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Une espèce humaine (Homo) il y a 2,6 millions d'annéées en Inde - Communiqué - 07/02/16

Découverte d'activités humaines il y a 2,6 millions d'années dans les piémonts himalayens du nord-ouest de l'Inde (Pandjab)



Une présence humaine en Inde prouvée par les traces de découpe sur l-des ossements


Une équipe du Département de Préhistoire du Muséum national d'Histoire naturelle (UMR 7194 CNRS-MNHN) et la « Society for Archaeological and Anthropological Research » de Chandigarh (Territoire de l'Union indienne), ont mis en évidence dans les piémonts himalayens du nord-ouest de l'Inde, les témoins d'une activité typique du genre Homo datant de la fin du Tertiaire.

Les Comptes Rendus Palevol de l'Académie des Sciences consacrent un fascicule en anglais à la découverte et à ses implications scientifiques replaçant le contexte historique depuis les années 1930, lorsque le haut bassin de l'Indus était perçu comme le berceau des origines de l'Homme.

A gauche : fFragment de diaphyse de bovidé (boeuf) de Masol 1 avec des traces de découpes (cadres blancs), (© photo Dambricourt Malassé).


Traces de découpe il y a 2,6 ma en IndeUne équipe du Département de Préhistoire du Muséum national d'Histoire naturelle (UMR 7194 CNRS-MNHN) et la « Society for Archaeological and Anthropological Research » de Chandigarh (Territoire de l'Union indienne), ont mis en évidence dans les piémonts himalayens du nord-ouest de l'Inde, les témoins d'une activité typique du genre Homo datant de la fin du Tertiaire (2,6 millions d'années (Ma)). Cette découverte est le fruit de plusieurs années de prospection dans les Siwaliks et remonte au printemps 2009 au lieu-dit Masol connu depuis le début du XXème siècle pour sa faune fossile. Ces témoignages correspondent à des traces de découpes faites par des tranchants de pierre en quartzite encore visibles sur des fossiles de bovidés mêlés à des outils lithiques. L'ordonnancement des traces atteste d'une intelligence technique hautement réfléchie attribuée ordinairement au genre Homo, connue jusqu'à présent en Afrique de l'Est à 2,55 Ma (Kada Gona, Ethiopie), soit au tout début du Quaternaire.
A droite : fragment de diaphyse - agrandissement de traces (A4, A6, A7) (© photo Dambricourt Malassé).

Les Comptes Rendus Palevol de l'Académie des Sciences consacrent onze articles en anglais à la découverte et à ses implications scientifiques [1 à 11], replaçant le contexte historique depuis les années 1930 lorsque le haut bassin de l'Indus était perçu comme le berceau des origines de l'Homme. Plusieurs espèces de grands singes (Sivapithecus) vivaient vers 7 Ma dans ces régions. Leurs fossiles se retrouvent dans les contreforts de l'Himalaya, à 80 km au Nord Est de Masol. Au-delà de 8 Ma les couches paléontologiques se raréfient sans doute en raison de la forte compression des couches et ne réapparaissent pas avant la fin du Tertiaire.

De nouvelles questions : qui sont les hominidés de Masol ? D'où viennent-ils ?
Le modèle du peuplement humain de l'Asie a changé au cours des années 1980, avec la découverte d'une nouvelle espèce d'Australopithèque datée de 3,2 Ma en Ethiopie. Le genre Homo serait apparu plus tard et une espèce aurait migré en Asie vers 1,9 Ma. Depuis, les premières traces de boucherie confirmées ont été découvertes en Ethiopie, datées de 3,4 Ma [12], elles sont plus simples et attribuées à l'Australopithèque de l'Afar (« Lucy »), tandis que les plus vieux outils lithiques de 3,3 Ma (Lomekwi 3, Kenya) sont rapportés à une espèce voisine [13]. La découverte de Masol repousse donc à 3 Ma au moins, l'émergence d'un hominien contemporain des Australopithèques et proche d'Homo par ses aptitudes psychomotrices.
Elle soulève trois questions :
1) de quel ancêtre et quand Homo a-t-il émergé ?
2) une sortie d'Afrique avant 2,6 Ma était-elle nécessaire puisque la question ne se posait pas pour les autres espèces de Masol ?
3) un second foyer d'hominisation est-il concevable en Asie ?

Le site de Masol et son étude
Localisation MasolLocalisation de Masol dans les piémonts himalayens (Siwalik Frontal Range) avec la Sutlej provenant du plateau tibétain, et les contreforts himalayens, où sont conservés des fossiles de grands singes du Miocène (Indopithecus, Sivapithecus) ; le log stratigraphique montre la congruité des couches paléontologiques et des outils en quartzite des localités M1 à M13 (A et C © données de carte Google Earth).

A Masol, les couches sont plissées par la tectonique et forment un dôme. Les couches paléontologiques s'observent sur une cinquantaine de mètres d'épaisseur, 40 mètres en dessous de l'inversion des pôles magnétiques Gauss-Matuyama qui marque la limite tertiaire-quaternaire datée de 2,58 Ma. Les traces de boucherie apparaissent dès la base de la séquence fossilifère, soit une centaine de mètres en dessous de cette limite.

1500 fossiles composés majoritairement d'herbivores, et plus de 200 outils en quartzite ont été récoltés sur 50 hectares en une douzaine de localités. Les premières études sur la vitesse d'érosion montrent que l'exhumation des couches les plus profondes est récente. La plupart des galets taillés ont été collectés dans les mêmes conditions que les fossiles, c'est-à-dire dans les démantèlements récents des couches paléontologiques. Aucun outil n'a été ramassé dans les formations stériles, tous proviennent de la zone fossilifère, ce sont en majorité des choppers simples et des éclats non retouchés. Des sondages ont permis d'identifier les falaises méritant de grands chantiers de fouilles afin de vérifier la présence d'outils dans les sédiments en place.

Masol
La localité Masol 2 avec la répartition des fossiles et des artéfacts selon le pendage de limons entre deux couches de sable (C et F) au pied d'une falaise en cours d'érosion. Choppers : 1, 3, 4, 6, éclats : 2, 5 ; pointillés : pendage des limons entre les couches C et F ; ¤ : artefacts en quartzite ; ‡ : amas de galets de quartzite ; * omoplate et défense de Proboscidien (éléphant) ; ** os longs de Proboscidien ; *** maxillaire d'Hexaprotodon (hippopotame) ; **** esquille de défense ; Trench : sondage (© photos Dambricourt Malassé)

Les traces de boucherie s'observent en trois localités, sur au moins trois fossiles collectés parmi d'autres os avec une fossilisation conforme à la nature minéralogique des sédiments: un fragment de tibia et un métapode brisé (os du pied) de bovidé et une grande esquille. Les traces ont été observées au microscanner de la plateforme AST-RX du Muséum, ainsi qu'au microscope numérique 3D au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France; les résultats restituent des gestes de découpes de tendons ainsi que des coups portés sur les os pour en consommer la moelle.

La faune est particulièrement riche en espèces de vertébrés aquatiques et terrestres : des tortues, quelques crocodiles, de nombreux hippopotames, des tortues terrestres géantes (Colossochelys), de rares carnivores avec la hyène et la panthère; un mammifère proche de l'hippopotame adapté à des sols boueux mous (Merycopotamus), des mammifères de très grande taille comme le Stegodon et l'Elephas (éléphants), le Sivatherium (girafe), des chevaux (Hipparion, Equus), des chameaux, de nombreuses espèces de bovidés, des cerfs, des sangliers, des petits chevrotains. L'accumulation d'une aussi grande diversité d'espèces toute taille confondue, s'explique par les inondations de rivières débouchant dans la plaine depuis l'Himalaya, telle que la Sutlej actuelle en période de mousson. Des galets en quartzite accumulés à proximité des fossiles provenaient des terrasses himalayennes et constituaient la matière première nécessaire à la découpe des charognes.

Les hominidés de Masol n'étaient pas seuls à vivre en Asie du Sud avant à 1,8 Ma. Dans la grotte de Longguppo en Chine du Sud située à 3150 km à l'est de Masol et à la même latitude, des traces de boucherie, de l'industrie lithique et un fragment de mandibule compatible avec une anatomie humaine, ont été datés à 2,48 Ma par les géochronologues de l'UMR 7194 [14].

Organisation de la recherche
Les recherches se sont déroulées en partenariat avec la 'Society for Archaeological and Anthropological Research' présidée par le Dr. Mukesh Singh, avec l'accord de l'Archaeological Survey of India (Bureau Archéologique de l'Inde) et le soutien de l'ambassade de France. Le Ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) a soutenu, dans le cadre de la Commission des recherches archéologiques à l'étranger, les travaux d'Anne Dambricourt-Malassé "Siwaliks" de 2012 à 2014.
L'analyse des données fédèrent quatre unités de recherche : l'UMR 7194 et la plateforme technique AST-RX (UMS 2700) du Muséum national d'Histoire naturelle, GEOPS Paris Sud (Géosciences-UMR CNRS-UPS 8148) et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF-Palais du Louvre).

Références :
Human origins on the Indian sub-continent, Palevol, 15, 2016

[1]Dambricourt Malassé, Moigne, A.M., A., Singh, M., Calligaro, T., Karir, B., Gaillard C., Kaur, A., Bhardwaj, V., Pal, S., Abdessadok, S., Chapon Sao, C., Gargani, J., Tudryn, A., Garcia Sanz, M.,  2016, Intentional cutmarks on bovidfrom the Quranwala Zone, 2.6 Ma, Siwalik Frontal Range, NW India. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15.
http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.09.019

[2]Coppens, Y., 2016. Forward. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.11.001

[3] Dambricourt Malassé, A. The first Indo-French Prehistorical Mission in Siwaliks and the discovery of anthropic activities at 2.6 million years.In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15.http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.12.001


[4] Dambricourt Malassé. A., Singh, M.,  Karir B., Gaillard, C., Bhardwaj, V., Moigne, A.-M., Abdessadok, S., Chapon Sao, C., Gargani, J., Tudryn, A., Calligaro, T., Kaur, A., Pal, S., Hazarika M., 2016. Anthropic activities in the fossiliferous Quranwala Zone, 2.6 Ma, Siwaliks of Northwest India, historical context of the discovery and scientific investigations. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15.  http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.06.004

 [5] Gaillard, C., Singh M., Dambricourt Malassé, A., Bhardwaj, V., Karir B., Kaur, A., Pal, S., Moigne, A.M., Sao Chapon, C., Abdessadok, S., Gargani, J., Tudryn A., The lithic industries on the fossiliferous outcrops of the Late Pliocene Masol Formation, Siwalik Frontal Range, north-western India (Punjab).In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15.
http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.09.017

 [6] Moigne, A.M., Dambricourt Malassé, A., Singh, M., Bhardwaj, V., Gaillard, C., Kaur, A., Karir, B., Pal. S., Abdessadok, S., Chapon Sao, C., Gargani, J., Tudryn, A., The faunal assemblage of the paleonto-archeological localities of Masol Formation, Late Pliocene Quranwala Zone, NW India. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15.
http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.09.016

[7] Gargani, J., Abdessadok, S., Tudryn, A., Chapon Sao, C., Dambricourt Malassé, A., Gaillard, C., Moigne, A.M., Singh, M., Bhardwaj, V., Karir, B., Geology and geomorphology of Masol paleonto-archeological site, Late Pliocene, Chandigarh anticline, Siwalik Frontal Range, NW India.In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.06.001

[8] Abdessadok, S., Chapon Sao, C., Tudryn, A, Dambricourt Malassé, A., Singh, M., Gaillard C., Karir B., Bhardwaj, V., Pal, S.,  Moigne A.M.,  Gargani, J., 2016. Sedimentological study of major paleonto-archaeological localites of the Late Pliocene Quranwala Zone, Siwalik Frontal Range, northwestern India. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.09.020

[9] Chapon Sao,C., Abdessadok, S., Dambricourt Malassé, A., Singh,M., Karir,B., Bhardwaj, V., Pal,S., Gaillard,C., Moigne,A.M.,  Gargani, J., TudrynA., Magnetic polarity of Masol 1 Locality deposits, Siwalik Frontal Range, Northwestern India. 2016.In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.09.018

[10] Chapon Sao, C., Abdessadok, S., Tudryn A., Dambricourt Malassé, A., Singh, M.,  Karir, B., Gaillard, C., Moigne, A.M., Gargani, J., Bhardwaj, V., 2016. Lithostratigraphy of Masol paleonto-archeological localities in the Quranwala Zone, 2.6 Ma, Northwestern India. In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.10.005

[11] Tudryn, A., Abdessadok, S., Gargani, J., Dambricourt Malassé, A., Singh, M., Gaillard, C. Bhardwaj, V.,Chapon Sao, C., Moigne A.M., Karir, B., Pal S.,Miska S., 2016. Stratigraphy and paleoenvironment during the Late Pliocene at Masol paleonto-archeological site (Siwalik Range, NW India) : preliminary results.In Human origins on the Indian sub-continent, C. R. Palevol 15. http://dx.doi.org/10.1016/j.crpv.2015.05.011

[12] Thompson J. C., Shannon, P., Mc Pherron, Bobe R., Reed D., Barr W. A., Wynn J. G., Marean C. W., Geraads  D., Alemsegedi  Z., 2015. Taphonomy of fossils from the hominin-bearing deposits at Dikika, Ethiopia. Journal of Human Evolution, 86 : 112-135.

[13] Harmand, S., Lewis, J.E., Feibel, C.S., Lepre, C.J., Prat, S., Lenoble, A., Boës, X., Quinn, R.L., Brenet, M., Arroyo, A., Taylor, N., Clément, S., Daver, G., Brugal, J.Ph., Leakey, L., Mortlock, R.A., Wright, J.D., Lokorodi, S., Kirwa, Ch., Kent, D.V., Roche, H., 2015.  3.3-million-year-old stone tools from Lomekwi 3, West Turkana, Kenya, Nature, 521, 310-315.

[14] Han, F., Bahain, J.J., Deng.  C., Boëda, E., Hou, Y., Wei, G., Huang, W., Garcia, T., Shao, Q., He, C., Falguères, C., Voinchet, P., Yin, G., sous-presseThe earliest evidence of hominid settlement in China: Combined electron spin resonance and uranium series (ESR/U-series) dating of mammalian fossil teeth from Longgupo cave. Quaternary International, xx, 1-9.
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1040618215001160


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