Les australopithèques utilisaient-ils des outils ?
Des ossements datant de 3,4 millions d'années présentent des traces de découpe avec un outil de pierre.
Le lieu de la découverte
C'est dans la revue Nature qu'une équipe de scientifiques vient de publier une étude sur des ossements retrouvés en janvier 2009 à Dikika en Ethiopie.
Les os fossilisés proviennent du même site où Selam la jeune australopithèque a été exhumée en 2000. Si Selam était datée de 3,3 millions d'années, la nouvelle découverte est, elle, datée de 3,4 millions d'années.
C'est d'ailleurs le même chercheur qui est à l'origine de la découverte de Selam qui a mis à jour ces nouveaux ossements : Zeresenay Alemseged (California Academy of Sciences).
Des ossements qui présentent des traces de boucherie
Les ossements proviennent de mammifères : la côte d'un animal de la taille d'une vache et un morceau de fémur d'un animal plus petit (comme une chèvre). Les deux os sont marqués par des traces de découpe et de percussion. Au microscope électronique les chercheurs ont découvert de microscopiques morceaux de roche enchâssés dans l'os démontrant ainsi la percussion.
Pour le Docteur Curtis Marean, "la plupart des marques indiquent sans aucun doute qu'elles ont été faites avec un outil en pierre. L'éventail des actions de boucherie est ainsi retrouvé : la coupe, le grattage pour décoller la chair et la percussion sur le fémur pour accéder a la moelle".
Lucy et Selam utilisaient-elle déjà des outils ?
Ces ossements marqués semblent indiquer que l'espèce Australopithecus afarensis découpait la viande avec des outils. En effet, il y a 3,4 millions d'années, dans cette région seule cette espèce d'hominidé était présente. Si les outils en eux-mêmes n'ont pas été retrouvés, les traces qu'ils ont laissées sont tangibles.
Alemseged a expliqué qu'afarensis pratiquait probablement le charognage, et devait se nourrir occasionnellement de carcasses retrouvées qu'il devait dépecer.
Les plus anciennes traces d'outils
Jusqu'à présent les plus vieux outils utilisés par des hominidés dataient de 2,5 millions d'années et ils étaient attribués à Homo habilis. C'est donc une remise en cause profonde des aptitudes et de l'habilité qu'on attribuait aux australopithèques.
Réactions
Pour l'archéologue Dominique Cauche (université de Nice) spécialiste des premières industries lithiques, "...On pressentait que les australopithèques devaient avoir utilisé des outils, c'est maintenant chose démontrée. Et ce qui serait encore mieux maintenant, ce serait de trouver ces outils...". (Le Figaro)
Yves Coppens déclare au journal Le Monde "Il faut plutôt réfléchir en termes d'époques, de transitions. Je ne serais d'ailleurs pas étonné qu'à Dikika, on trouve d'autres hominidés qu'A. afarensis".
D'autres scientifiques sont plus réservés dans l'interprétation de ces ossements. En effet, une telle découverte qui repousse l'utilisation d'outils de 800 000 ans devra être confirmée par d'autres éléments.
Pour Nicholas Toth (Université de l'Indiana), "...les marques trouvées sur les os ne ressemblent pas à celles habituellement laissées par des outils de pierre. On peut donc se demander si elles ont vraiment été réalisées par des outils et non simplement par des morsures d'animaux..."
Par ailleurs, Tim White (Université de Californie à Berkeley) pense que les marques sur les os ressemblent plus à celles faites par des dents de crocodiles. Elles ne se trouvent pas non plus sur les os là où on les attendrait si elles étaient le résultat d'un dépeçage.
Photo : Crédit: Dikika Research Project, California Academy of Sciences
Sources : ScienceDaily
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