Pourquoi les fossiles d'Homo naledi ne sont pas datés ?
La publication d'une nouvelle espèce d'hominidé est toujours un événement. Ce fut donc la même chose pour Homo naledi, à l'exception d'un élément perturbateur manquant : la datation des fossiles.
La découverte d'Homo naledi a été énormément médiatisée, avec la sortie d'un dossier et de photos dans National Geographic, la publication de l'étude des caractéristiques morphologiques dans une revue en-ligne, une vidéo mise en scène de la révélation des ossements au public... En France, la nouvelle a même eu l'honneur du journal télévisé de TF1...
Pourquoi la datation est si importante...
Une découverte passionnante mais il manque un élément majeur qui donne à l'événement des implications scientifiques structurantes : la datation. En effet, l'étude ne renseigne pas l'âge des fossiles, engendrant des commentaires lapidaires sur la pertinence de l'étude en elle-même... Et il est vrai que ne pas savoir si les ossements sont vieux de 10 000 ans ou de 2 millions d'années est à la fois frustrant et perturbant.
- Si Homo naledi a seulement 10 000 ans et présente des caractéristiques morphologiques dites primitives, cela veut dire que l'espèce a peu évolué, mais qu'elle a réussi à se maintenir aux côtés d'Homo sapiens, Homo neanderthalensis, Homo floresiensis jusqu'à une période récente...
- Si Homo naledi est âgé de 2 millions d'années, avec certains caractères morphologiques modernes, cela indique qu'il est très proche des origines du genre Homo... Et que, par ailleurs, il avait des capacités inattendues, comme le fait de s'éclairer pour ramper dans des galeries, ou disposer les cadavres de ses semblables au fin fond d'une grotte comme un rite funéraire...
La datation est donc primordiale pour connaître la place de cette nouvelle espèce dans l'arbre généalogique de la lignée humaine.
La réponse de l'un des chercheurs, John Hawks
John Hawks est professeur d'anthropologie à l'Université du Wisconsin et l'un des responsables de l'expédition Rising Star qui a étudié les restes d'Homo naledi. Il a répondu à des questions concernant le manque de données de datations sur cette nouvelle espèce.
Pour John Hawks, la raison principale de cette absence de chiffres sur l'âge des fossiles est que les scientifiques veulent être sûrs...
"Nous nous sommes engagés, dans l'équipe, à ne pas publier une estimation de la date jusqu'à ce que nous ayons de multiples estimations qui arrivent au même résultat." La datation des fossiles trouvés à Rising Star n'est pas simple.
Pour John Hawks, la datation au carbone 14 n'est pas adaptée aux fossiles d'Homo naledi car cette méthode ne permet d'effectuer des datations que jusqu'à - 50 000 ans. Hors les scientifiques sont certains que ces fossiles sont plus âgés.
Chris Stringer (Muséum d'histoire naturelle, Londres) a déclaré que l'équipe Rising Star aurait pu tester la datation au carbone "même si c'était seulement pour confirmer que le matériau se trouvait au-delà de la portée effective de cette méthode." Ce à quoi Hawks répond que cette technique "implique de détruire de la matière, et qu'ils ne voulaient pas le faire avant d'avoir publié une description de l'espèce."
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Marina Elliott explore la cavité avec la paléoantrhopologue Ashley Kruger. Elliott est l'un des six scientifiques dont le physique et la stature leur permettait de parvenir à la dernière salle des fossiles. Sur l'écran, à droite, le professeur Lee Berger suit l'avancement des fouilles à partir de la surface. Photographie Elliot Ross
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Une autre technique de datation, la résonance de spin électronique (RSE), ne nécessite pas de destruction des matériaux et est idéale sur l'émail des dents anciennes (qui sont nombreuses sur le gisement). La méthode permet d'évaluer les rayonnements reçus, et donc la période d'exposition. Dans le cas de Rising Star c'est le niveau élevé de rayonnement naturel qui pose problème. Il faudrait d'abord mesurer précisément le rayonnement naturel dans la cavité avant d'étudier celui des dents...
Une autre méthode de datation par comparaison consiste à trouver des ossements d'animaux dans les mêmes niveaux que celui des fossiles humains. On peut ensuite déterminer que tous les ossements trouvés dans une strate sont de la même époque. Dans le cas des restes d'Homo naledi à Rising Star les ossements humains ne sont malheureusement pas accompagnés de restes d'animaux suffisamment caractérisés pour évaluer la date d'enfouissement.
De la même manière, les sédiments qui entourent les ossements, des coulées volcaniques ou des mesures paléomagnétiques peuvent donner des informations sur l'époque d'enfouissement d'un os. Mais dans le cas de la grotte de Rising Star la cavité n'a pas été exposée à des événements suffisamment identifiés pour dater les ossements.
Par ailleurs, l'équipe tente également d'extraire l'ADN ancien des ossements d'Homo Naledi. Mais malheureusement les conditions climatiques de la grotte ne sont pas idéales : humide et tempérée... Pour une conservation idéale de l'ADN il faut un climat sec et froid !
Les chercheurs continuent d'explorer toutes les méthodes possibles...
C.R.
Sources :
- Elife
- Theatlantic
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