Roumanie : un fossile hybride Néandertal - sapiens ?
Génétique contre paléoanthropologie
Suivant les disciplines, les scientifiques ont une approche et des résultats complètement différents concernant la possible hybridation d'Homo sapiens et d'Homo neanderthalensis.
Des fossiles découverts en 1952 en Roumanie relancent le débat...
Erick Trinkaus (Washington University, St Louis, USA) et son équipe a étudié et daté des ossements découverts en 1952 à Pestera Muierii (la grotte de la vieille femme) en Roumanie. Les restes étaient composés d'un crâne, d'une mandibule, d'un omoplate, d'un tibia, d'une fibula (le péroné) et d'un temporal (les deux derniers ont une provenance plutôt incertaine, même s'ils viennent bien de la grotte). Ces fossiles n'étaient plus étudiés depuis longtemps et avaient été aproximativement datés à l'époque. Cette nouvelle étude au Carbone 14 a permis de
dater la mâchoire à - 30 000 ans. Ces fossiles sont donc contemporains des derniers néandertaliens, juste avant leur disparition.
Un cas d'hybridation ?
Selon Erick Trinkaus certaines caratéristiques anatomiques du fossile moderne (Homo sapiens) présentent des similitudes avec celles, plus archaïques, de Néandertal.
En particulier, la taille et les proportions des molaires indiquent une origine plus primitive en rapport avec Homo neanderthalensis. Pour le scientifique, le crâne présente également un chignon occipital caractéristique de Néandertal.
Comme dans les cas des fossiles de Mladec (République Tchèque) et de Lagar Velho (Potugal), Trinkaus
affirme que sapiens et Néandertal pouvaient se reproduire et que nous avons tous maintenant un peu de Néandertal en nous... Homo sapiens aurait donc tout simplement "absorbé" l'espèce Homo neanderthalensis.
Cette théorie est loin de faire l'unanimité chez les scientifiques et plus particulièrement chez les généticiens.
Une impossible hybridation selon la génétique
Plusieurs équipes dans le monde étudient actuellement le génome de Néandertal en le comparant à celui d'Homo sapiens.
La plus avancée semble être celle de Svante Pääbo (Institut Max Planck) qui s'est donné comme objectif de décrypter l'ensemble
du génome néandertalien à partir de son ADN mitochondrial et nucléaire. Les premiers résultats permettent de penser que les deux espèces sapiens et néanderthalensis ont divergé il y a plus de 300 000 ans.
L'équipe de Catherine Hänni du laboratoire Paléogénétique et évolution moléculaire (CNRS, École Normale Supérieure de Lyon) vient également de publier une étude sur l'ADN fossile d'un homme de Néandertal vieux de 100 000 ans. Ses conclusions sont également pour une différenciation trop importante entre les deux espèces pour que celles-ci aient pu se reproduire il y a 30 000 ans...
La datation de la divergence entre deux espèce avec l'aide génétique est elle sûre ?
Pour calculer une date de divergence, on se base sur le postulat de l'horloge moléculaire qui considèrent que l'ADN mute de façon constante au cours du temps. Bien sûr, pour ce calcul on utilise plusieur gènes, ce qui limite les erreurs. Mais, souvent l'évolution n'est pas graduelle, il y a des accélérations dans l'évolution d'un groupe, suivies de stase (ce sont les fameux équilibres ponctués de Gould). Depuis l'extinction des néandertaliens notre génome est-il resté stable, a-t-il subi une accélération, a-t-il évolué de façon graduelle ? |
Article rédigé avec la collaboration de Jean-Luc Voisin, docteur en paléontologie humaine (MNHN).
Sources :
PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences (USA)
à noter, l'article sera disponible gratuitement à partir de mai 2007
Sciences et Avenir
BBC en anglais
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