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Lettre ouverte - Thomas Johnson répond aux accusations de créationnisme (18/11/05)

Lettre ouverte
Réponse à la mise en accusation du film documentaire
Homo Sapiens, une nouvelle histoire de l'homme

Diffusé sur ARTE le 29 Octobre 2005

Un film au pilon
Par Thomas Johnson Réalisateur

Le film que j'ai réalisé, Homo Sapiens, une nouvelle histoire de l'Homme, diffusé sur Arte, fait débat. Depuis sa diffusion, c'est la confusion. Il enflamme les passions et se retrouve libellé créationniste. Il est pilonné dès sa diffusion, sur la chaîne qui l'a non seulement diffusé mais en plus coproduit ! Un véritable autodafé télévisuel : du jamais vu en France !

Le film documentaire raconte que l'East Side Story, la théorie généralement admise de l'évolution de l'homme, est remise en cause par les récentes découvertes en paléontologie : l'adaptation au changement climatique ne serait pas le seul facteur du redressement de l'homme. Il part donc sur de nouvelles pistes et découvre qu'il existe aussi une Inside story , une histoire interne qui trouve son origine au cour de nos cellules. Paléontologues, biologistes, médecins et généticiens tentent de décrire et de comprendre le phénomène et content une nouvelle histoire de l'homme.

Surprise !
ARTE fait suivre la diffusion du film d'un débat entre Pierre Henry Gouyon, présenté comme "spécialiste de la théorie de l'évolution", - Muséum d'Histoire naturelle-, et Michel Morange, biologiste historien des sciences, - Ecole Normale Supérieure-. Le débat est animé par Michel Alberganti du journal Le Monde . Un débat, annonce-t-il,  " pour compléter le film".
Ni la production du film, ni l'auteur, ni les scientifiques qui apparaissent dans le film n'ont été prévenus de l'enregistrement de ce débat. Je n'ai été informé de son contenu que la veille de sa diffusion : un vendredi soir !

Quel "débat" ! Plutôt une mise en accusation.
Sur le plateau, personne pour défendre les découvertes et hypothèses exposées. Aucune contre partie. Aucune discussion. Le film est passé au pilori, et Anne Dambricourt, paléontologue du CNRS, qui expose ses découvertes dans le film, accusée de falsifier ses données.
Sous la bienveillance du grand animateur, les deux invités accusent tour à tour le documentaire d'avoir trompé les téléspectateurs. D'un commun accord, ils expliquent que le film ne relève pas de la science mais de la "science fiction". Après quinze minutes d'argumentations, ils affirment qu'il ne contient aucune, je cite, justification scientifique à l'hypothèse exposée. Ils considèrent que son but est non pas d'informer sur une nouvelle histoire de l'homme mais de démontrer l'existence d'une puissance divine. Sa stratégie : nier les découvertes de Charles Darwin afin de faire la promotion des idées du créationnisme américain et de l'intelligent design .
Je n'ai pas apprécié les interventions qui ont suivi le film, écrit avec toute sa réserve, Jean-Louis Heim, Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle, département de Préhistoire, dans un courrier qu'il m'envoie après la diffusion : non pas tant pour leur caractère arbitraire, de toute façon hostile à priori pour des raisons qui sont censées échapper à mon jugement, mais parce qu'un véritable débat scientifique n'a même pas été présenté. 

Et c'est bien là le problème ! Deux jours plus tard, la presse écrite s'enflamme et reprend en choeur le contenu du faux débat.
Le Monde du 30 Octobre 2005 publie un article qui titre Un film soupçonné de néo-créationnisme fait débat, qui se termine par une citation diffamatoire et tout à fait gratuite d'André Langaney, Professeur au Musée de l'Homme. Il affirme que les découvertes d'Anne Dambricourt relèvent de la falsification .
Une semaine plus tard, le journal Libération dans son édition du 5 et du 6 novembre, titre à son tour Et Dieu ramena sa science sur Arte, un article qui va plus loin encore. Il assène avec certitude et sans détours : la chaîne a diffusé un documentaire créationniste sur les origines de l'homme.
Au téléphone, les journalistes m'interrogent. Ils me posent, parfois en s'excusant, la question clef : êtes-vous créationniste  ?
Ils me soupçonnent de faire partie d'un complot : un agent du créationnisme américain, infiltré en France pour propager la propagande anti-darwinienne du Bush.

Je leur réponds que je m'appelle certes Thomas Johnson, mais non je ne suis pas américain. Ni créationniste. Ni anti-darwinien ! Que Charles Darwin est pour moi un homme et un scientifique exceptionnel dont les découvertes ont bien évidemment toute leur place dans l'enseignement. Que la campagne menée contre Darwin par les créationnistes américains est une dangereuse et irresponsable. Que je ne suis ni un politicien, ni un idéologue, ni un militant. Je ne suis qu'un simple réalisateur français.

Play Film qui a produit le documentaire, n'est pas non plus, malgré son nom, une entreprise américaine, mais une maison de production française, fondée il y a dix ans à Paris, par Mahmoud Chokrollahi, un français, d'origine iranienne. Hind Saïh qui a produit le film, est elle d'origine marocaine. Discovery Channel , qui a également coproduit ce film avec Arte, n'est pas une chaîne de propagande de l'idéologie bushienne, et Maurice Paleau, leur producteur, est français.
Il s'agit donc d'un film indépendant, qui n'a été, en aucune manière, financé par je ne sais quelle secte ou groupuscule, ni soutenu, ni promu par le Vatican, ni par les sbires intégristes de bush ou les adeptes et idéologues de l'Intelligent Design. Il a été fait comme tant de films documentaires français, de manière tout à fait classique, et ma fois chiche, financé par ses coproducteurs - Arte, Discovery - et par le CNC , n'en déplaise à ses détracteurs, en tant que documentaire scientifique.

Alors que s'est-il passé ? Comment est-on arrivé à une mise en accusation si violente et aux relents inquisitoires ?
Quelques jours avant la diffusion du film, Arte recevait une pluie d'emails, émanant d'une trentaine de chercheurs et de doctorants, principalement du CNRS. Ils n'ont pas vu le film mais tous réclament sa déprogrammation car, affirment-ils, il a été commandité par une mystérieuse organisation secrète qui fait la promotion des thèses néo-créationnistes, et dont font partie deux des chercheurs qui apparaissent dans le film : la paléontologue Anne Dambricourt-Malassé et le biologiste Jean Chaline.

Pour Guillaume Lecointre, chercheur au Muséum d'Histoire Naturelle et chroniqueur scientifique à Charlie Hebdo, c'est l'IUP, Université Internationale de Paris « qui est derrière ». Ce sont ses termes !  

Connu des milieux scientifiques pour son combat scientiste, il a orchestré une véritable campagne de dénigrement auprès de la direction d'ARTE.

Fer de lance de sa stratégie de déprogrammation : un mail envoyé dans tout le pays, à ses amis journalistes et scientifiques, défenseurs des « matérialismes » (Titre d'un de ses ouvrages : Les matérialismes et leurs détracteurs  - Syllepse). Le 24 octobre 2005, soit quelques jours avant la date prévue de diffusion du film, ils recevaient ses consignes. En voici quelques extraits significatifs :

La chaîne n'a pas voulu mentionner l'IUP qui est derrière, mais il s'agit bien d'une promotion de leurs thèses. Envoyez un message à la chaîne aux adresses suivantes. Informez-les sur l'UIP, sans parler de créationnisme. Beaucoup d'appels indépendants auront plus de poids. Faites attention a qui vous envoyez ce message : des envois tout azimut peuvent limiter le succès de l'opération et gommer l'indépendance apparente des appels. En procédant de la sorte nous avions déjà réussi à faire annuler une table ronde organisée par l'UIP à Grenoble. Cordialement à tous. Pr. Guillaume Lecointre.

La stratégie de Lecointre s'avère efficace. La responsable de l'unité, "ébranlée", veut déprogrammer. Le directeur général chargé des programmes d'Arte, refuse. Ils trouvent un compromis. Ils organisent dans la précipitation et l'affolement, le faux débat. Son rôle : désengager la chaîne du contenu du film !

N'est-on pas face à une entrave à la liberté de presse et de l'information, dans un domaine où, au contraire, le terrorisme intellectuel et le « scientifiquement correct » ne devraient pas avoir droit de cité ?

Nous avons travaillé plus de deux ans avec les responsables de Arte. Nous avons vécu ensemble la mise en place et l'écriture du scénario, une douzaine de visionnages au cours du montage. Nous avons discuté pendant des heures. Nous étions tous très conscients de l'aspect polémique du film et de la découverte exposée, et je n'ai cessé d'en informer tous les partenaires. Le film terminé, Arte choisit le titre : Homo sapiens,  une nouvelle histoire de l'homme et décide d'en faire un des films porteurs de la rentrée. Tout ce travail pour finalement tout renier, en quelques jours. Quelle déception !

Deux ans de travail, neutralisés, anéantis, car ce film est non pas le fruit d'un complot mais d'une longue démarche intellectuelle, d'une recherche filmique que je mène depuis six ans.

En 1998, en réalisant La leçon des grands singes, un documentaire pour l'émission Envoyé Spécial de France 2, je rencontre la paléontologue du CNRS, Anne Dambricourt-Malassé. Dans le montage final de ce film, je n'ai gardé d'elle qu'une seule phrase de son interview : Nous sommes les grands singes de ceux qui nous succèderont. Une phrase courte mais suffisamment forte et énigmatique, pour me pousser à retourner la voir afin de tenter de comprendre ses découvertes.

Je n'ai pas rencontré une illuminée mais une scientifique, reconnue par ses pairs et s'interrogeant sans cesse sur la validité de ses découvertes et de son travail sur le processus d'hominisation. Lors de nos rencontres, il n'a jamais été question ni de finalisme, ni de religion ou de croyance en Dieu.

Lorsque je poursuis mes recherches et rencontre d'autres chercheurs en paléontologie comme en génétique, en biologie et en médecine, ils confirment la valeur, la justesse et l'aspect innovant de ses découvertes.

Toutes les découvertes d'Anne Dambricourt dont je parle dans le film, sont décrites dans sa thèse, Ontogenèse et Phylogenèse du corps mandibulaire catarhinien : nouvelle interprétation de la mécanique humanisante (Thèse de foetalisation, Bolk 1925), soutenue au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris le 16-12-87, reçu avec mention très honorable et félicitations du jury. Un pavé certes, mais particulièrement instructif.

Un mois plus tard ses résultats sont présentés à l'Académie des Sciences par le professeur Jean Piveteau, membre de l'Académie, seule autorité en paléontologie humaine à y siéger. Elle publie un premier article à l'Académie : Hominisation et foetalisation. En 1993, elle publie à l'étranger, dans la prestigieuse revue Quaternary International : Continuity and Discountinuity in Homonisation. En 2005, elle est de nouveau publiée par l'Académie des Sciences : Is the climate the driving force behind evolution (Palévol).

Le soutien et la reconnaissance scientifique de ses travaux sont impressionnants.

Yves Coppens, professeur au collège de France a toujours défendu et soutenu la valeur scientifique des recherches d'Anne Dambricourt-Malassé (rapport pour le CNRS, annales du Collège de France - 1996) tout en affirmant ne pas être en accord avec elle, sur certains points :
Madame Dambricourt-Malassé a en effet une pensée et une oeuvre. Ce programme a évidemment l'extrême mérite de proposer quelques prometteuses directions de recherches sur la mécanique de l'évolution ; on sait en effet depuis deux cents ans que les êtres vivants se transforment dans certaines circonstances et dans certains sens mais on ne sait pas très bien comment. Ce phénomène n'est bien sûr observable que dans la grande durée mais il traduit une logique d'une stabilité étonnante, un temps irréversible, écrit Anne Dambricourt-Malassé, qui mémorise ! Je ne suis pas éloigné de sa pensée. Le sens (dans tous les sens du terme) de l'histoire de la matière inerte, vivante, pensante, dans sa course à la complexité, est un constat troublant.
Extrait du rapport annuel des cours donnés au collège de France par Yves Coppens et publié dans les annales du collège 1996

Le Professeur Renée Thom, grand mathématicien, mondialement connu, médaille Fields (le Nobel des mathématiciens) a rencontré Anne Dambricourt à plusieurs reprises avant sa mort. Il écrit :
Je ne crois pas dans ma carrière avoir rencontré un biologiste ayant un sentiment aussi fin et aussi précis des contraintes d'équilibration globale de l'être vivant. Il faut lui être reconnaissant d'avoir à nouveau attiré l'attention sur la vieille loi de récapitulation (la loi biogénétique de Haeckel). A l'heure où de nombreux biologistes (parmi les plus autorisés, comme S.J. Gould ) prennent leur plume pour soutenir que cette loi est fausse, elle pourrait leur rappeler qu'une loi biologique est comme une règle grammaticale : elle tolère des exceptions, mais, en général, elle est vraie.
Extrait de l'expertise de Renée Thom, pour le CNRS, dans le cadre de la titularisation de Anne Dambricourt en tant que chargé de recherche au CNRS, 1992

Le Professeur Henry de Lumley, professeur honoraire au Muséum National d'Histoire Naturelle et Directeur de l'Institut de Paléontologie humaine écrit :
" Anne Dambricourt-Malasse a abordé avec une optique moderne et interdisciplinaire le processus de l'hominisation en prenant en compte, les comparaisons des relations cranio-faciales, au cours du développement de l'Homo sapiens et des grands singes. Les résultats de ses recherches apporteront certainement des données nouvelle et originales sur le processus de l'hominisation Rigueur dans la méthode, originalité dans la conception, sont les deux caractéristiques de ce chercheur. Sa présence est tout a fait bénéfique pour stimuler l'ensemble de la collectivité scientifique que nous formons et pour donner à la Paléontologie Humaine une nouvelle ouverture. »
Extrait d'un rapport adressé au CNRS en 1989

Le Professeur Philipp V. Tobias, directeur de l'unité de Paléoanthropologie de l'Université de Johannesburg co-découvreur de l'Homo habilis, une des plus grandes figures de la paléoanthropologie moderne, écrit au sujet d'Anne Dambricourt :
« She has made liberal use of ontogenetic developmental principals and I believe this is terribly important, at a time when very few people are pursuing such an approach. The way in which gene mutations alter the rates of developmental processes provides a valid biological support base for the approach of Dambricourt-Malassé. The work of Dambricourt-Malassé is a healthy corrective and I believe her work should be given every encouragement. Its scientific rigour is not in doubt.  I have great admiration for what you are doing and feel that the ontogenetic approach to morphology and phylogeny is the utmost importance, as exemplified by my use of it in my own researches, by the work of Stephen Hay Gould etc.
Extrait du rapport de Phillip Tobias, adressé au CNRS, dans le cadre de la titularisation d'Anne Dambricourt-Malassé

Ce sont ces publications et ces textes de soutien de ses éminents confrères et de recherche qui m'ont persuadé de faire le film. Ce sont ces mêmes textes que nous avons transmis aux diffuseurs et coproducteurs. Ils ont persuadé Arte et Discovery de se lancer dans l'aventure, raconter une nouvelle Histoire de l'Homme . Je dis bien « UNE nouvelle histoire » et non pas « LA nouvelle histoire», comme il a été écrit dans l'article lapidaire publié par l'hebdomadaire Les Inrockuptibles - N°517, du 26 Octobre 2005- . La nuance est de taille.

Pendant ces années de travail, j'étais conscient de la polémique que suscitent ces découvertes. J'ai entendu les critiques, les accusations, mais je n'ai ni vu, ni lu, de contestation remettant en cause le sérieux des découvertes scientifiques que je présente dans ce film. Bien au contraire : elles étaient citées dans de nombreuses études de médecins, biologistes, généticiens, et aussi de penseur comme Edgar Morin - L'identité Humaine .

Certains ( Libération ) reprochent au film de n'avoir pas présenté les thèses adverses et exposé la polémique. Il aurait été effectivement tout à fait possible de le faire. Le sujet a plus d'une fois été discuté et débattu en réunion, avec les responsables d'Arte comme de Discovery. Les deux chaînes ont exprimé le souhait de diffuser un film qui raconte une nouvelle histoire de l'homme, en allant aussi loin que possible. Cela ne m'a d'ailleurs, pas empêché de parler aussi, certes succinctement, de la polémique.

On me reproche aussi ( Libération ), de n'avoir pas mentionné qu'Anne Dambricourt Malassé est secrétaire générale de la Fondation Teillhard de Chardin. Que d'hypocrisie ! Un : la fondation Teillhard de Chardin n'a rien à voir avec le film et les découvertes scientifiques que l'on raconte. Deux : la fondation est installée dans les locaux du Muséum, chargée de préserver le patrimoine scientifique du géologue paléontologue, Teillhard de Chardin. Trois : un membre d'honneur du comité d'administration de la fondation n'est autre que Yves Coppens, après avoir été membre du dit comité pendant de nombreuses années : un fait que je n'ai jamais vu mentionné dans un film de ou sur lui.

Les théories du complot sont à la mode, ( Le Monde 2, du 5 au 11 novembre), mais à force de diaboliser, n'est-on pas en train de faire naître de nouveaux tabous, de peur de désinformer n'est-on pas en train de tuer tout débat.
Comment l'adaptation à l'environnement peut-elle expliquer à elle seule les macroévolutions -et non les microévolutions, comme il est écrit dans l'article du Monde me citant -, les grandes étapes de notre évolution ? Tel est le problème que les scientifiques posent dans le film, sans apporter de réponse. Certains scientifiques émettent l'hypothèse d'une Inside story. Or l'existence d'une Inside Story n'implique en rien d'après ces mêmes scientifiques la croyance en une puissance divine. Aucun des scientifiques interviewés dans le film, que cela soit, Anne Dambricourt-Malassé, le Dr. Marie Josèphe Deshayes, le biologiste Jean Chaline, le généticien Denis Duboule, le Pr. Phillip Tobias, le Pr Wu Xhin Zi de Pékin, ne réfutent Darwin. Bien au contraire. Cela ne les empêche pas de s'interroger sur la nature de l'«  inside story  » et de tenter de la comprendre

Non, ce film n'est pas une tentative de ma part de démontrer l'existence de Dieu, mais effectivement une volonté non dissimulée de permettre à la polémique sur nos origines et notre évolution de s'exprimer, une polémique dont j'ai été le témoin pendant toute la réalisation de ce film et que j'entendais dans les couloirs du CNRS et des Académies. Le film a au moins le mérite de l'avoir rendue public.

Voltaire écrivait, «  je défendrai mes opinions jusqu'à ma mort, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez défendre les vôtres ». Une devise que les pseudos défenseurs des idées du siècle des Lumières se doivent aussi de faire leurs. Alors place au débat, au vrai débat.

Car, comme dit Phillip Tobias du haut de ses 93 ans et de son demi-siècle de recherche en paléontologie, « We are back to square one » .

Nous sommes de retour à la case départ : depuis la remise en cause de l'Est side Story, comment comprendre les origines de l'homme ? Comment expliquer les macro évolutions ? Que nous apprennent la génétique et les nouvelles découvertes en paléontologie, de nos origines et de notre évolution ? Quel est cette inside story dont nous parlent les scientifiques? Vers quoi évoluons-nous ?

Des questions autrement plus intéressantes que de brûler un film sur la place publique.

Thomas Johnson



Annexe

La lettre que j'ai reçue de Jean Louis Heim, Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, le Directeur de thèse de Anne Dambricourt-Malassé. Il pose en des termes clairs, précis et concis, la nature du vrai débat.

Cher Monsieur Johnson,
Le film que vous avez réalisé m'a sincèrement séduit, d'une part pour sa qualité technique et pédagogique qui me semble accessible à un public instruit certes mais pas nécessairement spécialiste, d'autre part pour l'argumentation scientifique qu'il exprime d'une façon claire et particulièrement démonstrative. L'argumentation des collaborateurs scientifiques à ce film rejoint parfaitement des idées que j'enseigne depuis longtemps déjà et qui me semblent une évidence lorsque l'on comprend mieux aujourd'hui le sens de l'évolution humaine et de l'influence qu'exercent sur elle l'action des gènes, le rôle de l'embryogenèse et l'action plus que probable du facteur endocrinien. Ce dernier, qui intervient peut-être d'une façon trop discrète dans votre film, vient de toute évidence à l'appui de la thèse que défendent Mmes Dambricourt et Deshayes qui ont abouti à leurs déductions à la suite de recherches approfondies sur la structure de la base du crâne et sur la pratique en matière d'orthodontie sur des témoins vivants et modifiables. La démonstration de Jean Chaline sur le déclenchement de la métamorphose de l'axolotl en amblystome par une administration hormonale résume parfaitement le rôle du système endocrinien. La flexion cérébrale au cours de la vie embryonnaire et la mise en place de l'encéphale est une conséquence logique de l'interaction des modifications de forme des organes au cours de l'ontogenèse. Je n'ai pas apprécié les interventions qui ont suivi le film non pas tant pour leur caractère arbitraire, de toute évidence hostile a priori pour des raisons qui sont censées échapper à mon jugement, mais parce qu'un véritable débat scientifique n'a pas même été présenté. Un vrai débat aurait du porter sur une question essentielle ; la bipédie qui caractérise notre espèce a t'elle précédé les modifications dont nous avons fait l'objet, c'est-à-dire les variations du milieu sont elles suffisantes pour expliquer de telles transformations ? Les travaux actuellement présentés (thèse de Nicolas Buchet, mon élève) ont montré, le rôle négligeable ou tout au moins discret du milieu dans les problèmes d'adaptation du squelette et du crâne en particulier. L'intervention de Tobias va parfaitement dans ce sens. Ou bien si l'évolution de notre espèce passe par des étapes qui se caractérisent par des stades d'évolution telles que les fossiles nous le montrent, et cela tout paléoanthropologue en est parfaitement conscient, on est en droit de reconnaître que la forme humaine de l'Homo sapiens ne s'acquière pas d'un seul coup et doit au préalable franchir les étapes précédentes. Encore faut-il l'avoir assimilé, ce qui n'est pas toujours le cas de certains biologistes qui n'ont peut-être jamais eu à leur disposition tout le matériel fossile nécessaire. Anne Dambricourt l'a eu et c'est de toute évidence et en toute connaissance de cause qu'elle peut avancer ses constatations. Un autre thème que le "débat" aurait dû faire apparaître est l'allongement graduel de la durée de l'enfance depuis les Primates jusqu'à l'Homme et encore plus jusqu'aux sapiens. Là encore toute l'évolution du genre Homo montre un retard progressif de la croissance et de la maturation du squelette, ce qui laisse au sapiens tout le temps nécessaire pour augmenter le nombre des neurones, des synapses et allonger les acquis socioculturels dont le contact entre le stade de l'enfance et celui de l'adulte ont apporté à l'individu l'apprentissage dont Homo sapiens a pu tirer parti. C'est bien de "l'inside story" qui transparaît par là, n'est ce pas ?

Voici quelques réflexions que votre film a suscitées chez moi. Il y aurait encore beaucoup à dire mais croyez que je vous félicite sincèrement pour avoir su vous entourer de personnalités scientifiques de haut niveau et qui nous ont montré que notre science évolue et que les idées que nous pouvons avoir reçu par le passé sont susceptibles de laisser place à des approches nouvelles résultant de recherches et de réflexions nouvelles. Expliquer tout par le hasard ? C'est une manière un peu trop hâtive pour cacher notre ignorance. Heureusement que cette ignorance peut aboutir dans bien des cas à répondre à une question.

Jean-Louis Heim
Professeur au Muséum, Département de Préhistoire
Professeur à l'Institut de Paléontologie Humaine
Lauréat de l'Académie des Sciences


 


 


News 18/11/05
Préalable
La diffusion du documentaire Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme a provoqué une polémique dans la presse.
Les médias ont principalement donné la parole aux accusateurs.
Dans un soucis de pluralité il a paru évident de donner également la parole au réalisateur du documentaire.

Sur Hominides
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