Face à Australopithecus anamensis !
C’est la première découverte d’un crâne presque complet d’un représentant de l’espèce Australopithecus anamensis
Jusqu’à cette récente découverte, Australopithecus anamensis était identifié par une vingtaine de fossiles qui avaient délivré des mandibules, des dents, des fragments de crâne ainsi que des morceaux de tibia et d’humérus.
C’est le professeur Yohannes Haile-Selassie qui a découvert (en février 2016) le crâne, à Miro Dola (site Woranso-Mille), en Ethiopie, dans la région de l’Afar. Ce crâne fossilisé, découvert en deux principaux morceaux, a fait l’objet d’une étude approfondie dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature, en août 2019.
Ce crâne, presque complet, permet enfin de connaître la forme de la tête de cet australopithèque et de le comparer avec d’autres hominidés.
A gauche : crâne et reconstruction d’Australopithecus anamensis. Copyright: Jennifer Taylor, avec l'aimable autorisation du Cleveland Museum of Natural History
Le crâne MRD
Le crâne, identifié par les initiales MRD-Vp-1/ 1, présente des caractéristiques très particulières. Sur le sommet de la boîte crânienne se dresse une crête sagittale très marquée. La face est de forme allongée et prognathe (la mâchoire est projetée en avant), les canines larges mais le nez est, lui, pratiquement enfoncé dans le visage. Cet ensemble donne à cet individu un aspect très simiesque. Cela est renforcé par des os épais qui indiquent une constitution et un crâne robustes.
L’endocrâne permet d’estimer la taille du cerveau de cet hominidé qui, avec ses 370 cm3, se rapproche plus de Sahelanthropus tchadensis (360 cm3) que d’Australopithecus afarensis (400 cm3). L’ensemble de ces caractéristiques le rapproche physiquement des grands singes comme le gorille ou le chimpanzé.
A. anamensis contemporain d'A. afarensis ?
Daté de 3,8 millions d’années, ce spécimen donne un premier aperçu de la morphologie crânio-faciale complète de l’un des plus anciens membres du genre Australopithecus. Plus étonnant, le plus ancien des A. afarensis est, lui, daté de 3,9 millions d’années.
Jusqu’à présent, on pensait que A. anamensis était un ancêtre direct d’A. afarensis (comme Lucy). La datation et la morphologie de ce crâne permettent de penser maintenant que A. anamensis n’a pas disparu avec l’arrivée d’ A. afarensis. Les deux espèces se sont côtoyées pendant presque 100 000 ans. La filiation directe entre les deux espèces n’est plus assurée. L’une des auteurs de l’étude, Stephanie Melillo (Max Planck Institute, liebzig, Allemagne) indique : "Nous pensions que Australopithecus anamensis se transformait progressivement en Australopithecus afarensis avec le temps". Mais la contemporanéité des espèces lui fait rajouter : "Cela change notre compréhension du processus d'évolution et soulève de nouvelles questions : étaient-ils en compétition pour la nourriture ou l'espace ?".
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Le crâne fossile d'un Australopithecus anamensis (3), vieux de 3,8 millions d'années, et la reconstruction faciale qui l'accompagne. Copyright: Dale Omori (Skull) et Matt Crow (Reconstruction), musée d'histoire naturelle de Cleveland |
Une évolution buissonante confirmée
De manière plus globale, le fait que plusieurs hominidés soient présents au même moment dans une région va dans le sens d’une évolution dite buissonnante de l’humanité. Yves Coppens indique « L'évolution n'est pas linéaire, elle prend plutôt la forme d'une inflorescence. A. afarensis a très bien pu se développer localement à partir d'un groupe d'A. anamensis, tandis que le reste de la population poursuivait son existence sans évoluer ».
C’est ce qu’indique également la paléoanthropologue Sandrine Prat (MNHN) qui fait remarquer qu’il n’y a pas d’évolution graduelle et temporelle entre les deux espèces (processus d’anagenèse).
L’évolution des hominidés se complique un peu plus à chaque nouvelle découverte d’importance. Le crâne du fossile MRD fait partie de ces événements marquants dans la vie d’un chercheur.
Pour l’auteur principal de l’étude, le paléoanthropologue Yohannes Haile-Selassie (Museum of Natural History de Cleveland) "ce crâne est l'un des plus complets des fossiles d'hominidés de plus de 3 millions d'années".
Enfin, Jean-Jacques Hublin ((Max Planck Institute, liebzig, Allemagne) précise : "Entre 6 et 3 millions d'années, il y a un trou dans la connaissance, lié à la rareté des ossements. MRD permet de le combler en partie".
C.R.
Sources
Nature
Museum of Natural History
Le Point
BBC
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