Les animaux préhistoriques, le mégacéros ou Megaloceros |
Mégacéros
Megaloceros giganteus
Le mégacéros, ou élan irlandais (!), est un animal relativement méconnu du grand public, qui peut le confondre par sa morphologie avec un cerf ou un daim... Mais dès que les dimensions de l’animal sont perçues, la confusion n’est plus possible : il est gigantesque ! L’envergure de ses bois et sa taille sont telles qu’il est impossible de ne pas le voir s’il est reconstitué dans un musée ou une galerie de préhistoire. Pour les mêmes raisons, cet animal ne pouvait pas passer inaperçu au Paléolithique, dominant une grand partie du reste de la faune.
Par ailleurs, quand un livre a pour thème l’évolution des espèces, il est fréquent que le mégacéros soit pris en exemple ou en illustration du propos. S'il a vécu à la préhistoire et qu'il est aujourd'hui éteint, c’est surtout par les reconstitutions grandeur nature qu’il attire les enfants (et les plus grands…).
Dessin de mégacéros par Eric Le Brun.
Caractéristiques / Morphologie
Le mégacéros ressemble à un grand cerf mesurant 2,10 mètres au garrot, et presque 3 mètres de longueur, pesant de 600 à 800 kilos pour les mâles. Sa ramure gigantesque, réservée aux mâles, était constituée de bois qui pouvaient atteindre une envergure de 3,70 mètres. Comme pour les autres cervidés, les bois du mégacéros tombaient en automne et se renouvelaient chaque année. Selon des études, même si les bois du mégacéros paraissent immenses, il restent proportionnels au reste du corps (Stephan Jay Gould).L'animal possédait une bosse dorsale, nettement développée, excroissance souvent représentée en art pariétal, d’une couleur plus foncée que le reste de son corps.
Cette taille massive et les bois surdéveloppés lui donnent une apparence unique. |
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Squelette de mégacéros
illustration E.Salle
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Crâne de mégacéros
Illustration de Cuvier, 1825 |
Origine des mégacéros / Nombre d’espèces
Cette espèce de grand cervidé est présente sur une période de temps très longue. On estime que les origines de celle-ci sont situées il y a 2 millions d’années en arrière (Pléistocène). L’espèce en elle-même Megaloceros giganteus est apparue il y a 500 000 ans, et on a longtemps cru qu’elle s’était éteinte il y a 11 000 ans, à la fin de la dernière période glaciaire. Il a existé également des espèces plus petites comme Megaceros algarensis (Sardaigne), Megaceros cretensis (Crête), Megaceros cazioti (Corse). Leur petite taille est due à un phénomène de nanisme insulaire.
L’espèce Megaceros giganteus a été identifiée la première fois grâce une dizaine de specimens complets trouvés dans les tourbières d’Irlande, au 18ème siècle. Ces fossiles, datant approximativement de 11 000 ans, ont été préservés naturellement par l’enfouissement dans un milieu anaérobique (Cf Confe MAN).
Si l’on retrouve des fossiles en Europe et en Asie occidentale datés de 300 000 à 400 000 ans, le plus grand nombre de restes ont été identifiés datant de – 125 000 ans : ossements, dents, bois. Cette période semble être un véritable âge d’or pour le mégacéros. Il s’est répandu sur la presque totalité de l’Eurasie, de la péninsule ibérique au lac Baikal, en passant par les îles britanniques et la Scandinavie…
Répartition géographique / Habitat
Le Megaceros s’est répandu dans toute l'Europe et dans une grande partie de l'Asie, dont la Chine pour certaines espèces. Les restes sont assez rares sur les gisements préhistoriques, sauf en Irlande et sur l’île de Man. Il était adapté à un environnement froid fait de steppe et de toundra, ou à des lieux dégagés comme des prairies ou des clairières. Il affectionnait les grandes étendues herbeuses et les environnements humides, comme les marécages et les tourbières. Il a dû côtoyer les mammouths, les bisons, les aurochs et d’autres cervidés dans les grandes prairies herbeuses.
En toute logique, sa grande taille et sa ramure lui interdisaient les forêts denses, les taillis…
Mode de vie
Le mégacéros est un herbivore ruminant dont le mode de vie est relativement peu connu. S'il est possible de lui attribuer des comportements similaires à certains cervidés actuels, il faut se méfier de vouloir faire uniquement un copier-coller cerf / mégacéros !
Toutefois, avec les dernières avancées technologiques des analyses isotopiques et cémentochronologiques(1) les chercheurs ont pu déterminer que :
- la période de naissance des petits mégacéros devait se situer entre le printemps et le début de la saison estivale,
- les mâles avaient des bois matures en automne et en hiver,
- l’alimentation des mégacéros était constituée d’herbacées et de graminées.
On connaît peu de prédateurs pour le mégacéros qui, par sa taille, devait impressionner les plus hardis… Toutefois, des ossements de mégacéros ayant été découverts dans des tanières de hyènes des cavernes, on peut supposer que l’animal était chassé ou, au minimum, charogné.
Disparition du mégacéros
Jusqu’à récemment, on associait la disparition du mégacéros à celles d’autres animaux, comme le mammouth et l’ours des cavernes. La période d’extinction était située à la fin de la dernière glaciation, il y a 10 000 ans. Pour expliquer l'exctinction de cette mégafaune, on mettait en avant le changement de climat, mais également un phénomène de sur-chasse par l’homme.
A ces causes, on rajoutait pour le mégacéros la possibilité que le développement de sa ramure fût à l’origine de sa perte… Au siècle dernier, on imaginait que le mégacéros s’était éteint, coincé par ses bois dans les branches d’arbres des sous-bois (!), ou encore que cette protubérance empêchait tout simplement l’animal de se nourrir, et même que, lorsque le velours recouvrant les bois tombait, cela provoquait un afflux trop important de sang dans le cerveau…
A droite, Bois de mégacéros, Illustration de Cuvier 1825.
Les dernières découvertes et études montrent que le mégacéros a perduré beaucoup plus longtemps qu’on ne le pensait. Les derniers fossiles indiquent que l’animal était encore présent il y a 9 000 ans (île de Man, Mer d’Irlande), et même il y a 7 700 ans (Sibérie).
Pour Cédric Grimoult, «la disparition du mégacéros est expliquée par un changement environnemental : la densification des forêts a sans doute réduit leur habitat comme une peau de chagrin, au bénéfice des espèces aux bois moins volumineux ».
Le mégacéros et l’homme
L’étude des ossements du mégacéros laisse apparaître peu de traces de boucherie de décharnement ou de fracturation. On ne trouve ce type de marques que dans les gisements de Camiac (Gironde), de Pair-non-Pair et St Marcel, des grottes Abailles et Isturtiz). L’homme n’était probablement pas un prédateur régulier pour ce cervidé. La taille de l’animal le rendait difficile et surtout dangereux à chasser. Il y a avait des proies plus simples, comme le renne. Si l’homme consommait du mégacéros, c’était probablement par opportunité ou charognage d’un animal mort.
En ce qui concerne l’utilisation des ossements comme matière première, là aussi il existe très peu d’artéfacts, outils, armes ou parures réalisés avec du mégacéros. Il semble que les restes de mégacéros ne s’adaptaient pas facilement aux besoins techniques des paléolithiques. En particulier, les énormes bois palmés et courbés ne devaient pas convenir. Parmi les rares artéfacts retrouvés, on notera des retouchoirs et des dents travaillés, dans la grotte d’Isturitz, ainsi qu’une incisive à Pair-non-Pair ayant dû servir de parure…
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Le mégacéros dans l'art préhistorique
Les représentations de mégacéros dans l’art pariétal brillent par leur rareté : on ne trouve cet animal que dans 1,2 % des figures du bestiaire des grottes ornées. On répertorie en tout seulement 40 individus représentés dans l’art paléolithique européen.
Pour Stéphane Petrogniani le mégacéros (Mégaloceros
giganteus) est un animal rare dans le bestiaire paléolithique mais lorsqu'il est présent, il est relativement facile à identifier. Pour y parvenir, il retient trois critères : la ligne cervico-dorsale sinueuse, le port de tête altier, la ramure développée.
Le mégacéros et l'art mobilier ?
Actuellement, il n’existe aucune représentation du mégacéros dans l’art mobilier, ou du moins identifié comme tel.
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Mégacéros - gravure
Pair-non-Pair |
Mégacéros (femelle sans bois ?)
Grotte Chauvet |
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Mégacéros gravé - relevé
Grotte de la Grèze |
Panneau des mégacéros
Cougnac |
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Un mégacéros mâle avec ses bois
Grotte de Cougnac |
Mégacéros (femelle) - relevé
Grotte de Roucadour |
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Mégacéros femelle - Gravure - Photo Lorblanchet
Grotte de Roucadour |
Mégalocéros
Arcy-sur-Cure |
Reconstitutions de mégacéros dans les musées
Pour se faire une idée des dimensions de l'animal, il ne vous reste plus qu'à le découvrir dans les collections des musées.
Vous pouvez voir, soit les bois d'origine du mégacéros, comme au Musée d'Archéologie Nationale de St Germain-en-laye, soit le magnifique squelette entier, comme celui de la Galerie de Paléontologie et d'Anatomie Comparée du Jardin des Plantes, à Paris.
Par ailleurs, plusieurs musées ont reconstitué des mégacéros d'après des moulages, comme au Parc de Préhistoire de Tarascon, ou à la Caverne du Pont-d'Arc.
Et, dernier cri, le mégacéros numérique vous permet de le voir évoluer et "bramer" devant vous au Thot, dans le Périgord.
A noter, souvent les reconstitutions sont réalisées à partir des squelettes et ramures de plusieurs individus. |
Crâne et bois de mégacéros
Musée d'Archéologie Nationale |
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Mégacéros à la galerie de l'Aurignacien
Caverne Pont-d'Arc |
Mégacéros - Reconstitution de Joseph Kawerk
Musée des Eyzies-de-Tayac |
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Mégacéros - Squelette
Galerie de paléontologie et d'anatomie comparée - Paris |
Mégacéros
Parc de préhistoire de Tarascon |
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Mégacéros
Musée des Gorges du Verdon - Quinson |
Mégacéros numérique
Le Thot |
C.R.
- Sources : Le cervus megaceros dans le sud et le sud-est de la France, J. Bouchud
- Gould, S.J. "The misnamed, mistreated, and misunderstood Irish elk". Ever Since Darwin. W.W. Norton. pp. 79–90
- Conférence Entre Fantasme et réalité : le Mégacéros et les hommes de la Préhistoire - Conférence de Nejma Goutas, chargée de recherche au CNRS (UMR 7041, Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie, Université Paris X) et de Delphine Kuntz, docteur en Préhistoire (UMR 7041).
1 La cémentochronologie est l'étude du dépôt annuel de couches de cément acellulaire autour des racines des dents. Elle permet d'estimer l'âge de l'individu à sa mort.
A lire
Il n'existe pas à proprement parler de livre consacré uniquement au mégacéros. Voici une sélection de livres dans lesquels le mégacéros et/ou son environnement ou ses représentations sont abordés en partie.
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