Une expansion humaine sur le continent américain, il y a
32 000 ans ?
La datation d’outils de pierre dans une grotte au Mexique pourrait repousser le peuplement du continent de plus de 15 000 ans.
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L’arrivée des premiers peuplements sur le continent est estimé vers – 15 000 ans par des populations venues de Sibérie. Cette période n’est pas déterminée au hasard, c’est le seul moment où le passage « à sec » était possible entre la Sibérie et l’Alaska, par la Béringie.
Cette hypothèse est assez souvent remise en cause par la découverte de gisements américains dont la datation est (largement) postérieure à 15 000 ans. Jusqu’à présent, la datation est faite uniquement sur des artefacts et jamais sur des fossiles humains, introuvables. Les datations les plus anciennes sont souvent remises en cause. Une autre solution pour expliquer la « colonisation » du continent américain il y a plus longtemps serait le cabotages sur la côte.
Ces nouvelles études relancent la polémique sur la datation des artefacts, mais remettent également en cause leur fabrication par des hommes. Cela ne pourrait être que de simples cailloux sans intervention humaine.
A gauche, un artefact de la grotte de Chiquihuite . Photo Ciprian Ardelean |
Des outils isolés
C’est dans la grotte de Chiquihuite, qui se trouve dans les montagnes Astillero au centre du pays, à 2740 mètres d'altitude, que les fouilles ont été réalisées. Les chercheurs ont trouvé plus de 1900 outils en pierre, dont 239 étaient enchâssés dans des couches de sédiments durcies. Une datation radiocarbone de cette couche stratigraphique a indiqué une période comprise entre -25000 et -32000 ans. Aucun ossement humain n’a été exhumé dans cette grotte. L’étude publiée dans la revue Nature reprend les travaux de l’équipe d’archéologues dirigée par Ciprian Ardelean (Université autonome de Zacatecas, Mexique).
Pour Ardelean, la faible quantité d’artefacts trouvés dans la cavité laisse penser qu’elle n’a pas été occupée en permanence. La grotte a peut-être uniquement servi de refuge occasionnel lors d’épisodes particulièrement froids de la dernière période glaciaire. Le chercheur indique qu’il y a 26000 ans, il était difficile de survivre dans la région : « Il y a dû avoir de fortes tempêtes, de la grêle, de la neige, la grotte Chiquihuite a pu fournir un abri à tous les êtres humains qui devaient se protéger du blizzard ».
Pour François Lanoë, archéologue (Université de l'Arizona, Tucson), si l’étude présente de bons arguments, il émet quelques réserves. Les données de ce type de grottes sont « notoirement difficiles » à interpréter. Les outils en pierre pourraient avoir été entraînés dans des couches plus profondes par des coulées de boue, une activité géologique ou même biologique (un animal fouisseur). Autant d’événements qui laisseraient penser, à tort, que les artéfacts sont très anciens.
D'autres chercheurs remettent également en cause l'origine anthropique des outils taillés. Les archéologues Kurt Rademaket et Ben Potter font remarquer que de nombreux écalts devraient se trouver sur les bords des artefacts... et il n'en trouvent pas sur les photos communiquées dans l'étude...
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Un artefact de la grotte de Chiquihuite . Photo Ciprian Ardelean |
Plusieurs sites polémiques en faveur d’un peuplement très ancien
Une autre étude a également été publiée dans Nature par deux des co-auteurs de la première, les archéologues Thomas Higham et Lorena Becerra-Valdivia (Université d'Oxford, Royaume-Uni). Les chercheurs ont repris les études de la grotte Chiquihuite combinées avec des données de 41 autres sites archéologiques en Amérique du Nord et un autre de la Béringie. Ils ont construit un modèle statistique des premières populations humaines et ont conclu que des hommes étaient présents partout en Amérique du Nord entre -27 000 et -17 000 ans.
Si cette hypothèse se vérifiait cela indiquerait que ces premières populations n’ont pas laissé de traces dans le génome des Américains actuels. Elles auraient donc disparu sans laisser de descendance : en effet, la chronologie génétique montre que les origines des peuplements américains se trouvent en Sibérie, il y a 15 000 ans.
Le professeur Ardelean confirme
qu'il y a une raison simple pour laquelle les études génétiques suggèrent que les humains ne se sont répandus à travers les Amériques que relativement récemment : les premiers groupes tels que celui qu'il pense être présent à la grotte de Chiquihuite n'ont pas survécu pour contribuer aux pools de gènes modernes. «Je défends définitivement l'idée de groupes perdus», indique-t-il.
Le généticien David Reich (Harvard Medical School, Boston) ironise sur ces premiers hommes perdus en Amérique du Nord : «Il n'y a toujours aucune preuve génétique convaincante d'une présence humaine dans les Amériques il y a plus de 15 000 ans »
Pour trancher définitivement ces questions il faudrait impérativement retrouver des ossements de ces premiers explorateurs entre -27000 – 30 000 ans. Avec un peu de chance il serait possible d’en extraire l’ADN et de l’exploiter.
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Les anthopologues effectuant des tests ADN dans la grotte de Chiquihuite Cave, Mexico.
Photo : Mads Thomsen |
C.R.
Sources
ScienceDaily
Nature
Le Monde
ScienceAlert
Gizmodo.com
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