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Les premières preuves morphologiques de l’hybridation des néandertaliens ?
Les premières preuves morphologiques de l’hybridation des néandertaliens ? Jean-Luc Voisin |
Dans une étude publiée dans la revue PLoS One le 27 mars 2013, une équipe franco-italienne appartenant au laboratoire d’Anthropologie de l’Université de Marseille (ADES, UMR 7865) aux universités de Florence et de Cambridge ainsi qu’au Musée de Florence a montré qu’un caractère particulier et caractéristique de notre espèce, le menton, existe aussi chez un néandertalien tardif d’Italie.
Des restes fossiles oubliés…
En 1957, dans l’abri Riparo di Mezzena (Vénitie), ont été découverts des restes d’un néandertalien. Ces restes, au nombre de 14, qui incluent du post-crânien, des fragments crâniens et une mandibule incomplète. Ces restes sont entreposés dans les collections du Museo di Storia Naturale de Vérone et …. oubliés, jusqu’à leurs redécouvertes en 2005.
mais identifiés comme néandertaliens
Ces fragments sont bien néandertaliens, car (1) ils ont été trouvés dans une couche à industrie moustérienne qui en Europe est toujours associée à des Néandertaliens (en revanche, au Proche-Orient, on connait des hommes anatomiquement modernes qui sont les artisans de cette l’industrie lithique) (2) ils sont datés de 35 000 ans, (3) ils possèdent différents caractères morphologiques montrant leur appartenance aux néandertaliens et (4) l’ADN mitochondrial qui a pu en être extrait (ce qui est exceptionnel) présente une séquence caractéristique des néandertaliens.
avec un menton très proche du nôtre !
L’étude publiée dans PLoS One se focalise essentiellement sur le fragment de mandibule qui présente bien la forme générale, les épaisseurs et les reliefs des mandibules néandertaliennes, sauf le menton. En effet, celui ci n’est pas fuyant comme chez tous les néandertaliens présente un aspect plus vertical avec une protubérance, et donc morphologiquement proche du notre. Ce détail morphologique peut sembler anodin et il le serait, si seul cet individu portait cette caractéristique. Cependant, tous les néandertaliens tardifs (les derniers néandertaliens qui donc sont encore présents en Europe lorsque l’homme moderne arrive) ) tels que Spy (Belgique), La Ferrassie (Dordogne), Las Palomas (Espagne), Vindija (Croatie) possèdent un menton plus ou moins prononcé. En outre une analyse statistique multivariée rapproche plus le fragment de mandibule de Riparo di Mezzena des hommes modernes que des néandertaliens, ce qui est étonnant à la vue de l’aspect général de ce reste et des résultats concernant l’ADN.
Par ailleurs, l’ADN mitochondrial étant uniquement transmis par la mère aux enfants, cela signifie que cet individu avait un ascendant masculin « moderne ». Ce scénario est d’autant plus probable que cet abri est à peine à 20 km de la grotte de Fumane dont les restes humains, attribués à l’homme moderne, sont contemporains de l’individu de Riparo di Mezzena.
Cela rejoint les travaux qui ont été réalisés, depuis 2010, sur l’ADN nucléaire et qui montrent aussi que l’hybridation a eu lieu.
Jean-Luc Voisin
Docteur en Paléontologie Humaine du Muséum National d’Histoire Naturelle
Site de Jean-Luc Voisin
Lire aussi :
2010 Hybridation Néandertal et Sapiens, une pincée de néandertal dans nos gènes
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