Mains négatives : 75 % seraient celles de femmes
Une véritable révolution féministe... les hommes préhistoriques qui laissaient les traces de leurs mains dans les grottes seraient en fait des femmes...
Une étude américaine publiée dans American Antiquity et relayée par National Geographic suggère que la majorité des mains négatives trouvées dans les grottes ornées seraient celles de femmes. Les compagnes des hommes préhistoriques étaient-elles les véritables artistes du Paléolithique ?
L'étude
Les mains négatives (plaquées en pochoir sur la paroi rocheuse, où un jet de colorant soufflé va les ‘décalquer en négatif') ornent, parmi bien d'autres figurations artistiques, les parois de nombreuses grottes préhistoriques de par le monde. Utiliser les données anatomiques et anthropométriques de la main humaine pour déterminer le sexe des créateurs de ces fameuses mains n'est pas une nouveauté dans la littérature scientifique, comme en témoigne une étude de 2006 réalisée à l'aide d'un logiciel développé en France.
Mais les nouveaux travaux de l'archéologue Dean Snow, de l'Université d'État de Pennsylvanie, ont peut-être le mérite de relancer l'idée et de bousculer - à l'aide d'une extrapolation un peu hardie des résultats obtenus - des idées reçues tenaces. Dean Snow estime en effet que les ¾ des mains négatives qu'il a étudiées sont féminines, et suggère que les artistes paléolithiques en général étaient peut-être des femmes bien plus souvent que des hommes...
A gauche, Main négative du Pech Merle
Méthodologie
Le chercheur américain a d'abord constitué un algorithme utilisant plusieurs mesures : l'indice de Manning, un ratio qui établit que les hommes ont un annulaire sensiblement plus long que l'index, alors que ces deux doigts sont à peu près de même longueur chez les femmes ; le ratio entre longueur de l'index et longueur du petit doigt ; la longueur de chaque doigt ; et enfin la longueur de la main. En testant cet algorithme sur des personnes de son entourage, Snow a pu distinguer les mains féminines des mains masculines... avec seulement 60 % de fiabilité.
Un résultat médiocre, ce qui n'a heureusement pas été le cas avec les mains préhistoriques qui, a constaté le chercheur, affichent un dimorphisme sexuel plus prononcé. "Elles s'inscrivent dans les limites [basses et hautes de mon modèle], et même au-delà : il y a 20 000 ans, les hommes étaient des hommes et les femmes, des femmes !", plaisante-t-il. Il a donc appliqué son algorithme sur 32 mains négatives de 8 grottes ornées espagnoles (comme celle d'El Castillo) et françaises (comme celle de Gargas, dans les Hautes-Pyrénées, et celle du Pech Merle, dans le lot). Résultats : 24 des 32 mains (soit 75 %) se révèleraient féminines !
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Les mains négatives ci-dessus ont été trouvées dans la grotte El Castillo en Espagne.
Les auteurs sont probablement un homme à gauche, et une femme, à droite.
Photographies de Roberto Ontanon Peredo |
Des mains et des idées...
Snow imagine alors que cette assiduité des femmes de la Préhistoire à orner ainsi les grottes avec ces motifs pourrait s'étendre à toutes les œuvres pariétales, dont elles seraient le plus souvent les auteurs. Les représentations animales ? Un symbolisme lié au transport et au dépeçage des bêtes - tâches généralement attribuées aux femmes - et non à la chasse - attribuée aux hommes -, suggère le chercheur.
Ou bien un symbolisme chamanique, mais féminin, imagine l'archéologue américain Dave Whitley (non impliqué dans l'étude), qui rappelle que les chamans des sociétés tribales connues sont (ou ont été) parfois des femmes. "Je pense que cette étude est un jalon. C'est la première fois que quelqu'un synthétise un bon corpus d'indices [sur ce thème]", commente-t-il. Pech Merle ou Lascaux dues aux femmes : hypothèse séduisante... mais y avait-il vraiment un sexe dominant en la matière ?...
F. Belnet
Sources :
National Geographic,
Blogs.Smithsonianmag.com
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