Une mandibule de 500 000 ans, balkanique mais pas pré-néandertalienne
Publiant son étude sur PLoS ONE, une équipe internationale a utilisé trois méthodes high-tech pour dater une mâchoire humaine provenant de Serbie, qui suggère une évolution différente entre Européens de l'ouest et de l'est de l'Europe il y a un demi-million d'années.
L'étude
Une équipe principalement canado-serbe a procédé à de multiples radio-datations sur une mandibule humaine provenant de Serbie, et lui a donné un âge situé entre 4 et 500 000 ans environ. Selon les auteurs, cet âge, très solidement établi par l'utilisation de techniques différentes de datation, une fois rapproché de l'étude anthropologique du fossile, confirme le rôle clé de la péninsule des Balkans, ouverte sur le Proche-Orient, dans l'évolution des populations du sud-est européen au Pléistocène moyen.
(Credit Photo : Mirjana Roksandic)
Internationalité, interdisciplinarité, efficacité
Anthropologues, archéologues, physiciens et géologues : autant de spécialistes qui, venant de Serbie, du Canada, du Royaume-Uni et de France (de l'Université de Bordeaux, en l'occurrence), se sont engagés dans cette recherche. « Nous avons établi que ce fossile était vieux d'au moins
397 000 ans, et peut-être de plus de 525 000 ans. Nous avons utilisé trois techniques indépendantes - résonance de spin électronique, uranium-thorium (u-séries) et luminescence infrarouge - qui donnent des résultats remarquablement cohérents (...). Ce qui fait de cette mandibule le plus ancien fossile d'Europe orientale de son genre », explique William Jack Rink, de l'Université McMaster (Canada).
Le plan du site de Mala Balanica en Serbie (Plos One) |
Un cadre théorique
Pourquoi ce fossile a-t-il tant d'importance ? Parce qu'il s'inscrit dans une théorie selon laquelle, à l'époque, les humain d'Europe occidentale, dans leur isolat climatique, auraient évolué en Néandertaliens, sans connaître le brassage génétique de ceux d'Europe orientale. « Les scientifiques pensent aujourd'hui que l'évolution des traits néandertaliens a été fortement influencée par une isolation périodique causée par la formation épisodique de glaciers. D'autre part, les humains du sud-est de l'Europe n'ont jamais, eux, été géographiquement isolés de l'Asie ni de l'Afrique par des glaciers, et ceci a eu pour conséquence des forces évolutionnaires différentes agissant sur les anciennes populations humaines de ces régions. La péninsule balkanique pourrait avoir fait partie de cette zone essentielle postulée [par les théories], depuis laquelle les hommes ont repeuplé l'Europe après le retrait des glaciers », rappelle Mirjana Roksandic, de l'Université de Winnipeg (Canada), qui a participé à l'étude.
Une mandibule qui en dit long
“À cette époque, les humains d'Europe occidentale commençaient à développer des traits néandertaliens, qui sont absents chez ce spécimen. (...) Son statut d'Homo erectus s.l. (= au sens large) correspond bien à cette explication », poursuit-elle. Cette mâchoire inférieure, répertoriée sous l'identifiant BH-1 et trouvée en 2006 dans la grotte de Mala Balanica, en Serbie, présente une morphologie qui la place « en dehors des variations observées chez l'Homo heidelbergensis européen (l'ancêtre de Néandertal) », estiment les auteurs.
« Cette étude confirme l'importance de l'Europe du sud-est en tant que ‘porte d'entrée du continent' et comme l'une des (...) principales régions où les humains (...) trouvèrent refuge durant les glaciations », conclut Dušan Mihailovic, de l'Université de Belgrade (Serbie), également membre de l'équipe.
F. Belnet
Sources :
ScienceDaily,
PLoS ONE,
Université de Winnipeg
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