Préhistosite de Ramioul
Musée de la Préhistoire en Wallonie
Flémalle, Province de Liège, Belgique
Le patrimoine archéologique, et préhistorique en particulier, occupe une place privilégiée auprès du public. Cette période passionne spontanément toutes les classes de la population. La raison en est certainement le caractère « existentiel » de ce patrimoine, qui fait appel à toutes les représentations populaires des réponses aux questions « Qui sommes-nous », « D'où venons-nous ? » et « Où allons-nous ? ».
Le public entretient avec la Préhistoire des liens souvent émotionnels confortés constamment par des propos non scientifiques, comme ceux tenus dans certains documentaires-fictions que l'on voit trop souvent à la télévision. Le succès populaire de la Préhistoire ne semble pas faiblir avec le temps et les musées de Préhistoire essayent d'endiguer aujourd'hui les idées fausses sur cette période en participant à l'éducation à la culture scientifique de leurs visiteurs. Ils assurent une traduction, pour le plus grand nombre, des résultats de recherches fondamentales menées sur ces matières. Les collections qu'ils conservent jouent alors simultanément un double rôle : celui de matériel d'étude pour la recherche et celui d'outil de démonstration des résultats scientifiques.
Origine archéologique du musée
La grotte de Ramioul représente un trésor du patrimoine naturel et archéologique wallon. Elle s'étend à moins d'un kilomètre de la grotte d'Engis où furent découverts, en 1829, les premiers fossiles néandertaliens au monde. Défendue depuis de nombreuses années par les Chercheurs de la Wallonie, elle a échappé de justesse aux coups de pelleteuses. Depuis sa création, le Préhistosite – Musée de la Préhistoire en Wallonie- a mis tout en œuvre pour conserver, préserver et valoriser cet écrin de pierre ainsi que sa biodiversité.
Le niveau supérieur de la grotte possède un intérêt archéologique. La terrasse a été dégagée au fur et à mesure des différentes campagnes de fouilles. En octobre 1908, A. Vandebosch et son équipe des Chercheurs de la Wallonie découvrent l'ossuaire néolithique de la « grotte triangulaire » qui surplombe la terrasse de la grotte alors masquée par les sédiments. Des tessons de céramique, des restes fauniques, quelques outils de pierre ainsi que de nombreux restes humains appartenant à sept enfants et datés de + /-2750 ans avant notre ère y ont été mis au jour. La poursuite des fouilles sous l'ossuaire et le dégagement de l'entrée en 1911, conduisent les Chercheurs à la découverte de la grotte proprement dite. Elle livre des outils appartenant à des industries paléolithiques ainsi que de restes fauniques d'espèces aujourd'hui disparues (ours, lion, hyène des cavernes, loup, rhinocéros laineux, mammouth).
Sur la terrasse, deux couches archéologiques ont été identifiées. La première a été attribuée au Paléolithique supérieur à l'Aurigacien (+/- 30000ans BC) et contient différents outils sur lame ainsi que des restes fauniques consommés. La seconde, plus ancienne (+/- 70000ans BC), contient des outils caractéristiques du Paléolithique moyen et attribués aux Keilmessergruppen (Néandertal).
La grotte de Ramioul contribue au dialogue entre le passé et le présent. Elle est à l'origine du Musée de la Préhistoire en Wallonie et participe au dialogue permanent que le Préhistoire établit entre les sites de fouille, le matériel archéologique et les publics.
Un musée en mouvement
Depuis qu'il a créé le concept muséographique de « Préhistosite », lieu où l'on peut vivre la Préhistoire, le Musée de la Préhistoire en Wallonie a donné une troisième fonction aux pièces de ses collections. Aux notions « d'objet d'étude » et « d'objet documentaire » servant à illustrer un site archéologique et sa période chronologique, il a ajouté celle « d'objet-message » utilisée pour démontrer des attitudes, des aptitudes, des faits sociaux préhistoriques.
Ainsi, le Musée de la Préhistoire en Wallonie, sans renier sa mission documentaire, s'est engagé dans la voie de « l'archéologie-message » où l'objet sert également à établir un lien entre la société contemporaine et les sociétés préhistoriques.
Ainsi, l'archéologie documentaire et l'archéologie du geste se combinent avec une archéologie du comportement, dans le but de susciter chez le visiteur une réflexion propre à la société d'aujourd'hui et de demain.
Inauguré en 1985, le musée se trouve à proximité immédiate de la grotte de Ramioul. Au fil du temps, le site va s'agrandir et se diversifier. Des reconstituions, des espaces d'animation (tir au propulseur, fabrication de poterie, taille du silex…) s'ajoutent autour du bâtiment initial. L'exposition permanente est aussi partiellement remaniée par étapes successives. Ces évolutions déterminent une nouvelle orientation du site : les animations et les espaces pédagogiques deviennent l'élément original, moteur et caractéristique de l'institution. L'ensemble, n'étant plus seulement un lieu d'exposition, est rebaptisé Préhistosite de Ramioul en 1994. Il se compose alors, et aujourd'hui encore, de trois parties :
- la grotte,
- le « village des expériences » avec des reconstitutions (notamment une ferme danubienne grandeur nature), les espaces d'animation en plein air et un « expérimentarium », bâtiment dans lequel les animateurs effectuent des démonstrations de différents gestes et activités des hommes de la Préhistoire,
- l'espace exposition comprend l'exposition permanente et une grande salle pour les expositions temporaires.
En 2004, l'exposition permanente du musée a été complètement reformulée pour créer un Musée interactif de la Préhistoire en Wallonie.
La Préhistoire est abordée au travers de grands thèmes comportementaux communs à la Préhistoire et à l'Epoque contemporaine (produire selon ses besoins, transporter,…). C'est le même objectif qui anime les dispositifs d'expériences concrètes que les archéologues du service éducatif proposent aux visiteurs.
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Un musée de Préhistoire pas comme les autres
Le musée est conçu de manière à amener le visiteur non pas à regarder la Préhistoire de l'extérieur mais plutôt à lui faire vivre celle-ci en éprouvant les sensations des hommes préhistoriques. Cependant, loin d'une approche émotionnelle qui jouerait sur la dramatisation, il s'agit, par ce moyen, de renforcer la concernation du visiteur, son accroche aux objets exposés pour favoriser sa compréhension véritable de la Préhistoire. Dans ce but, le concept expographique fait référence à sa vie quotidienne, en privilégiant une approche participative et une grande diversité des moyens scénographiques.
L'exposition se refuse à privilégier le public érudit, féru d'Archéologie ; elle vise au contraire à familiariser le visiteur avec la vie préhistorique elle-même plutôt qu'avec la représentation qu'en donne l'Archéologie. L'utilisation de termes techniques et scientifiques a donc été limitée afin de ne pas rebuter le novice : les désignations typologiques savantes, les noms des périodes et cultures de la Préhistoire – pas même les classiques « paléolithique » et « néolithique » - n'apparaissent pas dans les textes courants de l'exposition ; leur usage a été réservé aux textes intitulés « pour en savoir plus ».
La chronologie n'est pas le fil conducteur du parcours, à la différence de nombreux autres musées de Préhistoire, qui projettent le plus souvent celle-ci dans les profondeurs du temps, parfois jusqu'au Big Bang initial. A Ramioul, une autre approche est proposée au visiteur par le biais d'un parcours structuré selon des thématiques de la vie préhistorique de façon à créer un véritable lien entre la vie quotidienne du visiteur et celle de l'homme préhistorique. Pour les concepteurs, la chronologie, perçue comme un cadre à travers lequel l'archéologie étudie le passé, s'interpose entre le visiteur et l'exposition, devient une grille unique de lecture et provoque alors une distanciation avec le sujet. De plus, la prise de conscience de l'échelle du temps est particulièrement difficile en Préhistoire ; elle risque de mobiliser toute l'attention du visiteur, renforçant le phénomène. On ajoutera que la désignation des groupes et phases culturels ne forme pas toujours une séquence cohérente et synchrone et que le musée se trouve dès lors partagé entre une simplification qui confine à la caricature et une complexité qui dépasse, de beaucoup, les possibilités pédagogiques d'une exposition.
Un Musée où les visiteurs vivent la Préhistoire avec des archéologues
Depuis 15 ans, le Préhistosite de Ramioul développe des projets de médiation du patrimoine archéologique et préhistorique de la région wallonne. Aujourd'hui, près de 40.000 visiteurs fréquentent chaque année l'institution.Vingt-deux archéologues-médiateurs forment le service éducatif. Ils se relaient jour après jour pour offrir à chaque public un projet spécifique et adapté, visant à la découverte de la Préhistoire et de l'archéologie.
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Allumer un feu comme à la préhistoire... |
Seriez-vous un bon chasseur préhistorique ? |
Visite avec un archéologue |
Le Préhistosite de Ramioul a pour but d'établir avec ses publics un dialogue à propos du passé afin qu'il serve de base de réflexion à la construction de la société de demain. L'objectif essentiel de la médiation est de mener simultanément une éducation pour le patrimoine (protection, préservation, conservation) et une éducation par le patrimoine (savoir, savoir-faire, savoir-être).
Les objectifs du Préhistosite sont :
• Procurer du plaisir à ses visiteurs afin que l'expérience muséale proposée serve de stimulus aux pratiques culturelles;
• Apprendre la Préhistoire afin d'informer ses visiteurs sur l'actualité scientifique en Préhistoire;
• Apprendre à apprendre en utilisant le domaine scientifique de la Préhistoire comme instrument de sensibilisation à la culture scientifique en général et à la critique historique;
• Apprendre à agir et réagir, c'est-à-dire permettre à chacun, sur base de son expérience muséale, d'avoir ses opinions et de construire son savoir-être.
Les moyens privilégiés par le Préhistosite sont :
• Des ateliers de « pédagogie du geste » : bien plus qu'une activité occupationnelle, les intentions de ceux-ci sont bien résumés par un proverbe chinois "J'entends, j'oublie. Je vois, je comprends. Je fais, je me souviens !".
• Travailler sur le fil de deux concepts. Le premier est celui d'une archéologie-message où les objets archéologiques sont mis en lien par le médiateur avec des enjeux de la société contemporaine. Le second est le concept d'archéologie comportementale au sein duquel tout le processus de médiation vise à faire comprendre l'histoire de manière systémique: chaque objet-témoin, chaque événement doit être envisagé simultanément dans ses composantes culturelles, sociales, économiques et environnementales.
• Tous les dispositifs sont élaborés de manière à faire vivre une expérience unique qui ne pourrait être vécue ailleurs. Ils font appel à la connaissance, à la manipulation, à l'imagination, à l'émotion, au savoir-faire, au savoir-être de chacun.
Ces démarches s'appliquent également dans la programmation, dans la création d'expositions et d'animations en dehors du musée. Le Préhistosite a conçu l'exposition « Ferme les yeux pour voir la Préhistoire » dans le but de réunir le public voyant et malvoyant autour des gestes de la vie quotidienne des derniers chasseurs. Récemment, avec le service d'archéologie wallon(SPW) et Scladina, le musée a mis en place une série d'animations sur divers sites néandertaliens célèbres (Spy, Goyet, Engis). Elles s'articulent autour d'une exposition de synthèse des connaissances sur « Néandertal, l'Européen ».
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