Homo naledi, une espèce « récente » de 250 000 ans !
La datation des restes fossiles d’Homo naledi, en Afrique du sud, n’avait pas été faite. Les chercheurs proposent maintenant de positionner cette espèce 250 000 ans en arrière, mais sans expliquer vraiment pourquoi...
En 2013, l’équipe dirigée par Lee Berger (Université de Witwatersrand, Johannesburg) a fait une découverte extraordinaire au fond d'un réseau de cavités sud-africaines (Grotte de Rising star). Ils ont trouvé des milliers d'ossements appartenant à une nouvelle espèce de type humain.
Cette espèce était très particulière car elle possédait des caractéristiques qui la rendait difficile à positionner sur l’arbre de l’évolution humaine : une stature et un cerveau de petites tailles, des ossements de la main indiquant des capacités arboricoles, mais une allure globale assez proche du genre Homo. Avec cette mosaïque de caractères, il était donc possible d’identifier les restes comme appartenant à une espèce, mais difficile à positionner dans le temps.
Main de Homo naledi. Reconstitution à la Galerie de l’évolution humaine NHM (Londres).
Un fossile pas facile à dater
Pour dater un fossile, les scientifiques ont à leur disposition tout un arsenal de techniques permettant d’établir la période pendant laquelle l’individu a vécu. Toutes ces méthodes de datation, relative ou absolue, peuvent être utilisées en fonction des paramètres de la découverte : l’état du fossile et le contexte. Dans le cas de la grotte de Rising Star, les scientifiques ont rencontré de nombreux obstacles qui ont contrarié la datation :
- l’étude des couches stratigraphiques n’est pas applicable car la grotte a été naturellement protégée de nouveaux dépôts, ce qui empêche de définir l’histoire de la grotte.
- les chercheurs peuvent également déterminer l'âge relatif des fossiles en examinant les restes fossiles d'autres espèces trouvées à proximité, si l'âge de ces autres espèces a déjà établi par ailleurs. Malheureusement, la cavité dans laquelle les fossiles de Homo naledi ont été trouvés ne contient pratiquement aucun ossement appartenant à d’autres espèces. Cette méthodologie ne peut donc s’appliquer ici.
- l'analyse isotopique des ossements permet de dater de manière très précise des ossements. Berger et son équipe hésitent toutefois à utiliser cette technique très invasive, car elle implique la destruction des échantillons qui sont analysés… On les comprend !
Une communication « hors normes »
Les chercheurs viennent de communiquer dans la revue National Geographic pour expliquer que les fossiles sont estimés entre 250 000 et 300 000 ans.
L’article n’indique rien concernant la méthode utilisée pour estimer leur âge. L'interview au National Geographic mentionne uniquement que Berger et ses collègues ont trouvé une autre chambre souterraine contenant d’autres restes d’Homo naledi. Il est possible que ces fossiles supplémentaires aient été conservés dans un contexte qui rende la datation plus facile. Nul doute que le professeur Lee Berger ne tardera pas à faire une publication plus argumentée dans une revue scientifique…
Photo : mâchoire de Homo naledi .Reconstitution à la Galerie de l’évolution humaine NHM (Londres).
Homo naledi, 250 000 ans en arrière
Jusqu’à présent, les hypothèses sur l’âge d’Homo naledi variaient entre - 2 millions d'années et - 100 000 ans… Une marge énorme pour une nouvelle espèce aux caractéristiques si divergentes !
La datation proposée maintenant à - 250 000 ans ne résout pas tous les problèmes.
Chris Stringer (Natural Museum of History, Londres explique "C'est étonnamment jeune pour une espèce qui présente encore des caractéristiques primitives que l’on trouve habituellement sur des fossiles d'environ 2 millions d'années, comme la petite taille du cerveau, les doigts incurvés et la forme de l'articulation de l'épaule, du tronc et de la hanche",
Un impact sur notre arbre généalogique
Si les fossiles d’Homo naledi sont datés entre 300 000 et 200 000 ans, cela implique une autre manière d’envisager notre évolution.
Nos plus anciens hominidés vivaient il y a plus de sept millions d'années (Toumaï). La première espèce à ressembler physiquement à un être humain moderne est apparue, elle, il y a environ deux ou trois millions d'années (genre Homo).
Pour notre propre espèce - Homo sapiens – les plus anciens fossiles identifiés sont datés d’environ 200 000 ans.
Donc, si Homo naledi vivait entre – 200 000 et – 300 000 ans, il a pu se trouver sur les mêmes territoires, au même moment qu’Homo sapiens. Cela signifie qu'une espèce d'hominidé avec des caractéristiques étonnamment primitives - y compris un petit crâne et un petit cerveau - a survécu pendant des centaines de milliers d’années jusqu’à un passé pas si lointain que cela. Avec Homo floresiensis, cela fait la deuxième humanité qui résiste ainsi au temps. Et il est tout à fait concevable que les derniers représentants de l’espèce Homo naledi aient pu rencontrer les premiers membres de la nôtre (Homo sapiens). Et cette conjonction de l’arrivée d’Homo sapiens et la disparition d’Homo naledi pourrait alimenter les spéculations sur le côté destructeur de notre espèce ! Homo sapiens aurait-il quelque chose à voir avec l’extinction d’Homo naledi ?
Pour Chris Stringer, "Homo naledi pourrait être proche de l'origine du genre Homo, ce qui suggère qu'il s'agirait d'une espèce « relique », conservant de nombreux traits primitifs depuis longtemps", explique.
Avec une pointe d’humour, le professeur Lee Berger n’hésite pas à comparer H. naledi à une version humaine du cœlacanthe. Ce poisson primitif avec des ancêtres apparus il y a 400 millions d'années, en ayant conservé une grande partie de son aspect original, est parfois pêché encore aujourd'hui dans les océans…
C.R.
Sources :
Newscientist
BBC
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