Mille et une femmes de la fin des temps glaciaires
18 juin - 19 septembre 2011
Musée national de Préhistoire
Les Eyzies-de-Tayac
La femme de la préhistoire en Europe
Il y a plus de douze millénaires, l'amélioration du climat permet à l'Europe d'être largement occupée par des populations de chasseurs/cueilleurs d'obédience magdalénienne. Sur des milliers de kilomètres, du Sud-Ouest de la France à la Pologne, les modes de vie, les outillages très semblables, et l'expression symbolique, à travers des figurations féminines schématiques, traduisent une réelle homogénéité culturelle. L'exposition rassemble des outils, des armes et une soixantaine d'oeuvres d'art préhistorique majeures en ivoire, bois de renne, silex, etc... provenant des sites les plus importants entre autres Wylcyze en Pologne, Gönnersdorf et Andernach en Allemagne, différents gisements préhistoriques de Dordogne et de nombreux exemples pariétaux des grottes du Sud-Ouest de la France.
Le Magdalénien : une vaste culture ?
Dernière grande culture du Paléolithique Supérieur, le Magdalénien s'étend sur l'Europe entre 17 000 et 10 000 ans avant J.-C environ. Industries lithique et osseuse ne constituent qu'un des pans de cette culture qui fait entrer l'homme dans les prémices de la modernité. Le nom de « Magdalénien » fait référence à l'outillage présent dans l'abri sous roche de la Madeleine à Tursac, en Dordogne, découvert en 1863 et aujourd'hui inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. La culture magdalénienne se retrouve dans une grande partie de l'Europe : sud de l'Angleterre, France, Espagne, Portugal, Suisse, Allemagne et Pologne. Ce que l'archéologie parvient aujourd'hui à identifier, ce sont des ensembles de pratiques concernant les techniques, les habitats, les modes de chasse et les symboles. Mais il reste difficile d'appréhender les règles sociales, les langues et le contenu exact des mythologies qui cimenteraient chacun de ces ensembles. Il est donc impossible d'affirmer qu'il n'y eut qu'une seule culture pendant les sept millénaires de l'ère magdalénienne, du Portugal jusqu'à la Pologne.
Unité et diversité des techniques et des supports
Le Magdalénien impressionne beaucoup par l'abondance et la diversité inégalées de ses outils lithiques qui témoignent d'une culture matérielle très riche. Bois de cervidés, os et ivoire sont également omniprésents et se déclinent en différents instruments : sagaies, harpons, bâtons propulseurs, bâtons percés... Mais c'est surtout la grande maîtrise des productions artistiques – dont certaines sont des chefs-d'oeuvre – qui illustre l'habileté des Magdaléniens : restitution des détails, des proportions, de l'impression de mouvement... Toutes les techniques sont utilisées: gravure, sculpture, dessin, peinture et même modelage sur argile. A cette période également, l'art pariétal gagne les grands sanctuaires (Font-de-Gaume, Les Combarelles, Rouffignac…) comme les cavités plus modestes.
L'image de la femme dans l'art magdalénien
La période des figurations féminines schématiques correspondrait à l'extension maximale des populations du Magdalénien supérieur à la faveur de la libération définitive des terres par les glaciers. Mais, dans le même temps, le couvert forestier prend de l'ampleur et complique les axes d'approvisionnement en cours au Magdalénien. Les changements s'opèrent aussi dans les traditions graphiques. À l'hyperréalisme du rendu des animaux de certains sites répond le schématisme ou la déformation du corps dans d'autres. L'animal se décline au Magdalénien supérieur jusqu'à devenir un symbole, un signe (les vues de face), tout comme le corps féminin.
Femme-symbole
Les figurations féminines sont représentées sur tout type de support. De fortes affinités thématiques et stylistiques sont reconnues, parfois à l'échelle d'une vallée, parfois d'un ensemble plus vaste. Il en existe également de très grandes concentrations avec des gisements clés et des zones au contraire beaucoup plus clairsemées. Mais les parentés s'expriment bien au-delà : les figurines féminines le montrent de façon spectaculaire, elles qui ne sauraient être tenues pour de simples colifichets puisque des profils analogues ont été gravés en grotte.
|
|
Bloc gravé de Lalinde |
Vénus Courbet |
Visite de l'exposition
- Entre 20 000 et 13 500 avant Jésus-Christ, la grande plaine européenne, du sud-ouest de la France à la Pologne, connaît une période de forte instabilité climatique. Ces différentes pulsations, notamment le dernier épisode glaciaire du Dryas récent (14 500 - 13 500 avant JC) contribuent à modeler une mosaïque de paysages selon les latitudes. L'image schématique de la femme est présente dans tout cet espace, à partir du quinzième millénaire environ. Elle se répartit en différents foyers, principalement le sud-ouest de la France, la moyenne vallée du Rhin en Allemagne, jusqu'à la Pologne.
- Les preuves de mouvements à longue distance entre les groupes humains sont bien attestées par des déplacements sur plusieurs centaines de kilomètres d'objets divers, notamment le silex, les coquillages marins, les dents de requins fossiles, etc.
- Malgré d'importantes différences environnementales, les cultures matérielles sont très semblables au quinzième millénaire d'un bout à l'autre de la grande plaine européenne. L'industrie lithique, très laminaire, comporte de nombreux outils et armatures à dos courbe ; le mobilier osseux est dominé par les aiguilles, les baguettes, les bâtons perforés, les armatures de sagaies et par endroits les harpons. La parure associe des coquillages à des dents de petits carnivores.
L'art mobilier animalier est en revanche confiné à la partie occidentale de l'espace européen.
- A côté des figurations féminines, les thèmes animaliers sont très présents dans l'expression symbolique du Magdalénien ; le bestiaire se décline sous différentes formes, depuis un naturalisme "photographique" jusqu'à une hyper schématisation des formes en passant par de nombreux stades intermédiaires.
- Ils présentent par ailleurs, dans le domaine mobilier et pariétal, des caractéristiques très spécifiques :
- Représentations de frises d'animaux souvent très stylisées.
- Présence d'une ligne de sol bien marquée.
- Déformation des corps (hypertrophie de la tête et allongement des membres).
- Suggestion du mouvement.
- Représentation de face.
- Dans le domaine pariétal, les figurations féminines occupent une place à part, généralement à l'écart des autres décors. Toutefois, dans certains cas elles sont quelquefois clairement associées à un animal, généralement un aurochs.
- Beaucoup considèrent le sud-ouest de la France comme le foyer probable du symbolisme des figurations féminines schématiques, où ce thème envahit tous les supports, y compris le domaine pariétal où il acquiert une dimension particulière.
- Avec les sites de Petersfels, Andernach et surtout Gönnersdorf, le sud de l'Allemagne constitue le foyer le plus important par leur nombre, dans le domaine mobilier, des figurations féminines schématiques (statuettes et plaquettes gravées).
Souvent associées en scènes élaborées (danses, etc.), elles illustrent une symbolique où des connotations sexuelles sont perceptibles. D'autres figurines ont été découvertes en Europe (Suisse, Tchéquie, etc.) toutes globalement datées d'il y a 15 000 ans ± 500.
- Les statuettes féminines de Wilczyce, réalisées pour la plupart en silex avec la technique du contour découpé, sont très exceptionnelles. Celle en ivoire pourrait être associée à une sépulture d'enfant. Comme sur d'autres sites, la présence des figurations féminines semble indiquer un campement de longue durée.
Cette exposition est organisée par la Rmn-Grand Palais et le Musée national
de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac, avec la collaboration scientifique du Musée
national d'archéologie de Varsovie et du Landesmuseum de Mayence.
Photos :
Les statuettes du site de Nebra, Allemagne - Magdalénien supérieur - Ivoire et bois fossile © State Office for Heritage Management and Archaeology
Saxony-Anhalt / Photo Juraj Liptak
Bloc gravé de Lalinde : figurations féminines (détail) - Abri de la Roche de Birol, Dordogne, France - Magdalénien supérieur - Calcaire, gravé, sculpté, 5 x 6,3 x 1,3 cm - Les Eyzies de Tayac, Musée national de Préhistoire © service presse Rmn-Grand Palais / Franck Raux
Grotte du Courbet - Penne, Tarn, France - Magdalénien supérieur - Grès - Albi, Musée d'Albi © Musée Toulouse-Lautrec, Albi, Tarn
Vénus impudique - Laugerie-Basse, Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne - Magdalénien moyen - Ivoire, 7,7 x 8,2 cm - Paris, Musée de l'Homme, département de préhistoire, - Museum national d'histoire naturelle © Agence Photographique du MNHN / Photo Daniel Ponsard
Voir également :
Réalisme de l'image de la femme dans l'art Paléolithique de Jean-Pierre Duhard
Vénus de Hôhle Fels
La sexualité des Paléolithiques d'Henri Zaffreya
Découvertes en Russie de Vénus du Paléolithique supérieur
|
|