Mais à quoi peut donc servir une étude sur les graffitis relativement récents dans une grotte du paléolithique ?

Lors de notre visite dans la grotte Margot nous avons eu la chance de rencontrer le paléographe Jean-René Ladurée (photo ci-contre). Celui-ci répertorie et étudie les inscriptions, dates, dessins et autographes divers qui parsèment la grotte préhistorique. Ce travail lui a été confié par Romain Pigeaud qui travaille, lui, sur des représentations datant de 29 000 ans dans la même grotte.

Il peut paraître étrange d'étudier des graffitis récents qui parfois recouvrent des gravures beaucoup plus anciennes. Mais l'intérêt scientifique d'une telle étude est double. Il existe un intérêt sociologique et chronologique sur la fréquentation "récente" de la grotte. Il y a également, dans le cas de Margot, un intérêt archéologique car le positionnement des différents graffitis a permis de trouver les gravures préhistoriques...

La fréquentation de la grotte Margot depuis 1701...
Pour l'instant l'étude des graffitis de la grotte margot a permis de dénombrer plus de 120 inscriptions. Jean-René Ladurée estime le nombre total de graffitis à plusieurs milliers. Il est vrai que les visites (organisées ou personnelles) de la grotte ont été très nombreuses et remontent à longtemps.
Si le premier graffiti de Margot est daté de 1710, les études montrent que la fréquentation de la grotte a enregistré des fluctuations importantes. Le chercheur a déjà mis en évidence trois périodes où le nombre de visiteurs est supérieure à la moyenne.

1820-1830
La grotte de Margot profite alors de sa proximité avec le site de Saint-Cénéré. Ce dernier fait à l'époque l'objet de pélerinages organisés. Les pélerins, qui venaient parfois de loin, sont également attirés par l'aspect "magique" de la Grotte Margot et de sa "sorcière"...

1860-1880
Autre pic de fréquentation dû, cette fois-ci, à l'intérêt ou à la curiosité pour les grottes qui se développe en France mais aussi en Europe. Il est alors de bon ton de visiter des grottes d'un point de vue naturaliste. Profitant de cette attente de la population, des visites payantes de la grotte sont mises en place dès 1861 !

1920-1950
Pour faciliter les visites, un réseau électrique est installé dans la Grotte Margot. Il permet d'acceuillir plus facilement tous les visiteurs. La deuxième guerre mondiale va internationaliser la cavité car on retrouve les traces de visiteurs allemands ou américains.
Ci-contre une photographie du propriétaire de la grotte et des guides qui organisaient les visites vers 1920.

Les graffitis permettent d'en savoir plus sur l'origine ou les motivations des visiteurs
Suivant le type de graffiti (signature, date, dessin, caricature, signe ou message), le paléographe peut déterminer le profil du "taggeur" ! C'est l'une des parties les plus passionnantes qui oblige le chercheur à sortir de la grotte pour confirmer ou trouver des informations sur l'auteur des graffitis.
La typographie utilisée, la manière de former les lettres ou les chiffre,s permettent parfois de préciser la date du graffiti.
Un simple nom ou prénom gravé n'a que peu de chance d'être attribué car les éléments de recoupement sont faibles, mais parfois une particularité permet d'aller plus loin.

C'est le cas d'un certain Duss venu visiter la grotte en 1830 qui a laissé un autographe dans une partie peu accessible de la grotte. Son nom que l'on ne retrouve qu'en Alsace-Lorraine montre que c'était un voyageur motivé qui a su s'équiper pour aller au fond de la cavité.

Quelques relevés de graffitis dans la Grotte Margot

Relevé du "gendarme"	Le graffiti sur la paroi Photo copyright Hervé Patier

Une caricature présente un portrait humain qui fait d'abord penser à un gendarme du siècle dernier. Une étude plus approfondie a permis d'y retrouver le portrait de l'un des guides (Frédéric Frétard ?) qui faisait visiter la grotte dans les années 1870. Un visiteur de l'époque a donc du caricaturer son guide en quelques coups de crayons...

Le dessin d'une croix gammée a pu étonner dans un premier temps, mais ce sont en fait des soldats allemands qui "marquaient" la grotte pour faire peur à d'éventuels résistants qui auraient voulu s'y abriter...

Une aide précieuse pour trouver les représentations préhistoriques...
Le relevé des différents graffitis "modernes" a permis à Jean-René Laurée de déterminer que le sol préhistorique était beaucoup plus haut que le sol actuel. Suivant les galeries de la grotte le niveau paléolithique se trouvait entre 0.80 et 1 mètre au-dessus du sol où vous marchez en 2008.
Les archives et documents historiques ont permis de confirmer que des travaux d'aménagement ont été réalisés à la fin du 19ème siècle pour faciliter la visite de la grotte. Le sol de la grotte a été creusé et déblayé afin d'augmenter la hauteur de plafond.
Les précédents archéologues ou préhistoriens qui avaient étudié sans résultat la grotte Margot ne cherchaient pas au bon endroit : les gravures préhistoriques étaient placées 1 mètre plus haut...
L'étude de Jean-René Ladurée a donc permis aux équipes de Romain Pigeaud de chercher et de trouver de nombreuses gravures du paléolithique dans la Grotte Margot mais aussi quelques traces humaines comme un pouce ou une main positive...


Dans le cadre de son étude Jean-René Ladurée va publier un article dans un prochain numéro du Bulletin Préhistorique Français.