Evolution du cerveau humain depuis la Préhistoire
Evolution et taille du cerveau des hominidés
Comment mesurer le cerveau de l’homme moderne et de ses ancêtres ?
Mesurer les cerveaux ce n’est pas mesurer l’intelligence ! Pour évaluer et comparer un cerveau il existe plusieurs méthodes.
La première consiste à littéralement peser l’encéphale et à lui attribuer un poids en calculant la moyenne selon l’espèce. En moyenne, chez l’homme moderne, le cerveau pèse 1,4 kg. Ce poids moyen ne doit pas cacher des disparités assez importantes entre les individus et il n’est pas rare de trouver des cerveaux qui s’écartent de 300 grammes en plus ou en moins par rapport à la moyenne.
Une autre méthode consiste à mesurer le volume cérébral, c’est-à-dire l’espace occupé par notre « matière grise gélatineuse ». Avec cette technique, on obtient un volume pour l’Homme compris entre 1200 et 1500 cm3, ce qui le place en tête chez les grands singes, devant les gorilles (750 cm3), les chimpanzés (340 à 750 cm3) et les orangs-outans (275 à 500 cm3) ; on se rassure comme on peut !
Le paléoanthropologue Bruno Maureille indique « Nous sommes des primates, et les primates ont un plus gros cerveau que la plupart des autres mammifères de même taille et une puissance du système masticateur réduite. Parmi les primates, nous sommes la lignée au sein de laquelle cette coévolution gros cerveau / petit système masticateur est la plus marquée ». (4)
Dernière méthode de comparaison : on utilise le poids du cerveau par rapport au poids du corps, et là on se rend compte que « la taille corporelle joue beaucoup » sur le poids du cerveau. Chez l’Homme, le rapport est de 1/45, alors qu’il est de 1/15 chez le ousititi, 1/230 pour le gorille et 1/90 pour nos amis chimpanzés.
Taille et évolution du cerveau des hommes préhistoriques
Pour les hommes du Paléolithique, il est impossible d’utiliser les mêmes méthodes de mesure. On ne peut plus peser le cerveau ni mesurer son volume car il a disparu. Toutefois il est possible, si la boîte crânienne est bien conservée, de mesurer le volume endocrânien. Ce volume est forcément supérieur à celui du cerveau car ce dernier ne remplit pas complètement l’intérieur du crâne. Cette méthode permet toutefois de se faire une idée assez précise du volume du cerveau des hommes préhistoriques. En 7,5 millions d’années, la taille du cerveau a été multipliée par trois…
Sur l’ensemble des crânes qui ont pu être reconstitués, on peut également voir une rupture assez franche entre les australopithèques et les paranthropes d’une part, et les représentants du genre Homo d’autre part. Chez les premiers, les plus anciens hominidés, la capacité crânienne ne dépasse pas les 600 cm3. Chez les Homo, cette capacité va de 600 cm3 à 1 500 cm3. Pendant longtemps les chercheurs estimaient que ce palier des 700 cm3 expliquait le succès évolutif des espèces du genre Homo par l’acquisition de nouvelles possibilités, comme la maîtrise du feu, la fabrication d’outils… En 2008, cette hypothèse qui ne convainquait déjà plus personne a été laminée par la découverte exceptionnelle d’un petit hominidé. Il vivait sur l’île de Flores il y a 50 000 ans. Homo floresiensis avait une petite taille, un cerveau de 380 cm3 et il pouvait fabriquer des outils…
Un cerveau toujours plus gros et différent ?
Autre sujet de discussion, pour les anciens anthropologues, on assistait à une évolution linéaire du cerveau à travers les âges et les espèces : toujours plus gros (et donc, sous-entendu, toujours plus intelligent !). Si l’on compare les cerveaux des hominidés, on voit effectivement qu’il existe un mouvement général de hausse du volume, jusqu’à Néandertal, qui atteint 1520 cm3… Mais notre espèce Homo sapiens est en régression et atteint en moyenne les 1400 cm3. Qui plus est, il semble même que depuis 28 000 ans notre cerveau rétrécit encore un peu plus. C’est ce que révèle une étude (1) menée par Antoine Balzeau (CNRS/ MNHN) et Dominique Grimaud-Hervé. Ainsi, en comparant notre cerveau (104 hommes actuels) et celui de Cro-magnon (14 fossiles) il apparaît que notre cerveau s’est recroquevillé de presque 6 %…
Pour le paléoanthropologue José Braga : « Vers 1,8 million d’années il y une modification par rapport aux australopithèques et aux paranthropes : les asymétries cérébrales. Pour la première fois sur les endocrânes dont on dispose pour Homo habilis ou Homo rudolfensis, la partie gauche n’est pas le reflet exact de la partie droite. » (4). En 2018 une etude de l’endocrâne de l’australopithèque Little Foot indique que cette asymétrie cérébrale est probablement très anciennne (6).
Bref, les histoires d’homme du futur avec une grosse tête font plutôt partie de la science-fiction que du possible. D’après les études, il apparait que la taille du cerveau est surtout corrélée avec la stature de l’individu. « Certains anthropologues affirment que le corps des Néandertaliens était bien plus robuste et plus musclé que celui de l’Homme moderne, et ils suggèrent que le plus gros cerveau des Néandertaliens reflétait le fait que les gros animaux ont généralement un cerveau plus gros que les petits animaux » (3).
« L’évolution du cerveau ne s’est pas faite de façon linéaire mais par paliers, le premier étant indubitablement l’avènement de la station debout », souligne Antoine Balzeau, paléoanthropologue.
Mesurer un crâne n’est pas mesurer l’intelligence
Depuis le 19ème siècle, la société et les premiers scientifiques ont cherché à mesurer et classifier la faune et la flore qui nous entourent (Linné, Lamarck, Darwin…).
Un sujet a particulièrement passionné les scientifiques de l’époque : l’étude de la taille du cerveau humain. Le concept était relativement simple : plus le volume du cerveau est important, plus l’être est intelligent et évolué. La comparaison se voulait scientifique mais les résultats allaient généralement dans le même sens : faire apparaître le mâle blanc en haut de la pyramide de l’intelligence… devant les femmes ( !), les jaunes, les noirs et pour finir les singes.
Il faut pourtant savoir que si un scientifique ne voit que la partie cervicale de personnes de couleurs ou de sexes différents, il sera incapable de déterminer à qui appartient tel ou tel cerveau.
Par ailleurs, il apparaît que le cerveau des hommes est légèrement plus volumineux que celui des femmes : 1 290 cm3 chez l’Homme contre 1 130 cm3 chez la femme (2). En son temps, l’anatomiste Paul Broca voyait même dans les petits cerveaux féminins la preuve de leur « infériorité physique et intellectuelle ».
Toutes ces mesures n’ont pas de sens, et il est évident que la taille du cerveau n’a pas d’influence sur les capacités intellectuelles d’un individu, sauf certains cas pathologiques, comme ma microcéphalie.
Pour la biologiste Emmanuelle Pouydebat « De nombreuses études portant sur les performances animales font ainsi état d’une intelligence générale qui serait d’ailleurs liée à la taille du cerveau. Ainsi, leur grand cerveau permettrait aux humains de bénéficier de meilleures performances en termes de mémoire, d’apprentissage, de planification, etc. Mais de tels bénéfices ne sont pas suffisants pour expliquer l’évolution de l’intelligence et du cerveau. Car, a priori, la sélection naturelle ne favorise pas les excès et si une solution peu coûteuse est présente, elle a plus de probabilités d’être sélectionnée. Or l’intelligence est un trait considérablement coûteux. (5)
Enfin, il existe un célèbre contre-exemple avec le cerveau du grand Albert Einstein qui n’affichait que… 1230 grammes à la pesée…
Sources
- Homo sapiens avait un cerveau de taille plus importante il y a 30 000 ans
- Cosgrove, KP, Mazure CM, Staley JK, « Evolving knowledge of sex differences in brain structure, function, and chemistry », Biol Psychiat, vol. 62, no 8, 2007, p. 847–55
- Les néandertaliens, biologie et culture, sous la direction de Bernard Vandermeersch et Bruno Maureille
- Origines de l’humanité, José Braga, Claudine Cohen, Bruno Maureille, Nicolas Teyssansier
- L’intelligence animale, Emmanuelle Pouydebat
- Le cerveau asymétrique de Little Foot