Le propre du singe et de l'homme
Muséum d'Histoire Naturelle de Grenoble
du 7 avril 2007 au 31 décembre 2007
Grenoble
Singes et hommes ont une longue histoire de parenté qui apparaît sous la forme d'invertébrés marins de 2 à 3 cm de longueur (Haïkouella, Pikaïa et autres ancêtres des vertébrés) il y a quelque 600 millions d'années, qui s'affirme en mammifère il y a 250 millions d'années, qui se précise en tant que primate il y 50 millions d'années et
se différencie il y a 7 à 10 millions d'années en deux rameaux : les grands singes (chimpanzés, gorille, orang-outan) et la lignée propre à l'homme.
Les représentants de la lignée humaine au cours du temps ont été soumis à des influences exogènes et endogènes produisant des mutations qui, par suite, donnèrent lieu à des transformations qui ont façonné le corps, affirmé la bipédie, modifié la boite crânienne, augmenté les capacités cérébrales, structuré l'appareil phonatoire, créé la parole, outil de développement social et sociétal unique dans le règne animal.
Au siècle dernier, nombre de biologistes établissaient entre le singe et l'homme une différence de nature ; aujourd'hui, la tendance générale penche vers une différence de degré, au point que certains proposent de réunir, dans le même genre Homo, le chimpanzé et l'homme.
(Image affiche copyrignt Thierry IMM)
Si les prémisses de la bipédie, de l'utilisation d'outils, de la conscience de soi, de
l'empathie, de la transmission culturelle, sont parfaitement observables et soumises à
expérimentation parmi nombre d'espèces de singes mais aussi d'autres animaux, il
semble pourtant difficile de ne pas reconnaître une différence d'importance sinon
fondamentale dans l'espèce humaine Homo sapiens avec la parole et la pensée
consciente.
Les discussions sur cette dimension évolutive de la vie sont depuis un siècle
abondantes, passionnées voire passionnelles, entre paléontologues, préhistoriens,
anthropologues, anatomistes, physiologistes, neurologues, généticiens,
embryologistes, linguistes, psychologues, éthologistes, philosophes. Il me semble
alors important que cette question d'actualité marquée par les cris d'alarme lancés sur
la dramatique diminution des populations des grands singes soit envisagée au
Muséum de Grenoble dans la continuité de l'exposition Paroles de Terre, pour un
large public, sous la forme d'une exposition temporaire de 300 m², structurée autour et
à partir :
- des collections du Muséum,
- des informations développées en 2005 par la Cité des Sciences dans un dossier:
"Les grands singes vont-ils disparaître ?",
- d'études réalisées par les laboratoires de recherche du CNRS et de l'INPG sur le
comportement, le langage, le cerveau,
- d'une documentation photographique aimablement prêtée par le zoologue et primatologue Benoît Goossens,
- des suivis réalisés par les associations internationales de protection des grands singes,
- des publications nombreuses sur ce sujet,
- des films scientifiques traitant du comportement chez l'animal et le jeune enfant.
Le dialogue, qui s'impose dans un tel thème, sera poursuivi par un cycle de films et
par des conférences.
Au-delà du cousinage homme/singe, proche pour certains spécialistes, plus lointain
pour d'autres, se pose aussi la question de la survie d'un patrimoine vivant riche d'une
très longue histoire à laquelle nous sommes intimement liés. Cette exposition devrait
alors nous interpeller sur notre responsabilité vis-à-vis des menaces qui pèsent sur la
biodiversité et les immenses possibilités de connaissances qu'elle renferme pour
l'explication de la grande aventure de la Vie.
Armand Fayard
Conservateur en chef
Photographies de l'exposition
(Images Copyrignt Muséum de Grenoble)
Contenu de l'exposition
Une histoire des primates, la nôtre
Il y a 600 millions d'années, la roche a conservé la preuve de l'existence de
l'ancêtre des vertébrés.
Un fossile de Haïkouella, ancêtre des chordés, accueille le visiteur. Ce fossile
exceptionnel acquis récemment par le Muséum, symbolise le début de notre longue
histoire : celle des vertébrés.
Il y a 70 millions d'années, les primates se diversifient et colonisent les
continents.
Les primates sont l'un des ordres de mammifères caractérisé entre autres par :
- des yeux frontaux permettant une vision binoculaire à mettre en rapport avec un
développement important des aires visuelles cérébrales,
- des membres à 5 doigts terminés par un ongle plat,
- des mains préhensibles avec les pouces opposables.
La diversité des primates sera illustrée par des spécimens issus des collections du
Muséum : propithèque couronné, maki varié noir et blanc, petit microcèbe, galago de
Demidoff, babouin de Guinée, macaque à queue de lion, cercopithèque à diadème,
gibbon (Siamang), lagothriche de Humboldt, saki à tête pale, ouistiti à pinceaux noirs,
chimpanzé, orang-outang, gorille des montagnes, tamarin pinché, nasique.
Il y a 7 à 10 millions d'années, les grands singes, (orang-outang, gorille et
chimpanzé) et la lignée humaine se sont séparés.
Vie et mœurs des grands singes
Étudier le mode de vie des singes dans leur milieu naturel n’est pas une tâche aisée
car ils vivent le plus souvent dans des territoires difficiles d’accès (forêts tropicales,
montagnes). Les scientifiques combinent l’observation sur le terrain et les techniques
modernes comme le repérage des individus grâce à des balises GPS (système de
positionnement à distance).
Les recherches sur les grands singes font appel à de nombreuses disciplines :
l’éthologie – qui consiste à observer le comportement des animaux – l’écologie, la
physiologie,… mais aussi la paléontologie – qui vise à reconstituer les origines des
primates grâce à l’étude des fossiles – ou la génétique.
Dès les années 60-70, trois femmes ont entrepris des recherches sur le
comportement des grands singes en milieu naturel : Dian Fossey (gorilles de
montagne), Jane Goodall (chimpanzés) et Biruté Galdikas (orangs-outans). Leurs
études de terrain sur le long terme ont été déterminantes car elles nous ont permis
d’accéder à des sociétés de primates jusque-là ignorées ; elles ont en même temps
changé notre façon de percevoir ces animaux.
L'histoire de ces recherches est mise en scène avec la projection de films et de
kakémonos développant les réponses aux questions actuelles sur la vie des grands
singes et leur avenir. Cette deuxième partie de l'exposition est développée en
partenariat avec la Cité des sciences et de l'industrie (Paris).
La fin du « propre de l’homme » ?
On sait aujourd'hui que les grands singes présentent de nombreuses caractéristiques
que l'on croyait propres à l'homme : bipédie, utilisation d'outils, rire, partage de
nourriture, conscience de soi, relations sociales complexes… culture, si l'on entend
par «culture» les savoirs et habitudes acquis auprès des autres, transmis de
génération en génération et qui diffèrent selon le groupe d'appartenance, une aptitude
démontrée chez les chimpanzés, les orangs-outans et, plus récemment, chez les
gorilles.
Les études menées en laboratoire, en captivité ou en milieu sauvage montrent que les
grands singes ont également des aptitudes intellectuelles insoupçonnées. Toutes ces
observations sont présentées sous forme de courtes séquences de films. Elles sont
cependant interprétées de façon différente selon les auteurs et le débat reste intense
parmi les primatologues.
Les grands singes face au miroir
Les chimpanzés et les orangs-outans sont avec l'éléphant d'Asie les seuls
animaux capables de se reconnaître dans un miroir. Dès 1970, Gordon Gallup,
psychologue de l’université d’Albany (Etats-Unis), met au point un test qui
montre que le chimpanzé fait le lien entre son reflet dans une glace et lui-même
: lorsqu’on place l’animal devant un miroir, après lui avoir peint un point rouge
alors qu’il était anesthésié, le chimpanzé regarde la tache et la touche sur son
front.
Les grands singes et l'outil
L'homme n'est pas le seul à utiliser des outils. Les singes, eux-mêmes,
inventent des outils généralement pour se procurer de la nourriture : paille à
termites, pierre ouvre-graine... et ce ne sont pas les seuls parmi la faune.
L'observation de la nature nous prouve un peu plus chaque jour que l'utilisation
d'outils ou le détournement d'objets n'est pas du tout réservé à l'Homo sapiens.
En route vers la parole
Une comparaison de crânes en partant du chimpanzé pour aller jusqu'à l'homme, en
passant par nos différents ancêtres (Australopithèques, Homo habilis, Homo erectus,
Homme de Neandertal, Homo sapiens …) montrent que les capacités crâniennes ont
évolué et permis le développement du cerveau.
En partenariat avec l'Institut de la communication parlée de l'INP Grenoble,
présentation de travaux d'étude comparant les capacités de développement de la
parole chez l'homme et chez les grands singes, en particulier le chimpanzé.
Monsieur Louis-Jean Boé, ingénieur de recherche à l'ICP, étudie l'appareil phonatoire
de l'homme et des singes : il démontre que les singes pourraient parler au sens
anatomique, mais qu'ils ne le peuvent pas à cause de leur cerveau non adapté à cette
fonction.
Monsieur Christian Abry, Directeur de l'UFR Sciences du langage de l'Université
Stendhal Grenoble 3, s'intéresse au cerveau et en particulier aux différentes zones
activées lors de la parole, chez l'homme et le chimpanzé : des images d'IRM
fonctionnelle situeront les zones intervenant dans la perception visuelle, le gestuel et
la parole.
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