-obscur, sublime le choix des matières opéré par les artistes du Paléolithique et révèle la vitalité de leurs œuvres d’art. Tour à tour envoûtantes, séduisantes, mystérieuses, énigmatiques voire inquiétantes, les photographies artistiques de Claire Artemyz cherchent à transmettre l’expérience sensible, engendrent l’onirisme et laissent libre cours à l’imaginaire.
Sous son objectif, l’intimité de l’objet archéologique est exposée dans ce qu’il a de plus signifiant. La présentation de l’objet, souvent sur fond noir, et l’utilisation fréquente de flous d’arrière-plan permettent de faire abstraction du contexte. Cette courte profondeur de champ rappelle l’observation au microscope. Son art épuré et la recherche scientifique la plus actuelle trouvent ici une convergence dans la quête de l’essence de l’objet. En isolant une part de l’objet et en projetant dans sa direction une lumière violente, l’artefact peut devenir un modèle, au sens scientifique du terme, c’est-à-dire un moyen pour rendre compréhensible la réalité.
A droite
Interprétation artistique du cheval en calcaire. Photographie Claire Artemyz (2019).
Avec leur titre inspiré du vocabulaire de l’art équestre, ces photographies proposent de relier le temps de la Préhistoire avec le monde moderne. L’émotion suscitée provient de la matière palpable conjuguée au sentiment du mouvement : on entend le souffle du cheval, on ressent ses pas, on souhaite le chevaucher… À l’instar de l’image d’un film, les photographies de Claire Artemyz sont imprégnées de la pression du temps et cherchent à faire surgir la vie.
Aurélien SIMONET
Docteur en Préhistoire
Archéologue au Département des Landes
Responsable muséographique et scientifique du projet « salle des trésors » |