Lascaux II se refait une beauté
Lascaux II se refait une beauté, et "Lascaux III" sort de l’ombre
Pedro Lima
Le fac-similé de la célèbre grotte ornée subit une restauration en règle, victime de son succès… Dans le même temps, de nouvelles copies des fresques sont réalisées, destinées à faire le tour du monde.
Le 12 septembre 1940, quatre adolescents du petit village de Montignac, dans le Périgord (24), révèlent l’existence de fresques polychromes dans une grotte située sur un tertre boisé, à quelques centaines de mètres de la Vézère, rivière affluente de la Dordogne. La grotte de Lascaux devient vite mondialement célèbre, et des millions de visiteur s’y pressent dès l’après-guerre, entraînant des altérations des peintures et de leurs supports. Dès 1955, une étude met en évidence le rôle du gaz carbonique induit par la respiration des visiteurs, corrodant la roche et la calcite, et en 1960, Max Sarradet, Conservateur des Bâtiments de France, observe le développement de tâches vertes sur les parois, dues à des colonies de microalgues introduites par les touristes et le système artificiel de régénération de l’air. En avril 1963, le ministère d’Etat chargé des Affaires culturelles interdit les visites publiques de la grotte, inscrite en 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Et ce n’est que 20 ans plus tard, en 1983, qu’un fac-similé situé à 200 mètres de l’original, baptisé Lascaux II, ouvre ses portes…
Lascaux, la mémoire en héritage : Reportage vidéo réalisé devant Lascaux, à Lascaux II et à l’atelier des facs-similés du Périgord (AFSP), à Montignac, en mai 2010 en compagnie de Monique Peytral et l’équipe de l’AFSP.
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Une restauration en bonne et due forme
Aujourd’hui, cette réplique en grande partie réalisée par l’artiste peintre Monique Peytral, donne à son tour des signes de fatigue. Au point de bénéficier, depuis 2008, d’un véritable programme de restauration. Lascaux II est en effet victime de son succès : cette cavité creusée à flanc de colline, reproduisant les deux salles les plus spectaculaires de l’original (Salle des taureaux, 130 peintures et Diverticule axial, 190 figures), reçoit chaque année 270 000 visiteurs. Conséquence : une couche de poussière grisâtre recouvre la calcite blanche et les peintures, et certaines figures sont en partie effaçées, en particulier celles situées sur les parties basses du Diverticule axial, étroit boyau dont les visiteurs frottent parfois les parois… Autre souci lié aux trois décennies, ou presque, écoulées depuis l’ouverture au public : certaines tiges de la structure métallique sur laquelle a été projetté le béton ont subi les effets de la rouille, visible en certains points.
Face à cette situation, la Semitour, société en charge de la gestion commerciale de Lascaux II, a décidé d’un programme de restauration qui se déroule en hiver, à raison de trois mois chaque année pendant quatre ans. Un travail minutieux, impliquant l’équipe de l’Atelier des facs-similés du Périgord, basé à Montignac. Son responsable, Francis Ringenbach, détaille les opérations : « Nous effectuons un nettoyage et un dépoussiérage des peintures par brossage, en utilisant des produits d’entretien suivis de rinçages à l'eau. Nous avons installé un système d’échaffaudages pour atteindre les parties hautes et les plafonds du Diverticule et de la Salle des taureaux. Par ailleurs, nous avons repris certaines zones en remodelant la matière. Certains fers à béton rouillés, qui dégradaient le béton, ont été dégagés, 25 zones au total lors de la campagne 2009-2010, avec l’application consécutive d’un traitement à l'anti-rouille, un remodelage et restitution de la peinture”.
Enfin, les fonds du Diverticule axial ont été blanchis, afin de retrouver les calcites blanches de Lascaux, et les parties abîmées de certaines peintures y ont été reprises, en utilisant des ocres naturels, comme lors de la réalisation du fac-similé. En 2009-2010, ces reprises ont concerné une grande partie du Diverticule axial.
Autant de restaurations qui redonnent tout son lustre à la splendide réussite que constitue Lascaux II, et qui se déroulent sous la direction de son principal auteur, Monique Peytral, l’artiste qui a peint la majorité des figures, entre 1971 et 1983 (voir vidéo ci-dessus). En régle générale, les pigments qui ont été soufflés « a fresco » (projection à la bouche dans le ciment frais) par la peintre ont parfaitement tenu en qualité. Outre son travail de supervision de la restauration, Monique Peytral prête ses croquis de Lascaux, dont elle s'est servie pour la réalisation de Lascaux II ainsi que ses souvenirs visuels et sa parfaite connaissance de la grotte originelle et du fac-similé. « Je transmets avec plaisir mon expérience à l’équipe de l’atelier, explique-t-elle. A eux maintenant de se réapproprier la cavité, et la restaurer avec leur sensibilité et leurs propres gestes ». Le plasticien Alain Dalis à également participé à cette campagne de restauration.
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Monique Peytral, à droite, supervise la restauration du « Cheval renversé », au fond du Diverticule axial de Lascaux II, par Valérie Mathias. |
Dans la Salle des taureaux de Lascaux II, le restaurateur Gilles Lafleur reprend au pinceau la figure connue sous le nom de « Licorne » |
De nouvelles copies de Lascaux
Parrallèlement à cette restauration, de nouvelles copies de Lascaux sont réalisées à l’Atelier des Facs-similés du Périgord, à Montignac. Des panneaux destinés à intégrer, à terme, une ambitieuse exposition multimédia sous l’égide du Conseil général de la Dordogne : “Nous souhaitons partager avec le monde entier l’émotion unique que véhiculent les peintures de Lascaux, et donner envie au public international de visiter Montignac et Lascaux II”, détaille Olivier Retout, en charge du projet “Lascaux révélé” au Conseil général, et qui a installé un comité scientifique et artistique présidé par le paléontologue Yves Coppens. Les copies en cours de réalisation concernent des zones absentes de Lascaux II, qui ne montre que 320 figures sur un total de 1963, peintes et gravées. Les panneaux destinés à l’exposition itinérante proviennent de la Nef ( panneaux de « Vache noire », de la « Frise des cerfs », de « l’Empreinte » et des « Bisons adossés »), et du Puits situé au bout de l’Abside (« Scène du Puits »). Certaines copies sont déjà visibles au musée du Thot, à proximité de Lascaux II. L’objectif est d’obtenir des copies à l’identique, ce qui nécessite un travail minutieux : la réalisation d’un seul panneau, comme celui de la « Frise des Cerfs » peut prendre jusqu’à deux années! Les techniques ont été spécialement développées à l’atelier, et font appel au relevé 3D de la cavité, réalisé dans Lascaux au début des années 2000. La forme des parois peut ainsi être reproduite avec une grande précision, avant que les plasticiens ne peignent des figures, sous projection de photos prises, elles-aussi, face aux peintures originales. “Chaque animal reproduit a été photographié à Lascaux sous trois éclairages différents, lumière frisante gauche, lumière frisante droite et lumière frontale. En projetant ces images sur la paroi en cours de décoration, nous nous affranchissons des ombres projetées par le relief, pour aboutir à une copie à l’identique”, explique Francis Ringenbach. Grâce à ces techniques, le public de plusieurs continents pourra bientôt admirer, à son tour, le génie des peintres de Lascaux.
Pedro Lima, journaliste scientifique (http://www.doublevue.fr/page/Lima.html)
Photos : Philippe Psaïla (www.psaila.net)
Bibliographie : Lascaux, le geste, l’espace et le temps, Norbert Aujoulat, Seuil, 2004
Visiter Lascaux II et le musée du Thot : 05 53 05 65 65
L'équipe de l'AFSP est constituée de Valérie Mathias, Régis Drain, Francis Ringenbach, Aurélia Teixeira, Thierry Laurent et Gilles Lafleur.
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