Néandertal, une excroissance osseuse au niveau de l’oreille
Le recensement de plusieurs exostoses sur des crânes néandertaliens pourrait s’expliquer par une habitude à aller dans l’eau froide…
Une nouvelle étude sur Néandertal a été publiée dans la revue Plos one par une équipe constituée du paléoanthropologue Erik Trinkaus et ses collègues, Sébastien Villotte et Mathilde Samsel de l'Université de Bordeaux. L’étude a révélé que des excroissances osseuses anormales (exotoses auditives externes) dans le canal auditif étaient assez fréquentes chez nos cousins Néandertaliens disparus il y a environ 40000 ans. Ces excroissances sont appelées "oreille de surfeur" car on les observe chez les personnes pratiquant des sports nautiques dans des eaux froides, comme les kayakistes, les plongeurs et bien sûr les surfeurs. Comme il paraît peu probable que Néandertal ait été un adepte convaincu des sports nautiques, les chercheurs ont cherché d’autres types d’explications.
A noter que Erik Trinkaus avait déjà étudié un fossile néandertalien présentant une exostose ainsi que de nombreuses blessures (Shanidar 1).
Photo à gauche de Erik Trinkaus. Les flèches indiquent des excroissances osseuses appelées exostoses auditives externes, ou l'oreille du nageur, sur le crâne d'un Néandertalien de La Chapelle-aux-Saints, en France.
Les données
L’équipe, dirigée par Erik Trinkaus (Université de Washington, St Louis) a comparé et analysé les crânes de 77 hominidés présentant des conduits auditifs bien conservés (dont Shanidar 1 et 5, Bausu da Ture 2, Cro-Magnon 1 et 2, La Quina 10 et 27, La Ferrassie 1, Dolni Vestonice 13 à 16, Muierii 2, Oase 2, Pataud 1, Pavlov 1, Sunghir 1, Bichon 1, Chancelade 1, Iboussières A, La Chapelle-aux-saints 1, Lafaye 1, Amud 1, Spy 1, Laugerie-Basse 1, Krapina 3, 5, 10, La Peyrat 5, Rochereil 1, St Germain-La-Rivière 1, San Teodoro 1 et 2). Au total, 23 crânes appartenaient à l’espèce Homo neanderthalensis (datés entre 100 000 et 40 000 ans) et les autres à l’espèce Homo sapiens. L’étude fait apparaître que la moitié des crânes néandertaliens avaient des exostoses auditives, allant de légères à sévères. Cette fréquence d’anomalies est presque deux fois supérieure à celle de n’importe quel groupe de l’étude.
|
Crâne du Néandertalien de La Chapelle-aux-Saints. Photo de Erik Trinkaus |
Comment expliquer anomalie fortement représentée chez Néandertal
Les résultats de leurs recherches pourraient signifier que les Néandertaliens pénétraient régulièrement un milieu aquatique froid, soit pour pêcher, soit pour chasser des mammifères marins ou pour collecter des coquillages. En se basant sur les études archéologiques, il est très difficile de trouver des traces de ces incursions dans l’eau (la plupart des sites côtiers néandertaliens sont désormais sous l’eau).
Pour Erik Trinkaus "Cela vient renforcer les hypothèses d’un Homme de Néandertal ayant un haut niveau d'adaptabilité, de flexibilité et des capacités cognitives comparables aux autres hommes».
Le chercheur précise que pour parvenir à pêcher ou à chasser des mammifères aquatiques ou des poissons il faut maîtriser un certain nombre de connaissances : acquis minimal au niveau de la technologie, observations biologiques pour savoir quand les poissons vont remonter le cours des rivières… Cela nécessite donc un processus d’apprentissage assez élaboré.
La pêche n’est peut-être pas la seule explication
Une chose est sûre c’est que les Néandertaliens n’allaient pas dans l’eau froide pour le plaisir ou s’amuser. Ils avaient donc une motivation forte comme peut l’être la recherche de ressources alimentaires, collecte, pêche... Les capacités intellectuelles des Néandertaliens rejoignent donc celle d’Homo sapiens, quitte à déplaire aux derniers irréductibles qui ne voient en Néandertal qu’un hominidé pas très futé.
Toutefois, l'hypothèse de la pêche par ces Néandertaliens dotés d’une exostose laisse quelques questions en suspens. Premièrement, certains des crânes proviennent de gisements situés à l'intérieur des terres sans étendue d'eau à proximité, ou situées sous un climat chaud. Deuxièmement, une analyse isotopique des restes de Néandertal - comprenant deux des crânes atteints d’exostoses - a révélé qu’ils mangeaient peu de poissons d’eau douce !
Si la malformation a bien été identifiée... il paraît difficile d'identifier les raisons de la fréquence de ces excroissances osseuses. Comme le dit Erik Trinkaus lui-même, "la communauté scientifique va être difficile à convaincre !".
C.R.
Sources :
ScienceDaily
PhysOrg
PlosOne
A lire également
2006 Roumanie un hybride Sapiens - Neandertal. Erik Trinkaus
2008 Néandertal avait une alimentation variée composée de viande, mais aussi de poisson et de coquillages il y a 28 000 ans...
2008 Néandertal pas si sédentaire que ça...
2010 Néandertal consommait également des végétaux , des tubercules...
2011 Néandertal consommait des coquillages
2011 Néandertal un sinus pas vraiment adapté au froid
2013 Les premières preuves de l'hybridation
des néandertaliens
2017 Etude de Shanidar 1, le néandertalien qui a du bénéficier de l'entraide
Néandertal sur Amazon
|