De nouvelles empreintes de pas à Laetoli
Une nouvelle série de traces de pas, attribuées à Australopithecus afarensis, a été découverte sur le site de Laetoli…
En 1976, à Laetoli, la découverte d'empreintes de pas d'hominidés par la paléontologue Mary Leakey a été un véritable événement jusqu'à leur dégagement complet en 1978. C'était la première fois que les chercheurs mettaient au jour des empreintes aussi anciennes. Les différentes méthodes de datation (stratigraphique et Potassium-Argon) ont permis d'estimer que les pas s'étaient enfoncés dans les cendres volcaniques entre 3,6 et 3,8 millions d'années en arrière. Il semble que pour être aussi bien conservées les empreintes ont dû sécher, d'après les spécialistes, en seulement quelques heures après le passage des hominidés. Ces traces ont été attribuées à trois individus de l'espèce Australopithecus afarensis : une femelle et un mâle marchant côte à côte et un enfant les accompagnant.
Photo Raffaello Pellizzon.
Plusieurs pointures de différence !
Le site de Laetoli est désormais mondialement connu et il pourrait être exploité pour le tourisme. Les autorités ont donc demandé à l'archéologie Fidelis Masao (Université de Dar es-Salaam, Tanzanie) de faire une étude d'impact sur les vestiges pour la construction d'un musée. Pour mesurer l'étendue du site, l'équipe a effectué plus de 65 sondages et fouilles.
Surprise : à 150 mètres des premières traces de 1976, l'une de ces nouvelles zones dégagées présentait des empreintes inédites. Au total, cette couche de cendre durcie était « imprimée » de 14 nouvelles empreintes. L'une d'elle appartient à un australopithèque de taille « habituelle » (S2) alors que les treize autres empreintes appartiennent à un individu (S1) de taille supérieure, « hors normes », avec un pied de 26 cm.
Pour l'anthropologue Marco Cherin (Université de Perugia, Italie), cette longueur de pied, supérieure de 3,5 cm aux anciennes traces de Laetoli permet d'estimer que son propriétaire (S1) avait « une taille de 1,65 mètre, comparable aux hommes modernes ».
Pour le paléontologue Giorgio Manzi, cette pointure fait de S1 l'australopithèque le plus grand jamais identifié.
Un australopithèque géant ?
Certainement assez poilu sur l'ensemble du corps, mesurant 1m65, chaussant du 42 et pesant approximativement 48 kg, les chercheurs ont trouvé, pour S1, le surnom de Chewie, en référence à Chewbacca, l'espèce de grand Yéti de Star War… Pour un australopithèque c'est gigantesque !
Pour expliquer cette taille, les scientifiques avancent pour l'instant l'hypothèse d'un dimorphisme sexuel accentué où les mâles sont beaucoup plus volumineux que les femelles. Les chercheurs rappellent que chez les gorilles actuels le mâle est plus imposant que les membres féminines de son « harem ». Ce type de structure familiale était peut-être également adopté par les australopithèques.
Cette relecture pourrait s'appliquer aux premières empreintes de Laetoli : ce serait alors deux femelles marchant côte à côte, et non un couple. Allant plus loin, les chercheurs italiens et tanzaniens estiment que les 2 sites (espacés de plusieurs dizaines de mètres) sont probablement liés et se sont fossilisés au même moment. Nous aurions alors, au total, une seule cellule familiale composée d'un grand mâle, accompagné de deux ou trois femelles, et d'un ou deux juvéniles.
N'ayant pas de caméra à remonter le temps il faudrait de nouveaux éléments pour confirmer que, chez les australopithèques, nous sommes face à un dimorphisme sexuel important d'une part, et que la structure familiale était centrée sur un mâle dominant d'autre part.
Et si une autre explication était possible ?
Pour l'anthropologue John Hawks, qui n'a pas participé à ces recherches, l'étude part du principe que les nouvelles empreintes appartiennent forcément à l'espèce Australopithecus afarensis. John Hawks rappelle que « la découverte d'un fossile est toujours plus importante que des statistiques pures ». Il émet des doutes sur le fait que les empreintes ont été produites par A. afarensis. La taille de 1m65 est très éloignée des représentants fossilisés de l'espèce.
Il précise que « Cette espèce a déjà eu des problèmes d'identification dans l'Hadar et à Woranso-Mille, où certains chercheurs reconnaissent maintenant que plusieurs espèces étaient présentes sur ces sites. À Laetoli, nous devrions certainement faire preuve de moins d'assurance en pensant qu'une seule espèce fossile était présente. »
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Sur son blog, John Hawks a reproduit le graphique présentant les différents fossiles d’hominidés entre -1 et -4 Ma. Les symboles géométriques (croix, triangles…) représentent des tailles de fossiles calculés sur la longueur réelle du fémur. Les « plantes de pied » en rouge sont des estimations sur la base des empreintes. |
Quoi qu'il en soit, les chercheurs ont d'ores et déjà annoncé qu'ils retournaient à Laetoli en 2017 pour chercher d'autres traces…
C.R.
Sources
NewScientist
BBC
JohnHawks
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News 20/12/16 |