Découverte
C'est à Maropeng (Afrique du Sud), dans le réseau des grottes de Rising Star, que l'équipe dirigée par le professeur Lee Rogers Berger a découvert en 2013 un grand nombre de fossiles appartenant à une espèce jusqu'alors inconnue, Homo naledi.
La découverte est importante car ce sont plus de 1500 restes osseux qui sont mis au jour correspondant à 15 individus de tous âges ! Cela donne aux scientifiques une richesse sans équivalent pour caractériser et définir cette nouvelle espèce.
Les circonstances de la découverte sont également étonnantes car les fossiles étaient au fond d'une cavité avec un accès à la chambre très difficile. La question est de savoir pourquoi et comment les fossiles de 15 individus se sont retrouvés si loin de la surface : rite funéraire ? ensevelissement accidentel ?
En 2017, une autre chambre (Lesedi) dans une cavité située à 145 mètres de la précédente a délivré 118 restes de la même espèce : un squelette et un crâne partiel, une mandibule. Ils appartiennent à deux adultes et un enfant.
A la richesse des restes humains s’oppose l’absence totale d’autres éléments, comme des ossements de faune des restes de torches ou d’industrie lithique.
Datation
Si dans un premier temps les estimations positionnaient Homo naledi entre 2 millions d'années et 150 000 ans (!), plusieurs méthodes de datation ont permis de déterminer un plage plus réaliste. Avec ces techniques (thermoluminescence, Uranium/Thorium, paléomagnétisme, datation par résonance de spin électronique) il apparaît maintenant qu’Homo naledi a dû vivre il y a 236 000 à 335 000 ans.
Crâne
Si le crâne est de par sa forme, dans la variabilité des premiers Homo, sa petite taille le rapproche des australopithèques, avec un volume endocrânien compris entre 465 et 560 cm3 (taille d'un pamplemousse!). Pour cette période du Pléistocène c’est toutefois un volume crânien faible comparé aux 1 000 centimètres cubes minimum d’autres homininés comme les néandertaliens.
Sa dentition relativement petite et primitive, montre un régime alimentaire plutôt énergétique (basé sur la viande plutôt que sur des fibres et des tubercules).
Squelette
Pour le paléoanthropologue Jean-Luc Voisin il est extraordinaire que « tous les os du squelette, ou presque, sont représentés en plusieurs exemplaires et souvent en connexion. »
Avec une estimation de 1.50m et un poids de 45 kg, l'adulte des Homo naledi possédait proportionnellement de grandes jambes. Il devait être un bon marcheur.
Aux mains, les phalanges incurvées indiquent toutefois que l'espèce devait également se déplacer facilement dans les arbres. Mais les spécialistes lui accordent également des facilités pour manier éventuellement des outils.
Le squelette d’Homo naledi présente des caractéristiques « mélangées » entre les australopithèques (le haut du corps) et le genre Homo (le bas du corps).
Ce qui le rapproche des australopithèques, des épaules primitives, des doigts incurvés, un pelvis évasé.
Ce qui le rapproche du genre Homo , la morphologie globale, des mains polyvalentes, des longues jambes, des pieds identiques à l’homme moderne.
Un mélange étonnant...
La morphologie d'Homo naledi laisse les anthropologues dans l'expectative : le bas du corps est proche des Homo Sapiens alors que le haut ressemble à celui des chimpanzés actuels ! Globalement ses pieds montrent une très bonne adptation à la bipédie mais ses mains aux phalanges courbées le rapproche d'une locomotion plus arboricole adaptée au grimper et à la suspension ! Tout se passe comme si on avait melangé des caractéristiques d'Homo sapiens et des australopithèques on veillant à ne pas laisser une espèce prendre le pas sur l'autre ! Jean-Luc Voisin complète "Ce mélange de caractères archaïques
et dérivés se retrouve aussi sur le fémur et le tibia, qui sont eux aussi morphologiquement très proches des nôtres pour certains caractères et de ceux des australopithèques pour d’autres."
Bipède, arboricole ou... ?
En s'interessant plus particulièrement à l'anatomie de l'épaule Jean-Luc Vosin démontre que les caratérisques anatomiques (clavicule et omoplate) sont clairement associées au grimper. Il ajoute que "cette architecture de l’épaule est similaire à celle des grands singes. Pour autant, la clavicule d’H. naledi présente aussi des traits typiquement humains... En résumé, l’architecture de l’épaule d’H. naledi est très proche de celle de l’épaule des grands singes – fondamentalement arboricoles. "
C'est ici que le paléoanthropologue s'interresse à l'environnement d'Homo naledi et que l'on découvre que cet hominidé vivait dans un environnement pauvre en arbres ! |
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John Hawks, et al., eLife 2017 |
A quoi servirait d'être adapté à la locomotion arboricole s'il n'y a pas d'arbres !?... Pour le spécialiste la première réponse est une question de survie... en cas de danger, le moindre arbre devient un abri. La deuxième possibilité est que le relief karstique de la région donne une oocasion de grimper, escalader et d'aller charcher de l'eau ou de la fraicheur dans les grottes, les ravins, les falaises...
Ses possiblités arboricoles
ont donc été utilisées par Homo naledi pour grimper, escalader quand le paysage évoluait et que les arbres devenaient de plus en plus rares. Ce qui ne lempéchait pas de pratiquer une vraie bipédie au sol, quand il descendait des falaises et des grottes. |
Mise à jour le 01/09/21 Source
Homo naledi Le grimpeur qui n'était plus un singe - Jean-Luc Voisin Pour la Science N°524 Juin 2021
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