Les homininés africains d'il y a 2 Ma, chasseurs ET charognards
Publiant récemment ses travaux dans PLoS ONE, une équipe internationale a mis en évidence sur un site Kenyan le comportement opportuniste des préhumains qui l'occupaient voici 2 Ma, tantôt chasseurs, tantôt charognards.
L'étude
Assisté par les membres de plusieurs organismes scientifiques américains, britanniques et kenyans, Joseph Ferraro, professeur adjoint d'anthropologie à l'Université Baylor (Waco, Texas) a étudié le site archéologique oldowayen de Kanjera Sud (abrégé en KJS), au Kenya, qui date d'environ 2 Ma. Dans les 3 couches, bien stratifiées et bien conservées, de ce site proche du lac Victoria, les scientifiques ont recherché les indices des comportements d'acquisition de nourriture - carnée, notamment - par les homininés qui l'occupaient à l'époque.
Une controverse ancienne
Les anthropologues savent depuis un certain temps que les protéines animales ont constitué un apport essentiel au développement de ces homininés d'il y a 2 Ma - les premiers à fabriquer des outils de pierre rudimentaires - et en particulier de leur cerveau, leur permettant d'élargir à la fois leurs compétences, leur aire de répartition et leur gamme de comportements sociaux. Mais comment se procuraient-ils ces protéines ? Par la chasse, comme les préhistoriens le pensaient jusqu'au années 1960, ou plutôt - théorie émise à partir des années 1980 - en exploitant, en charognards, les carcasses de proies laissées par des prédateurs ? Les deux, répond cette étude !
Des homininés chasseurs...
De la tête au bout des pattes, les squelettes complets de nombreuses petites antilopes - sous forme d'ossements épars, bien sûr - ont été retrouvées sur le site KJS, preuve qu'elles ont été transportées là entières. Or, des études menées au Serengeti - un environnement similaire au KJS d'il y a 2 Ma - ont montré que les animaux prédateurs dévorent complètement ce genre de proies en quelques minutes, n'en laissant presque rien. Ce ne peut donc être que par la chasse que les homininés de KJS se sont procuré ces menues antilopes, estiment les auteurs. Beaucoup d'os portent des marques de découpe laissées par des outils de pierre, utilisés tantôt pour détacher la chair, tantôt pour accéder à la moelle.
... et charognards tout à la fois
Le site contient également un grand nombre de têtes isolées de grosses antilopes de la taille d'un gnou. Or, même les plus grands prédateurs africains, comme les lions et les hyènes, sont incapables de les briser. Ce qui n'est pas le cas de nos homininés, qui ont sans doute exploité la riche source nutritive que constitue la cervelle. « Équipés d'outils, les hominidés de KJS, en revanche, auraient pu accéder à ce tissu et l'ont probablement fait en récupérant ces têtes après que les prédateurs non-humains aient consommé le reste de la carcasse », dit Ferraro. Ces préhumains étaient donc également charognards.
Une première
« Les hominidés de KJS ont non seulement exercé une activité de charognards sur ces têtes [d'animaux], ils les ont aussi transportées à une certaine distance - jusqu'au site - avant de les ouvrir et de consommer la cervelle. C'est important car ceci nous fournit la première preuve archéologique de ce type de comportement de transport des ressources dans la lignée humaine. Considérée globalement, cette étude fournit d'importants indices archéologiques anciens concernant la consommation de viande, la chasse au paléolithique et le comportement de charognard », conclut le chercheur.
F. Belnet
Photos :
Os d'antilope
Fragment d'un os de membre d'un mammifère
Crédit : Baylor University
Sources :
ScienceDaily
PlosOne
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