Le nez de Néandertal n'était pas mieux adapté au froid que le nôtre
À paraître dans le numéro de févier du Journal of Human Evolution, une étude britannique a mis en lumière la taille similaire des sinus nasaux chez Sapiens et Néandertal, infirmant l'hypothèse d'une adaptation faciale au froid chez ce dernier.
L'étude
Ce sont les données radiographiques (publiées antérieurement) ainsi que de récents scans tomographiques en 3D, faits par ordinateur, de 9 crânes fossiles de Néandertaliens datant de plus de 28 000 ans, que des chercheurs ont comparés à des mesures faites sur 4 crânes d'Homo sapiens vieux de 300 à 1 500 ans, issus d'un site archéologique de Lituanie - des restes d'hommes modernes d'Europe tempérée, suffisamment anciens pour que chauffage central ou climatisation n'aient pu altérer la structure des sinus nasaux, objet de l'étude.
Résultat : si les sinus de Néandertal sont légèrement plus gros dans l'absolu, ils ont, proportionnellement à la taille du crâne, les mêmes dimensions que chez Homo sapiens. C'est précisément ce que cherchait à établir l'équipe menée par le Dr Todd C. Rae, du Centre de recherche en anthropologie évolutive de l'Université de Roehampton (Royaume-Uni).
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Crânes de néandertalien (à gauche) et d'Homo sapiens (à droite).
Les crânes ont été rendus partiellement transparents
pour faire apparaître les sinus frontaux (en violet)
et maxilliaires (en rouge). Les espaces délimités sont très semblables. |
Une adaptation au froid trop évidente
C'est pour combler un véritable manque que ces scientifiques ont effectué ces travaux : aucune mesure quantitative n'avait jamais été entreprise dans ce sens. Alors même qu'était communément admise, y compris parmi les spécialistes, l'idée selon laquelle les pommettes saillantes et le nez large caractéristiques du faciès de Néandertal étaient dus à des sinus para-nasaux très développés, lui permettant de réchauffer l'air inhalé : une adaptation au climat de l'Europe et de l'Asie de l'époque glaciaire, pensait-on.
Encore fallait-il, d'une part, que de grands sinus - ces poches d'air incluses dans les os de la face - constituent réellement une adaptation aux climats rigoureux, et d'autre part qu'Homo neanderthalensis en soit pourvu...
La première supposition est mise à mal par l'observation de rongeurs, de primates et d'humains - tels les Inuit - de la zone arctique, chez qui les sinus ne sont pas plus gros. Le sinus maxillaire est même sensiblement réduit en cas de froid intense, que ce soit en milieu naturel ou en laboratoire. La seconde assertion, elle, vient d'être infirmée, chiffres à l'appui, par l'équipe du Dr Rae. Les caractéristiques faciales de notre cousin Néandertal ne sont donc pas une adaptation au froid.
Revoir nos copies ?...
« Ceci nous permet de penser Néandertal et son mode de vie d'une nouvelle manière », dit Todd C. Rae : l'image d'un Néandertalien vivant dans une toundra gelée durant la dernière glaciation devrait plutôt faire place à celle d'un homme vivant dans des refuges tempérés, mangeant des fruits et des baies aussi bien que de la viande. Selon le chercheur, attribuer les caractères physiques de cette espèce à une adaptation au froid intense n'a plus de sens, et l'idée d'une créature vivant dans des endroits tempérées « colle » mieux aux données.
Il conclut par une spéculation : si l'homme de Neandertal, au plus fort de la période glaciaire, a dû se confiner dans des portions d'habitat restreintes aux températures plus clémentes, ses populations, dispersées et peu nombreuses, n'ont peut-être pas pu y survivre.
F. Belnet
Sources :
ScienceDirect,
PhysOrg.com
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