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Découverte d’un crâne de plus de 80 000 ans en Chine.
Découverte d’un crâne de plus de 80 000 ans en Chine. Les restes du crâne d’un hominidé ont été exhumés à Xuchang dans la province du Henan en Chine. |
La découverte de l’homme de Xuchang
Les archéologues chinois ont fait leur plus grande découverte des 80 dernières années. Il ont mis à jour des restes crâniens qui pourraient être l’une des clefs majeures pour comprendre l’origine de la population chinoise. Le fossile, nommé l’Homme de Xuchang du nom de la ville à côté de laquelle il a été excavé, est daté de 80 000 à 100 000 ans. Les 16 morceaux du crâne ont été découverts le 17 décembre 2007 dans la province du Henan.
« Quand nous avons commencé à creuser nous pensions trouver quelque chose d’important mais pas à ce point ! » déclare Li Zhanyang, chef de l’équipe d’excavation. « Nous étions enchantés mais nous ressentions aussi beaucoup de stress« .
Le site de Henan
Le site paléolithique de Henan a été découvert en 1965 lorsque des agriculteurs ont trouvé, en labourant, des anciens outils. C’est seulement il y a 2 ans que de vraies fouilles ont été dirigées sur le site par le Henan culturel Relics and Archeology Research. Les chercheurs avaient depuis découvert des milliers de matériaux : animaux fossilisés, objets en pierre et en os… Il faut noter que seulement 1% du site a été fouillé…
Les restes du crâne retrouvés
Les ossements de l’Homme de Xuchang ont été retrouvés à une profondeur de 5 mètres. Pour la petite histoire les archéologues allaient arrêter de travailler pour fêter le Nouvel An Lunaire quand les premiers ossements sont apparus.
On a déjà identifié une arcade sourcilière et une partie du front.
Le crâne présente également les restes fossilisés d’une membrane interne qui pourra peut-être révéler des détails importants du système nerveux de ces ancêtres chinois dont l’origine ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique.
Les restes du crâne ont pu être fossilisés car ils se trouvaient à proximité d’une source dont l’eau était riche en calcium.
Une découverte rare
Le gouvernement Chinois parle d’une découverte importante et majeure, du niveau de celle de l’Homme de Pékin en 1929. Les archéologues avaient, à l’époque, mis à jour les restes de cinq individus, très complets, et dont les études avaient permis de les dater de – 250 000 à – 700 000 ans.
« C’est la plus grande découverte en Chine après l’Homme de Pékin et L’Homme de Zhoukoudian qui ont été découverts à Beijing le siècle dernier et qui ont permis d’éclairer d’un jour nouveau une période critique de l’humanité… » déclare Shan Jixiang (Directeur du China’s cultural heritage administration) au China Daily.
Un fossile qui comble « un peu » nos lacunes
Ce crâne peut permettre de combler le trou dans nos connaissances sur l’évolution de la lignée humaine en Chine à cette période. La plupart des paléoanthropologues pensent que l’Homo sapiens moderne est un descendant direct des hominidés venus d’Afrique il y a 60 000 ans. Les autres scientifiques penchent vers une origine plus diffuse en Europe avec des possibilités d’hybridation avec les néandertaliens. Quelques Chinois marquent plus fortement le lien avec l’Homme de Pékin, indiquant qu’il y a une continuité régionale plus forte que les scientifiques occidentaux le pensent.
« C’est une période cruciale dans l’histoire de l’évolution humaine, mais nous ne savons que peu de choses sur celle-ci. Tous les fossiles datant de cette période sont donc d’un grand intérêt pour retracer l’histoire de l’Homme » déclare Dennis Elter (paléoanthropologue au Cabrillo College en Californie). « Cela ressemble à une véritable percée de la science…«
Les études vont vraiment commencer
Les restes du fossile sont actuellement conservés au China Academy of Sciences (Bejing) pour reconstruction et analyses. S’il reste un quelconque résidu de matériel organique, il sera possible de réaliser une étude génétique. Pour la communauté scientifique le potentiel de ce fossile est énorme.
Li et son équipe espèrent pouvoir continuer les fouilles dans l’espérance de prouver que les anciens habitants de Chine avaient domestiqué le feu et construisaient des abris. Ils ont déjà retrouvé des morceaux d’ossements d’animaux carbonisés qui laissent penser que ces ancêtres Chinois cuisaient leur viande avant de la consommer.
La controverse concernant les origines des Chinois actuels risque de ne pas être facilement éclaircie. La comparaison de ce nouveau fossile avec les restes de l’Homme de Pékin ne sera pas facilitée car ces derniers ont tous disparu dans de mystérieuses circonstances en 1941.
Le 30/01/08
Amélie Vialet (Institut de Paléontologie Humaine à Paris) réagit à cette découverte et nous livre ses réflexions.
En Chine, en effet, il y a deux gisements majeurs qui font partie du même complexe karstique et qui ont été, parmi les premiers sites découverts dans les années 1930 :
– la grotte inférieure de Zhoukoudian (a livré des Homo erectus, datés de 600 à 200 000 ans)
– la grotte supérieure de Zhoukoudian (a livré des Homo sapiens datés autour de 30 000 ans)
Dans la première, ce sont de très nombreux restes humains qui ont été mis au jour (une douzaine de crânes, une quinzaine de mandibules, plus de 150 dents isolées et des éléments du squelette) correspondant à environ 40 individus. Une industrie lithique élaborée et des traces d’utilisation du feu sont présentes (couche de cendre). Je m’étonne donc des réflexions concernant la recherche de preuves de la domestication du feu ou de l’aménagement d’abri.
Dans la seconde, ce sont 3 crânes bien conservés qui ont été découverts associés à des restes typiques du paléolithique supérieur (outillage en pierre et en os, parure…). Anatomiquement et culturellement, il y a une rupture entre les deux séries mais il faut aussi considérer l’étendue du temps qui les sépare.
Si la lacune paléontologique est réelle, elle doit être nuancée. Les fossiles découverts à Xiujiyao, Liujan et Jinniushan par exemple correspondent à des hommes anatomiquement modernes datés de 100 à 60 000 ans environ (même si les datations restent à préciser). Découverte dans la grotte de Tianyuan récemment publiée par Trinkaus (pnas).
C’est vrai qu’on est à un moment clé de la discussion car la question en Chine est de savoir si ce sont les Homo erectus locaux (hommes de la grotte supérieure de Zhoukoudian) qui ont engendré les premiers hommes modernes et enfin l’humanité actuelle, ou si ces derniers sont issus d’une vague africaine dont les représentants ont remplacé les populations archaïques locales (ou éventuellement se sont hybridés avec). Je ne suis pas sûre que votre paragraphe sur cette question soit très clair (notamment sur les néandertaliens). Les données génétiques et paléontologiques vont, pour l’instant, dans le sens d’une origine africaine récente des hommes modernes.
Attendons une description exhaustive de ce fossile du Henan et l’avancement du travail de terrain pour en savoir plus !
C.R.
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