Une baisse de la fécondité chez Néandertal aurait pu participer à sa disparition
Une étude statistique tente de mettre en avant les causes possibles de la disparition de Néandertal.
Les fossiles archéologiques le démontrent, les pré-néandertaliens sont présents depuis 300 000 ans. Cette lignée s’est développée en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. Elle a subi des périodes glaciaires intenses et a su s’adapter à de nombreux changements climatiques. Elle a rencontré d’autres espèces (Denisova, Heidelbergensis…) et elle a duré près de 400 000 ans. Cette longévité interpelle les paléoanthropologues d’autant plus que sa disparition est relativement brutale, il y a 30 000 ans. En quelques milliers d’années Néandertal disparaît de la surface de planète, laissant les derniers fossiles sur la péninsule ibérique.
Pour expliquer cette extinction, de nombreuses hypothèses ont été avancées : une épidémie mortelle, un changement de climat, une alimentation déséquilibrée, un problème génétique… Aucune de ces propositions ne fait l’unanimité. Dix mille ans avant la disparition de Néandertal, l’arrivée des Homo sapiens en Europe a permis de développer de nouvelles hypothèses, comme la supériorité de Sapiens (intellectuelle et technique), une guerre fratricide inter espèces, une hybridation totale… Ici aussi les hypothèses semblent bien fragiles quand on connaît les qualités d’adaptation de Néandertal. Anna Degioanni, de l’Université d'Aix Marseille, et ses collègues, ont publié une nouvelle étude le 29 mai 2019 dans la revue PLOS ONE.
Image d'illustration : squelette d'enfant néandertalien trouvé au Roc de Marsal
- Musée de préhistoire des Eyzies-de-Tayac.
Une nouvelle approche, mathématique
A l’inverse des précédentes études, qui misent sur un élément déclencheur brutal et catastrophique (épidémie, glaciation, guerre…), la nouvelle équipe a cherché à connaître les facteurs possibles pour l’extinction d’une espèce sur une période comprise entre 4 000 et 10 000 ans (selon les éléments connus sur Néandertal).
Degioanni et ses collègues ont créé un modèle de population néandertalienne leur permettant d’explorer les facteurs démographiques pouvant entraîner le déclin d’une population d’hominidés.
Les chercheurs ont créé des paramètres démographiques de base pour leur modèle d'extinction de Néandertal (taux de survie à la naissance, à un an, à l’âge adulte ; distribution géographie des individus et taux de migration ; taux de fécondité). Ils se sont basés sur des données d'observation de groupes de chasseurs-cueilleurs modernes et de grands singes, ainsi que des données empiriques et paléogènes disponibles sur les Néandertaliens.
Se basant sur des modélisations démographiques, les chercheurs ont déterminé que la population néandertalienne totale devait être de 70 000 individus, répartis sur trois zones principales : Europe, Asie, Moyen-Orient. La période de fécondité chez les Néandertaliennes devait être plus courte que chez les femmes actuelles. Les auteurs ont considéré comme éteintes les populations qui tombaient en-dessous de 5 000 individus…
Ils ont ensuite testé différents scénarii en faisant varier le taux de mortalité, le taux de fécondité et le taux de migration.
Une augmentation de l’infertilité ?
C’est le taux de fécondité qui a retenu l’attention des chercheurs. En effet, en le faisant varier de quelques pourcentages, l’impact s'est avéré très important sur une période de 4 000 à 10 000 ans.
Par exemple, avec une diminution des taux de fécondité des jeunes néandertaliennes (de moins de 20 ans) d'à peine 2,7%, l'extinction devient inévitable dans les 10 000 ans suivant.
Avec une baisse de fécondité plus importante, de - 8%, l'extinction intervient encore plus rapidement, au bout de 4 000 ans.
Anna Degioanni précise "Le point le plus important, c'est le fait que cette diminution est très faible. Nous n'avons pas eu besoin d'imaginer quelque chose de catastrophique, un tout petit changement aurait pu entraîner la disparition de Neandertal",
Les auteurs ajoutent: "Cette étude sur la disparition des Néandertaliens publiée dans PLOS ONE ne cherche pas à expliquer « pourquoi » les Néandertaliens ont disparu, mais à déterminer « comment » leur disparition peut s'être produite. Avec cette nouvelle approche les résultats suggèrent qu'une très faible réduction de la fécondité pourrait expliquer la disparition de la population de Néandertal. Selon cette recherche, cette diminution ne concernait pas toutes les femmes de Néandertal, mais uniquement les plus jeunes (moins de 20 ans) . "
C.R.
Sources :
ScienceDaily
Nature
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