Unique dans toute l'Amérique, un mammouth gravé sur un os il y a 13 000 ans
Publiée en ligne dans la revue Journal of Archaeological Science, l'étude détaillée, par des chercheurs américains, d'un os d'animal fossilisé découvert en Floride et orné - fait unique en Amérique - d'une gravure de mammouth, prouve l'existence d'une population de chasseurs sur le site d'Old Véro, il y a plus de 10 000 ans.
La découverte
En 2009, James Kennedy, un chasseur de fossiles amateur, retrouve dans une boîte contenant ses anciennes trouvailles un fragment d'os fossilisé qu'il avait découvert à Vero Beach, en Floride. Il constate, en le nettoyant, qu'il est orné d'une gravure représentant une sorte d'éléphant. Pressentant l'importance de ce spécimen, il le soumet à l'examen des scientifiques. S'agissait-il d'un faux soigneusement réalisé et vieilli par un mystificateur très ‘pointu' en art préhistorique ? Ou bien d'une pièce authentique ?
Aujourd'hui, les chercheurs de l'Université de Floride et du Muséum d'histoire naturelle du Smithsonian Institute, qui ont planché depuis sur la question, nous livrent les résultats de leur analyse. Et révèlent l'authenticité de l'objet, vieux de 13 000 ans environ : la seule et unique représentation préhistorique d'un proboscidien (le groupe zoologique auquel appartiennent mammouths, mastodontes et éléphants) jamais découverte dans les Amériques. Une pièce exceptionnelle !
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L'expertise
Se concentrant surtout sur la datation de l'os et de la gravure, l'équipe a d'abord examiné la composition élémentaire de ce fossile, la comparant à celle d'autres restes, issus du site appelé Old Vero, près duquel il avait été trouvé. Il s'agit d'un gisement où des ossements humains et ceux d'animaux de l'âge glaciaire avaient été mis au jour lors de fouilles effectuées de 1913 à 1916.
Ensuite, les examens au microscope optique et électronique n'ont montré aucune discontinuité dans la coloration entre les rainures sculptées, d'une part, et le matériau osseux environnant (la surface gravée), d'autre part. Ceci indique que ces deux types de surface ont vieilli simultanément. De plus, les bords de la sculpture sont usés et ne montrent aucun signe de façonnage récent, ni d'empreinte d'outils métalliques.
Un objet unique
Le matériau gravé est un fragment d'un os long de grand mammifère - probablement un mammouth ou un mastodonte, justement, ou peut-être un paresseux géant de l'époque. Une identification précise n'a pas été possible, à cause, notamment, de l'état de fragmentation de l'os.
Et le motif lui-même ? Le sujet gravé mesure environ 7,5 cm de long, du sommet de la tête à l'extrémité de la queue, et 4,5 cm de haut, du sommet de la tête au bas de la patte avant droite. « Le dos bas, l'épaule haute et la tête bombée indiquent que l'animal représenté est un mammouth, pas un éléphant actuel ni un mastodonte (...). Le mammouth de Vero Beach semble être un mammouth colombien, un géant de la chaude région méridionale de l'Amérique du Nord, bien connu à partir des fossiles, et qui devait avoir beaucoup moins besoin d'une épaisse toison isolante que ses cousins eurasiens, un détail qui est joliment illustré dans cette gravure », proposait dès 2010 Andrew Howley, du National Geographic, tentant d'expliquer l'aspect de l'animal représenté, différent de celui de ‘notre' mammouth laineux.
"C'est une découverte incroyablement excitante. Il y a des centaines de représentations de proboscidiens sculptés sur des os et sur les parois des grottes en Europe, mais aucune en Amérique... jusqu'à maintenant ! », déclare en tout cas Dennis Stanford, anthropologue au Smithsonian et co-auteur de l'étude, résumant ainsi l'une des principales caractéristiques de cette découverte.
Un contexte paléo-écologique confirmé
Authentifié, ce spécimen rare fournit la preuve que des populations américaines, au cours de la dernière glaciation, ont produit des images artistiques des animaux qu'ils chassaient, selon les auteurs. La gravure date d'au moins 13 000 ans BP, puisque c'est l'époque à laquelle vivaient les derniers proboscidiens de l'est de l'Amérique du Nord, susceptibles d'avoir inspiré l'artiste.
L'équipe estime avoir ainsi validé les conclusions contestées du géologue Sellards Elias Howard, qui, au début du 20ème siècle, a suggéré que des gens vivaient en Amérique du Nord et chassaient des animaux à Vero Beach au cours de la dernière glaciation. Un site prometteur, donc ? « Le mammouth de Floride est-il la partie émergée de l'iceberg ? », se demandait déjà Andrew Howley en 2010.
Collaboration interdisciplinaire
« Il y avait beaucoup de scepticisme exprimé quant à l'authenticité de l'incision sur l'os jusqu'à ce que ce dernier soit examiné de façon exhaustive par des archéologues, des paléontologues, des anthropologues légistes, des ingénieurs en science des matériaux et... des artistes. Les résultats de cette enquête constituent un excellent exemple de la valeur de la recherche interdisciplinaire et de la coopération entre les scientifiques », a déclaré Barbara Purdy, professeur émérite d'anthropologie à l'Université de Floride et auteur principal de l'étude.
On aimerait compléter cet hommage par un coup de chapeau à James Kennedy, l'amateur de fossiles, qui a eu la bonne idée de faire partager sa découverte... Un moulage de l'os sculpté fait maintenant partie d'une exposition au Muséum d'histoire naturelle de Gainesville, en Floride.
F. Belnet
Photo: Smithsonian Institute
Sources :
ScienceDaily
DailyMail
National Geographic
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