Lascaux ou la naissance de l'art
Georges Bataille
Editions l'atelier contemporain
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Ouvrage historique à plus d’un titre que celui que Georges Bataille consacra à Lascaux.
Dans ce livre paru en 1955, quinze ans après la découverte de la grotte, l’écrivain se propose de formuler une première synthèse philosophique qui vienne en quelque sorte unifier les relevés de la science. Procédant avec une nécessaire prudence, dans le tâtonnement d’observations progressives et d’hypothèses fragiles, complétées et rectifiées au fil des avancées de la recherche, ces spécialistes que sont les préhistoriens ne peuvent se permettre de prendre toute la mesure de leurs propres découvertes, explique Bataille ; c’est aussi ce qui les empêche de « célébrer » Lascaux comme l’un des sites, sinon le site même de la « naissance de l’art ». Cette tâche revient à la philosophie. En s’appuyant au garde-fou de la rigueur scientifique, décrire cette « aurore » de l’humanité, ce « miracle de Lascaux » qui supplante ce qu’on nommait jusqu’alors « miracle grec » : tel est en somme le but inédit que s’assigne Bataille.
Préface de Michel Surya.
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Réédiition (édition originale 1955 Editions Skira)
Editions l’Atelier contemporain
Collection Studiolo
11.5 x 16cm
224 pages
La chronique de Pedro Lima
« L’homme de Lascaux créa de rien ce monde de l’art, où commence la communication des esprits ». Ces quelques mots, et les pages qui les accompagnent dans l’ouvrage de Georges Bataille (1897-1962) paru en 1955 aux éditions Skira, ont beaucoup fait pour la notoriété de la grotte périgourdine, découverte en 1940 sur la commune de Montignac. Même si les somptueuses peintures polychromes de Lascaux, « ces signes qui naissent de l’émotion et s’adressent à elle », ne sont plus considérées par les préhistoriens comme la naissance de l’art (elles ne l’ont d’ailleurs jamais vraiment été), le texte de l’écrivain se lit toujours avec autant de plaisir. Il met en effet des mots très justes sur l’émotion esthétique ressentie face au chef-d’œuvre solutréen, doublée d’une émotion « humaniste » : celle de se trouver en communication, « en amitié », dit Bataille, avec celles et ceux, chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur, qui ont orné les parois de la caverne d’images servant vraisemblablement de support à leurs mythes.
La réédition par l’Atelier contemporain de ce texte important, épuisé dans son édition originale, est donc particulièrement bienvenue, dans une collection au format poche « de livres illustrés, rééditions d’ouvrages épuisés ou publications inédites » et à prix modique. Il manque certes la polychromie des peintures, reproduites ici en noir et blanc, mais cela n’enlève rien au bonheur de se replonger dans la langue délicate de Bataille. Le texte est parfaitement introduit par Michel Surya, spécialiste de l’écrivain. On y apprend que ce dernier s’interrogeait dès 1930, dix ans avant la découverte du sanctuaire périgourdin, sur la nature de « l’art primitif » dans un article du même nom... Il y soulignait justement que « l’art n’est appelé primitif que par abus ». Soulignant, en creux, l’universalité d’une pratique profondément humaine consistant à inventer et matérialiser des formes, et dont les peintures millénaires de Lascaux constituent l’un des exemples les plus marquants.
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Sommaire Lascaux ou la naissance de l'art
Michel Surya
L'art né de l'homme. L'homme né de l'art
Le Miracle de Lascaux
La naissance de l'art
Lascaux et le sens de l'œuvre d'art
Le miracle grec et le miracle de Lascaux
L'homme de Lascaux
De l'Homme de Néandertal à l'Homme de Lascaux
La richesse de l'Homme de Lascaux
Le rôle du génie
La naissance du jeu
La connaissance et l'interdit de la mort
L'ensemble solidaire des interdits Le dépassement des interdits : le jeu, l'art, et la religion
L'interdit et la transgression
Description de la grotte
A ce lieu de notre naissance La grande salle des taureaux
Le diverticule axial
Les signes inintelligibles
Le passage, la nef et le cabinet des félins
L'abside et le puits
La perspective tordue et l'âge relatif des peintures
La représentation de l'homme
L'homme paré du prestige de la bête
L'homme du puits
Les figures aurignaciennes de l'homme
Les figures magdaléniennes
Les figures féminines
L'art animalier de Lascaux
Les animaux et leurs hommes
La chasse, le travail et la naissance d'un monde surnaturel
La place de Lascaux dans l'histoire de l'art
Notes et documentations
Références des figures préhistoriques citées hors Lascaux
La découverte de la caverne
L'authenticité des cavernes peintes
Les techniques de la peinture préhistorique
Les explications de la scène du puits
Bibliographie sommaire
L'auteur
Georges Bataille
Auteur d’une œuvre s’aventurant dans l’anthropologie, la philosophie, l’économie, la sociologie et l’histoire de l’art, Georges Bataille (1897-1962) est l’un des écrivains les plus singuliers du XXe siècle.
Un extrait de Lascaux ou la naissance de l'art
La grande salle des taureaux
Sans illusion, sans lourdeur et sans impatience, nous devons savoir de ces marches qui mènent à Lascaux sous la terre qu’elles nous situent sur les traces de ces êtres lointains, qui à peine émergeaient de la nuit animale.
Ces marches aboutissent – au-delà de portes de bronze, récemment ménagées pour mettre les peintures à l’abri de l’air – dans une vaste salle, plus longue que large. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les hommes préhistoriques aient pénétré par ce côté dans la caverne. Ils y accédaient peut-être par une entrée aujourd’hui disparue et qu’il est possible de localiser, avec l’abbé Breuil, «du côté droit, vers le puits ». Précisons, au surplus, que l’abbé Breuil lui-même n’y voit qu’une « entrée hypothétique, dont nul ne connaît l’emplacement ». Mais qu’ils y aient ou non accédé directement, la « grande salle » n’en dut pas moins être pour eux, comme pour nous, la partie la plus importante de la caverne, aussi bien par son ampleur que par la richesse et la beauté de ses peintures. Elle a de largeur une dizaine de mètres, de longueur une trentaine, mais la disposition, l’ordonnance, à la vérité désordonnée, de la frise qui s’y déroule (p. 81-83) donne l’impression d’une sorte de rotonde ; d’une rotonde qui, du côté de l’entrée, aurait été ouverte largement. Le hasard seul a aménagé cette salle, mais ses proportions sont si belles que personne ne pourrait songer à quelque changement qui les aurait améliorées. Il n’est pas de salle peinte qui présente un ensemble plus heureux.
À propos de Lascaux, l’on a dit: la « chapelle Sixtine de la Préhistoire » (on l’avait déjà dit à propos d’Altamira). Mais à mes yeux, la Sixtine,
dont sans doute les figures sont plus dramatiques, offre un arrangement plus conventionnel: le charme, l’imprévu sont à Lascaux. Cette salle est décorée, dans la partie qui fait face à l’entrée, d’une longue frise animale que dominent quatre gigantesques taureaux. Ces étonnantes figures – l’une d’entre elles a plus de cinq mètres de long (p.100) – s’allongent bout à bout sur la paroi pour se réunir en s’affrontant sur le côté gauche de la salle. Vers le milieu s’ouvre une longue galerie, relativement peu tortueuse, mais dont l’entrée n’interrompt pas le développement mouvementé de la frise. Celle-ci assemble un peuple d’animaux enchevêtrés emplissant la place disponible. La régularité du développement est à vrai dire assurée, par celle de la paroi peinte de la salle : la surface recouvrable, relativement lisse, partiellement recouverte dès l’origine d’une couche blanchâtre de calcite, commence au-dessus du sol, à hauteur de la main, et s’élargit de plus en plus en allant de gauche à droite, mais la largeur plus grande de la partie droite de la paroi peinte est à peine sensible à l’œil. (Le plafond, finissant en dôme ovale, élève, bien au-dessus de la partie lisse de la paroi, une surface irrégulière qui rappelle l’intérieur d’une coque de noix.) Cette disposition autour de la salle de la surface possible à peindre facilitait d’avance la formation d’une frise à partir des peintures qui la couvrirent. Ainsi les hommes qui, l’un après l’autre, ordonnèrent ces figures, bien qu’ils n’aient jamais eu leur ensemble pour objet, les disposèrent d’instinct de telle sorte que cet ensemble à la fin se formât. Selon la vraisemblance, ils peignirent à des dates très différentes, et comme rien en ce temps ne s’y opposait, ils empiétèrent souvent sur les parties peintes auparavant, néanmoins ils dérangèrent rarement ce qui, existant avant eux, contribuait à la magnificence de la salle.
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