Little Foot avait un petit cerveau !
Ce n’est pas franchement une surprise mais les études de l’endocrâne de Little Foot montrent que la taille de son cerveau devait être proche de celui des chimpanzés actuels.
Une étude de l’endocrâne
Le squelette a été passé au scanner (Micro-CT) afin de visualiser l’intérieur du fossile. Cela a permis aux chercheurs d’extraire virtuellement son endocrâne. En scannant l’intérieur de la boîte crânienne les scientifiques font apparaître l’empreinte du cerveau qui s’y trouvait. Ils peuvent donc reconstituer la forme, la taille du cerveau, et même les vaisseaux qui le parcourent à sa surface. Cette étude a été publié dans le Journal of Human Evolution par le Dr Amélie Beaudet (Université de Witwatersrand, Johannesburg), et l’équipe de Sterkfontein.
"Notre capacité à reconstruire les caractéristiques des premiers cerveaux d'homininés a été limitée par la nature très fragmentaire des archives fossiles. L'endocrâne de Little Foot est exceptionnellement bien préservé et relativement complet : il nous permet d'explorer nos propres origines comme jamais auparavant", a déclaré Amélie Beaudet.
Un cerveau mixant des caractéristiques
Les études montrent que le cerveau de cet australopithèque était petit mais qu'il présentait des caractéristiques similaires à celles d’Homo sapiens, combinées avec certaines des chimpanzés actuels.
L’endocrâne de Little Foot a montré que son cerveau était asymétrique, avec un lobe occipital gauche différent. L'asymétrie cérébrale est essentielle pour la latéralisation de la fonction cérébrale. On retrouve cette asymétrie chez les hommes modernes et les autres grands singes (gorilles, bonobos, chimpanzés…), ainsi que chez d'autres hominidés récents. Little Foot démontre que cette asymétrie cérébrale était déjà présente il y a 3,67 millions d’années. Elle apporte également des arguments aux scientifiques qui soutiennent la théorie d’une asymétrie très ancienne et probablement déjà présente chez le dernier ancêtre commun des homininés et d’autres grands singes.
D'autres structures cérébrales, telles qu'un cortex visuel élargi, suggèrent que le cerveau de Little Foot présentait probablement des caractéristiques qui sont plus proches de notre ancêtre commun avec les chimpanzés d’aujourd’hui.
"Dans l'évolution humaine, nous savons qu'un cortex visuel réduit, comme nous pouvons le constater dans notre propre cerveau, est lié à un cortex pariétal plus étendu - qui est une zone cérébrale essentielle responsable de plusieurs aspects du traitement sensoriel et de l'intégration sensorimotrice" dit Beaudet. "Au contraire, Little Foot a un cortex visuel large, qui ressemble davantage à celui des chimpanzés qu’à celui des humains."
L'étude de Little Foot a également montré que le système vasculaire chez les australopithèques était plus complexe qu'on ne le pensait jusque-là, ce qui soulève de nouvelles questions sur le métabolisme du cerveau à cette époque. Cela pourrait être compatible avec une ancienne hypothèse suggérant que le système vasculaire endocrânien chez l'Australopithèque était plus proche de l'homme moderne que chez les paranthropes (genre chronologiquement plus récent),
"Cela voudrait dire que même si le cerveau de Little Foot était différent de nous, le système vasculaire qui permet le flux sanguin (apportant l'oxygène) et le contrôle de la température dans le cerveau - deux aspects essentiels pour développer un cerveau gros et complexe - était peut-être déjà présent à cette époque ", déclare Amélie Beaudet.
Amélie Beaudet et ses collègues ont comparé l'endocrâne de Little Foot à ceux de 10 autres hominidés sud-africains datant d'il y a trois millions et demi d'années. Leur calcul préliminaire du volume endocrânien de Little Foot s'est avéré être à l'extrémité inférieure de la plage des australopithèques, ce qui est conforme à sa datation qui le place parmi les très anciens fossiles d'australopithèques d'Afrique de l'Est.
Compte tenu de sa datation à plus de 3 millions d'années, le cerveau de Little Foot indique que les anciens ont évolué dans le temps en complexifiant certaines structures cérébrales, peut-être en réponse aux pressions environnementales croissantes subies il y a 2,6 millions d'années avec la réduction continue des habitats clos.
"De tels changements environnementaux pourraient aussi potentiellement encourager des interactions sociales plus complexes, qui sont dictées par des structures cérébrales", a déclaré Amélie Beaudet.