Un extrait de l'ouvrage "Homo sapiens, drôle d'espèce "
... Encore plus proche de nous, un savant français du 19ème siècle répondant au nom de Paul Broca s’est rendu célèbre en consacrant sa vie à l’étude du cerveau. Il a notamment mis en évidence qu’une région de celui-ci, appelée par la suite aire de Broca en hommage à son découvreur, était responsable de notre capacité à parler de façon cohérente : enlevez-vous l’aire de Broca après une solide anesthésie du crâne, et vous appelez un chat un chien ou votre mamie une table. Cette découverte a eu un effet boeuf à l’époque, car elle reliait directement une compétence sophistiquée (le
langage) à une région du cerveau. Broca reste aujourd’hui un scientifique reconnu et respecté. Pourtant, il a émis des idées moins prestigieuses, à tel point qu’elles titillent le ridicule, comme celle de mesurer l’intelligence des humains uniquement à partir de la taille de leur cerveau. Suivant cette théorie, on a vite conclu que les femmes, dont le cerveau est plus léger que celui des hommes de 180 grammes en moyenne, sont moins intelligentes et que cette infériorité est toute naturelle. Broca, qui n’était pourtant pas idiot, n’a pas pensé que les femmes sont en moyenne plus légères que les hommes et qu’il est tout à fait normal qu’elles aient aussi un cerveau plus léger. Mais là encore le mal était fait : les femmes sont des gourdes et n’en parlons plus.
Restons au 19ème siècle pour étudier le cas du naturaliste anglais Charles Darwin. Vous en avez peut-être déjà entendu parler, c’est lui qui a proposé en 1859 que les espèces vivantes évoluent grâce à la sélection des individus les mieux adaptés. Dans l’idée de Darwin, les individus « les mieux adaptés » étaient les plus à même de survivre dans un environnement donné et d’y faire une ribambelle de bébés (pour les animaux) ou de graines (pour les plantes). Le plus adapté n’est donc pas forcément le plus fort : pour être adapté à un environnement il peut suffire de savoir grimper aux arbres, de savoir voler, de mieux voir la nuit, de pouvoir manger des plantes remplies d’épines, etc.
Mais à l’époque, pour de nombreuses raisons qu’il serait trop long de détailler, certains hommes utilisèrent (contre son gré) la théorie de Darwin pour justifier l’idée que ce sont toujours les plus forts qui survivent et les plus faibles qui sont systématiquement éliminés. Selon cette idéologie, appelée eugénisme ou darwinisme social par ses adeptes bien qu’elle n’ait rien à voir avec les convictions de Charles, pour améliorer l’espèce humaine il fallait éliminer les individus plus faibles. Dès le début du 20ème siècle, plusieurs pays d’Europe et d’Amérique (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Finlande, Suède, Suisse, Canada…) ont lancé des programmes de stérilisation volontaire ou forcée des handicapés, ont encouragé les familles pauvres à faire moins d’enfants, etc. Par la même occasion, des millions d’hommes se virent confirmer qu’un mâle digne de ce nom devait avoir de gros muscles, nourrir un gros compte en banque et écraser tout ce qui se trouvait sur son passage. Chacun peut sûrement observer chaque jour, près de chez lui, où cela mène...
Sommaire Homo sapiens, drôle d'espèce
Remerciements
Préface
Introduction
L’horreur est humaine
Le pire et le meilleur
Et voilà le programme
Chapitre 1 - Commencer par l’infini
Notre univers
Relativité et Big Bang
Théorie et réalité
Matière, forces et particules
Cordes et dimensions
Les premiers jours du monde
Chapitre 2 - De la matière à la vie
Des débuts un peu flous
La formation de la Terre
Du minéral à l’organique
Protéines et acides nucléiques
L’autoreproduction
Les premiers êtres vivants
Chapitre 3 - Évolution
L’espèce
Darwin et la sélection naturelle
Le gène égoïste
La théorie neutraliste
Les conditions de vie
Évolution des gènes
Les quatre forces évolutives
Chapitre 4 - L’eau, la Terre, les ères et le feu
L’eau
La Terre
La Pangée
La vie s’éclate
L’apparition des primates
L’homme se redresse
Le dernier million d’années
Néandertal et Cro-Magnon
L’homme moderne
Chapitre 5 - (Re)mettre l’homme à sa place
Les gènes
L’embryologie
L’homme est issu d’une évolution
L’évolution n’a aucun but
Adaptation et complexité
Pas meilleur, seulement différent
L’homme est un animal avant tout
Chapitre 6 - Le comportement animal
L’instinct
L’apprentissage
L’intelligence
Transmission et culture
La vie de groupe
L’agressivité
Chapitre 7 - Les spécificités humaines
Un non-spécialiste domestiqué
Et l’homme apparaît
Le cerveau
Le cortex de l’homme
Seul un cerveau humain sait
L’homme est à part, mais allez savoir pourquoi
Chapitre 8 - L’esprit humain
À quoi sert la psychologie ?
Une vieille question
Une bataille
Les stades du développement
Freud: une histoire de sexe ?
Chapitre 9 - Quelques petites histoires
Vladimir et Joseph
La Mémoire de Churchill
La Première Guerre du Golfe
Chapitre 10 - Le paradoxe
Chacun se bat pour sa pomme
Le noeud du problème
Le communisme
Comment concilier l’individu et le groupe ?
Chapitre 11 - Va savoir...
Entre savoir et pouvoir
Les fondamentaux
La vérité n’est pas absolue
La recherche scientifique
Science et société
Chapitre 12 - L’amour de la sagesse
D’où viens-je ?
Qui suis-je ?
Chapitre 13 - Et Dieu dans tout ça ?
La science use de Dieu
Dieu (ab)use des sciences
Le pourquoi et le comment
En laissant le temps au temps
Dieu n’existe pas
Le pour et le contre
Chapitre 14 - Parlons d’avenir
Notre avenir biologique
Évolution dirigée
L’homme et son intelligence
Le problème de l’instinct
Changer d’instinct
Accepter l’autre, pour qu’il nous accepte
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