Des outils Sapiens de 70 000 à 80 000 ans au Moyen-Orient
Les migrations de Sapiens plus vieilles que prévu ?

Des scientifiques britanniques, indiens et australiens ont trouvé des artefacts de plus de 70 000 ans, vraisemblablement de fabrication Sapiens, en Arabie et en Inde, où l'espèce est censée n'avoir mis les pieds qu'au moins 10 000 ans plus tard...

La découverte
Dans la péninsule arabique ainsi qu'en Inde, des chercheurs ont mis à jour des outils de pierre âgés de 70 000 à 80 000 ans, qu'ils attribuent à Homo sapiens. Le Dr Michael Petraglia, de l'université d'Oxford, associé pour cette recherche à des collègues indiens et australiens, a présenté sa découverte au Festival britannique de la science, qui s'est ouvert mardi 14 septembre à l'université Aston de Birmingham.

Les outils et leurs propriétaires
Ces vestiges ont pour la plupart été trouvés loin à l'intérieur des terres, parfois à des centaines de kilomètres des côtes, ce qui suggère que leurs propriétaires étaient venus par voie terrestre et non par la mer. Si les lieux de découverte sont de nos jours désertiques, ils constituaient à l'époque un habitat bien irrigué et giboyeux, propice à l'installation d'humains. Il s'agit essentiellement de pointes de lances et de grattoirs, d'une taille de quelques centimètres (10 cm au maximum). Pour les découvreurs, ce sont là des productions de l'homme moderne, bien différentes de celles de Néandertal, par exemple. Leur datation est assez claire, puisqu'ils se trouvaient dans des couches sédimentaires - sable ou matériaux volcaniques - bien documentés. Certains outils, en particulier, ont été extraits de cendres projetées jusqu'en Inde par la fameuse éruption de Toba (Sumatra), datée par les géologues à - 74 000 ans. « Je pense que de multiples populations ont émigré d'Afrique entre - 120 000 et - 70 000 ans », dit le Dr Petraglia.

Un problème : la génétique
Cette datation si solide pose problème, puisque les généticiens, eux, situent la première expansion de Sapiens hors du continent africain après cette date ! Depuis des années, en examinant des échantillons d'ADN de populations actuelles du monde entier, et en utilisant des méthodes statistiques (ce qu'ils appellent « l'horloge moléculaire »), ils font remonter les traits génétiques que nous partageons tous - ceux de l'ancêtre africain commun - à soixante petits millénaires. Pour le Pr Chris Stringer, du Muséum d'histoire naturelle de Londres, l'ADN établit donc que l'homme moderne n'a pu commencer à quitter l'Afrique pour coloniser le reste du monde qu'il y a 60 000 ans, tout au plus (le fameux « Out of Africa »). Selon lui, si ces outils montrent bien l'existence d'une population au Moyen-Orient avant cette date, elle a dû s'éteindre sans laisser de descendance, ne remettant pas en question les modalités de notre origine commune.

Les limites de la génétique
Mais pour Petraglia, qui compte bien poursuivre ses fouilles dans la ceinture arabo-asiatique, les études génétiques reposant sur les populations actuelles, non étayées par une étude complémentaire d'ADN fossiles, ne peuvent qu'être imprécises et peu fiables pour éclairer le peuplement Sapiens.

F. Belnet

Source : BBC news
Image : Oxford University