L'imposture en préhistoire
Un historique des tentatives de fraudes en Préhistoire
L’IMPOSTURE EN PREHISTOIRE.
L’histoire de la préhistoire relate un nombre inhabituel d’affaires d’imposture, certaines ont eu leur heure de célébrité d’autres sont restées discrètes, toutes sont maintenant presque oubliées. Un bref retour sur cette période constitue une sorte de visite d’un magasin de curiosités anciennes en même temps qu’un rappel à une vigilance toujours nécessaire. Les fouilles modernes contrôlées et multidisciplinaires ne permettent plus ce genre d’aventure, le champ de l’imposture et du faux se trouve maintenant réduit aux vrais faux et aux fausses accusations.
L'imposture en préhistoire
Dossier en 2 parties :
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Les faux de 1700 à 1900
WÜRTZBURG 1725-1726.
A cette époque la préhistoire n’est pas encore née, la géologie n’est guère plus avancée. C’est encore le règne de la scolastique du Moyen-Age : la Bible et Aristote sont les sources incontestées autant qu’incontestables de toute connaissance. Dans le futur domaine de la préhistoire/paléontologie un seul objet est connu les pierres de foudre ou céraunies (voir illustration à gauche), supposées avoir été produites par la foudre et avoir la propriété de protéger de ses effets les maisons et les étables.
En 1725 G. L. Hueber bachelier en philosophie et étudiant en médecine à Würtzburg entend parler de la découverte de fossiles aux environs de la ville. Il entreprend des fouilles auxquelles il emploie trois jeunes garçons, trois frères. Ils lui fournissent rapidement des plaques de calcaire très tendre décorées de figures variées : crapauds, insectes papillons, coquillages…. Porté par un enthousiasme certain il achète tout ce qui lui est présenté, deux mille pièces en six mois. Hueber est persuadé d’avoir fait une découverte importante, il ne tique pas sur la subite abondance du matériel qui lui estproposé, n’écoute pas les mises en garde et rédige une thèse qu’il fait imprimer en 1726. Il ne la soutiendra pas, en dernière minute il doit reconnaître sa méprise et demande à son imprimeur de détruire son oeuvre. Quelques exemplaires, dont un conservé à la Bibliothèque Nationale, échapperont à cette mesure. Les raisons de ce revirement ne sont pas connues. Le « Iconolithes » terminent ainsi leur brève carrière.
Dr. KOCH 1839-1840
En 1839 le Dr. Koch, chercheur de fossiles passionné, déclare avoir découvert dans le fond de la rivière Bourbeuse (Missouri) le squelette d’un Mastodon giganteus. L’animal paraît s’être embourbé jusqu’u poitrail et avoir été achevé par le feu, la partie supérieure du squelette présente en effet des traces importantes de carbonisation. Le squelette est entouré d’une masse importante de pierres provenant du bord de la rivière. Le Dr. Koch met également à jour plusieurs pointes de flèches ou de lances ainsi que quelques haches taillées. Un an plus tard le même chercheur fait une découverte similaire dans le lit de la Rivière Pomme-de-terre également dans le Missouri. Des critiques se font jour rapidement, le Dr. Koch se rend en Europe pour présenter ses collections, il y est mieux reçu et cède celles-ci au Musée de Berlin et au British Museum. Le jugement porté sur ces découvertes restera mitigé partisans et détracteurs s’affrontant sans grand bruit. Après la mort des derniers partisans la supercherie sera unanimement reconnue. La description de la découverte est trop belle pour être totalement crédible, les ossements sont anciens mais les pierres taillées sont modernes et produites par les indiens locaux.
FLINT Jack 1841-1862
La mode en Angleterre est aux cabinets de curiosités, aux collections de fossiles, voire de pierres taillées. Edward Simpson intelligent mais marginal et bientôt alcoolique collecte les fossiles et range les collections de ses riches clients, ce qui lui vaut un premier surnom « Fossil Willy ». Dans la région de Bridlington, connue pour ses pièces néolithiques en silex il étend son champ de collecte et très habile se met à fabriquer des faux. Ses pérégrinations en Angleterre, Ecosse et Irlande lui vaudront un second surnom, cette fois définitif, de « Flint Jack ». Un certain Mr. Tindall lui achète trente-cinq outils, les trouvant sales il tente sans succès de les nettoyer à l’eau froide puis les met à bouillir, certains fondent. Flint Jack ne fait pas mystère des ses pratiques et soutient que ses pièces ne doivent pas être prises pour autre chose que ce qu’elles sont : de bonnes imitations des originaux. Le 7 Janvier 1862 il fait même une démonstration très remarquée de ses capacités devant la célèbre Geological Society. « En quelques minutes il avait produit une mince pointe de flèche qu’il tendit à un assistant près de lui et continua à en fabriquer une autre avec une facilité et une rapidité qui prouvaient une longue pratique. Rapidement il y eut une foule autour du faussaire, pendant que ses fragments de silex étaient convertis en différentes variétés de pointes de flèches et échangées pour six pence parmi l’assistance. » S’il est le plus connu des faussaires anglais de cette époque Flint Jack ne sera pas le seul. La demande est telle que de petites fabriques surgiront ici ou là ainsi celle de William Smith dans le Yorkshire et celle des carriers de Stoke Newington.
CONCISE 1859
Une drague à vapeur extrait du lac des matériaux de remblayage nécessaires à la construction de la ligne de chemin d’Yverdon à Neuchâtel. L’abord d’une importante station lacustre méconnue provoque l’émergence d’un nombre considérable, on parle de plusieurs centaines de milliers, d’objets néolithique en silex et en corne. Les amateurs comme les conservateurs de musées suisses et étrangers se précipitent. Malgré l’abondance exceptionnelle de la découverte le marché se tend et les ouvriers se mettent à assembler une gaine privée de sa hache avec un hache privée de sa gaine, puis à modifier l’une ou l’autre, puis à fabriquer, pour enfin arriver à concevoir des emmanchements ou des outils fantaisistes. Plusieurs musées de Suisse ou d’Europe se trouvent ainsi en possession de collections plus ou moins fausses.
CALAVERAS 1866-1907
En février 1866 un dénommé Matteson, propriétaire d’une mine d’or en Californie dans le comté de Calaveras, découvre dans les graviers aurifères qu’il exploite, à quarante mètres de profondeur, ce qu’il croit être une vieille souche d’arbre. Il l’extrait et l’apporte au magasin de la Wells -Fargo Express où l’on s’aperçoit qu’i ne s’agit pas d’un morceau de bois mais des fragments de crâne humain. Le médecin du lieu, le Docteur Jones, informé fait parvenir la pièce, en juillet de la même année, au professeur Whitney, responsable du service géologique de Californie. Celui-ci se rend sur place et reconnaît l’authenticité de la trouvaille. Géologue il perçoit bien l’intérêt qui s’y attache : un crâne humain dans des graviers tertiaires. Curieusement il mettra treize ans pour publier (Cambridge 1879). Des doutes se font jour, un voisin de Matteson déclare même avoir mis le crâne dans la mine, par plaisanterie, pendant l’heure du déjeuner. Les milieux scientifiques américains restent inébranlables, continuent à disserter sur ce merveilleux fossile et font état de découvertes complémentaires dans le secteur : mortier, pilon, pointes de flèches et même un pendeloque gravée (Lenape stone). La controverse va durer, à bas bruit, jusqu’en 1907. A. Hrdlicka, spécialiste d’anthropologie biologique à la Smithsonian Institution, y met fin par une étude critique rigoureuse. Le crâne comme les autres pièces sont des objets d’origine indienne introduits frauduleusement dans les graviers qui eux sont bien d’âge tertiaire.
Les os gravés du CHAFFAUD 1863-1865
En 1834 André Brouillet notaire à Charroux (Vienne) découvre dans la grotte du Chaffaud sur les bords de la Charente on os gravé de deux biches. Il publie cette pièce magnifique et en confie la conservation au Musée de Cluny ou elle entre comme « gravure Celtique ».
Vingt-neuf ans plus tard Amédée Brouillet, fils du précédent, reprend les fouilles du Chaffaud, il est accompagné par un de ses collègues à la Société des Antiquaires de l’Ouest Meillet chimiste et géologue. Mais en même temps ou surtout Meillet est un trafiquant qui parcourt la région à la recherche de pièces antiques qu’il revend à Paris par l’intermédiaire d’un marchand du nom de Charvet. Les deux amis sortent de la grotte un matériel lithique et osseux assez important comportant nombre de pièces gravées : silex taillés et emmanchés, os taillés portant des décorations diverses, fragments osseux décorés certains même portent des signes évoquant l’écriture sanscrite. Meillet réussit à ne pas mettre en avant le fait curieux qu’il est le seul à avoir découvert des pièces gravées, très habilement il associe Brouillet, dont l’honnêteté est reconnue et qui ne se doute de rien, à la publication des découvertes. Ils font ensemble un rapport à la Société des Antiquaires de l’Ouest et un livre : Epoques antédiluvienne et celtique du Poitou, Poitiers, 1864. Le rapport est accueilli très fraîchement, Meillet s’offusque. La communauté scientifique émet des réserves multiples, les linguistes sont très intéressés mais refusent d’accepter la forme moderne des caractères sanscrits. Brouillet se tient sur la réserve alors que Meillet se lance dans la polémique et joue les offensés. Néanmoins il vend rapidement la collection au marquis de la Vibraye par l’intermédiaire de Charvet. Les discussions continueront, accumulant les arguments négatifs jusqu’à ce que l’art mobilier paléolithique soit suffisamment bien connu pour que les dessins du Chaffaud paraissent tout à fait incongrus.
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Quelques morceaux choisis de imagination débordante des faussaires de Chaffaud... |
MOULIN-QUIGNON. 1863
La préhistoire est encore en gestation, mais déjà survient une première affaire importante. L’ancienneté de la terre est reconnue, les géologues s’appuyant sur les données de la stratigraphie ont réussi a en faire admettre l’idée, la grande question en discussion est l’âge de l’homme. En 1825 Jacques de Boucher de Crèvecœur de Perthes arrive à Abbeville où il doit occuper le poste, à l’époque important, de directeur des douanes. C’est un aristocrate brillant, un écrivain prolixe, un humoriste volontiers satyrique, il a donné des poèmes, des chansons, des pièces de théâtre, des romans et affiche volontiers des idées avancées en faveur de l’émancipation des femmes ou, pire encore, de l’éducation des masses. Suivant l’usage il fréquente la société d’émulation locale dont il devient rapidement le vice-président. En 1829 il y fait la connaissance du Docteur Casimir PICARD, celui-ci lui fait partager son intérêt pour la stratigraphie et les haches celtiques (haches polies néolithiques) qu’il n’est pas rare de récolter sur les terrasses de la Somme. Boucher de Perthes se passionne, collecte, achète et en même temps observe les terrasses surtout quand elles sont ouvertes par des travaux. En 1841 il entre ainsi en possession d’un coup-de-poing en silex taillé provenant de Menchecourt, près d’Abbeville, où il était associé à des restes de mammifères éteints. Boucher de Perthes y voit la trace de la main de l’homme et dans l’association stratigraphique avec des ossements de mammifères disparus une indice fort de la grande ancienneté de celui-ci, avec le vocabulaire de l’époque il s’agit de l’homme antédiluvien. Cette intuition ouvre la voie, les recherches se poursuivent à l’aide d’ouvriers terrassiers payés 2 francs par jour et 10 puis 25 centimes par silex découvert, une collection se constitue. Boucher de Perthes soutient son idée et en 1846 il soumet à l’Académie des sciences de Paris les bonnes feuilles de son livre intitulé : Antiquités celtiques et antédiluviennes. L’accueil est froid, voire carrément hostile, le livre ne paraîtra finalement qu’en 1849. Il est assez médiocre, sur 80 figures 32 seulement concernent des outils authentiques. En France Boucher de Perthes est considéré comme un joyeux hurluberlu, en Angleterre, par contre, son livre suscite un certain intérêt au point que plusieurs grands noms de la géologie font le voyage d’Abbeville : Charles Lyell, Joseph Prestwich, John Evans, J. W. Flower, Hugh Falconer… Ils examinent les collections inspectent les sites et en retirent eux-mêmes quelques pièces. Leurs conclusions sont favorables à Boucher de Perthes : les outils ont bien été fabriqués par l’homme et ils sont véritablement anciens, mais faute d’ossements humains fossiles découverts sur les sites la démonstration reste incomplète.
Dans les années qui vont suivre la situation reste la même, en Angleterre l’intérêt se confirme au point que d’assez nombreux visiteurs font le déplacement et achètent des haches, en France l’Académie des sciences et Jean-Louis Armand de Quatrefages professeur d’anthropologie au Muséum, membre de l’Institut maintiennent leur position malgré le revirement de quelques personnalités. Ainsi le Docteur Rigollot Président de la Société des antiquaires de Picardie opposant de la première heure change t-il de position après un examen attentif des dépôts glaciaires de Saint-Acheul. Boucher de Perthes, de son côté, poursuit ses recherches avec un obstination rare, une quinzaine d’années s’écoulent et finalement le 23 Mars 1863 il est prévenu par l’un de ses ouvriers de la découverte, à Moulin-Quignon, à 4,5 mètres de profondeur de deux haches et cinquante centimètres plus bas de ce qui se révèlera rapidement être une dent humaine. Il se rend rapidement sur place et décide d’étendre le chantier. Le 26 un autre ouvrier l’informe de la découverte d’une autre dent et de ce qui pourrait être un os. Un nouveau déplacement permet de dégager, dans la même couche noire des premières découvertes, un demi maxillaire inférieur humain, deux haches dont une brisée et deux autres dents. La nouvelle publiée dans le journaux fait sensation. Les visiteurs célèbres arrivent pratiquement sans délais pour la France : de Quatrefages, le docteur Garrigou… pour l’Angleterre dès la mi avril Falconer, Carpenter... Une discussion s’engage, sur des positions paradoxalement inversées, les Français entraînés par de Quatrefages sont favorables, les Anglais au contraire sont réticents. En effet un examen minutieux des nombreuses haches ramenées au fil des ans par les visiteurs anglais a montré que nombre d’entre elles étaient des faux. En outre Falconer a rapporté en Angleterre la première dent découverte, son analyse montre un taux de matière animale trop important pour une pièce très ancienne. Une réunion internationale est organisée à Paris dès le mois de Mai, elle durera trois jours. Toutes les découvertes récentes sont examinées en détail, la mâchoire est sciée au niveau de la molaire et la présence d’une abondante gélatine confirmée. Chacune des parties reste cependant sur ses postions. Les Anglais nient toute valeur à la mâchoire les français la déclarent authentique et même Elie de Beaumont, puissant président de l’Académie des sciences et opposant de la première heure, se rallie à l’idée l’ancienneté de l’homme. Après la mort de de Quatrefages personne ne soutiendra plus la validité de la fameuse mâchoire.
Boucher de Perthes a été abusé par ses ouvriers évidemment alléchés par une très substantielle prime de 200 francs (100 journées de travail) pour la découverte d’un os humain. Mais les ouvriers en question, pourtant analphabètes, ont fait preuve d’une singulière habileté : ils arrivaient a tailler des bifaces très convenables ce que personne à l’époque ne savait faire, ils ont su associer Boucher de Perthes à leurs pseudo découvertes et ont également su introduire dans le gisement des ossements humains semi anciens provenant probablement du site voisin de Mesnières où certains d’entre eux travaillaient également. A leurs yeux ils avaient l’avantage de ne pas avoir appartenu à des chrétiens.
THAYGEN 1873-1877
A cette époque la préhistoire commence à prendre forme, G. de Mortillet, s’inspirant de la géologie, a jeté les bases de la classification chronologique et introduit le terme de Magdalénien. Lartet et Christy ont exhumé des sites du Périgord plusieurs pièces ornées, on parle de l’art de l’Age du Renne. En 1869 la gravure du Chaffaud (Brouillet 1834) considérée comme celtique est redécouverte et exactement appréciée.
Pendant l’été 1873 le professeur K. Merk explore la grotte de Kesserloch à Thayngen près de Schaffouse en Suisse. Parmi de nombreux restes d’une industrie magdalénienne il trouve une pièce de bois de renne portant la gravure d’un renne tête baissée. Une autre pièce porte la gravure d’un cheval. Pendant la préparation de la publication sous l’égide de la Société des Antiquaires de Zürich on lui signale que l’un des anciens ouvriers du chantier Stamn propose à la vente deux fragments osseux gravés l’un d’un ours assis, l’autre d’un renard. Ces deux pièces sont incluses dans la publication, peut-être plus à l’initiative de la Société qu’à celle de Merk. Des doutes s’expriment mais aucun argument probant n’est produit. Au cours de l’été 1875 A. Franks, conservateur au British Museum, examine les pièces, il les juge trop douteuses pour y investir l’argent du musée, il les acquiert cependant sur ses fonds personnels avec l’intention de les offrir à l’institution. Ses craintes étaient fondées, la même année Lindenschmidt montre que le renard et l’ours sont des copies directes de dessins parus à Leipzig en 1868 (Les jardins zoologiques et les ménageries avec leurs habitants.) Merk reconnaît son erreur, la Société des Antiquaires de Zürich responsable de la publication porte plainte. Au cours de l’enquête de police Stamm reconnaît sa faute, il sera condamné. Il avait fait exécuter les gravures par un de ses parents, Konrad Bollinger, qui s’est effectivement inspiré du livre Les jardins zoologiques…
En quatre ans seulement l’affaire est donc close et, pour une fois, le coupable clairement identifié. Mais comme il est assez habituel de le constater dans ce genre de situation des dégâts collatéraux persistent, un doute est jeté sur l’ensemble du gisement, et même au-delà, Lindenschmidt dès sa publication initiale remet en cause l’ensemble de l’art de l’âge du renne. L’histoire ne lui donnera pas raison ni pour le renne de Thayngen qui est maintenant reconnu comme authentique, ni pour l’art ancien en général.
MNIKOW 1880-1931
Dans les années 1880 l’Académie des Science de Cracovie patronne une importante campagne de fouilles dans les grottes de la région, en particulier à Mnikow. Les résultats paraissent en 1882-83 sous la signature de G. Ossowski responsable des fouilles. Le matériel considérable, 6000 pièces d’os, provient d’un niveau réputé néolithique. Ossowski parle de l’Age de l’os en Pologne. Les pièces osseuses comprennent des aiguilles à chas, de multiples poinçons certains perforés, et des pièces figurées humaines, animales, pendeloques dentelées, pièces évoquant la forme de couteaux ou de fourchettes.
Dès 1883 des doutes s’expriment (professeur J. Ranke). En 1884 E. Chantre et A. de Mortillet après examen minutieux des pièces exposées au Musée de Cracovie concluent à la supercherie et préconisent leur retrait des vitrines. Ossowski se défend comme un beau diable, il assure avoir extrait lui-même la plupart des pièces et avoir personnellement assisté à la découverte des autres. La distance géographique et linguistique étouffe le débat. En gros Polonais et Français campent sur leurs positions. En 1931 trois vieux ouvriers ayant travaillé à Mnikow reconnaissent avoir falsifié ou même fabriqué un très grand nombre des objets en os, ils ont foré les poinçons, fabriqué de toutes pièces les couteaux et les fourchettes, par contre ils ignorent l’existence des figurations humaines.
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Pointes, outils, représentation humaines, couteaux et fourchettes... Mnikow |
BEAUVAIS 1880-1881
En 1880 un dénommé Mareschal acquiert une importante collection de silex taillés auprès d’ouvriers carriers de la région. Dans un premier temps il se montre discret sur l’origine d’objets que, d’ailleurs, il accepte difficilement de montrer. Son projet est de rédiger une importante publication et de vendre la collection en bloc. L’affaire s’ébruite cependant, d’autant plus qu’il n’est pas le seul client des carriers. Des doutes s’expriment rapidement, le docteur Baudon et Léon Fenet soulignent la morphologie tout à fait inhabituelle des silex. La presse s’empare de la question, Mareschal trouve des partisans, certains responsables locaux envisagent même la construction d’un musée. Mareschal organise la défense en constituant un Comité d’Authentification qui comprend des notables mais ni opposant ni personnalité compétente. Le Comité se rend sur place le 4 janvier 1881, après avoir examiné le terrain et fait pratiquer une fouille productive, il rédige un rapport favorable signé à l’unanimité. Le 7 janvier suivant les opposants, Frenet, Mathon, Camprenier, un géologue Vasseur…. Procèdent à une contre épreuve, les esprits s’échauffent, le ton monte on s’injurie, on se menace mais sans en venir aux mains. Une fouille est ouverte dans un endroit non désigné à l’avance sans aucun résultat. Le compte rendu paraît le 14 janvier 1881 dans l’Indépendant de l’Oise sous le titre : « Une mystification préhistorique » L’un des ouvriers animateur principal de l’algarade s’avère être originaire d’Abbeville. G. de Mortillet déclare que les silex sont des faux et vient à Beauvais donner une conférence. Pour autant Mareschal n’en démord pas et conserve quelques partisans, il renonce cependant à son projet de publication. A sa mort plus d’un mètre cube de silex taillés sera vendu en salle des ventes, certains se retrouveront chez les brocanteurs parisiens des quais de la Seine.
L’AGE DE LA CORNE EN SUISSE 1882-1886
A partir de 1882 des objets en corne finement travaillés et décorés apparaissent avec des prix considérables dans un bazar de Neuchâtel. Ils proviennent d’une station lacustre à Forel et sont extraits par un dénommé Kaiser. Selon lui les objets proviennent d’une couche profonde, d’où leur prix, surmontée de deux couches, pierre polie et bronze. Des soupçons de fraude apparaissent, Kaiser associe quelques amateurs/clients à ses recherches et leur fait découvrir plusieurs pièces de l’âge de la corne. Ils les achètent et délivrent des attestations flatteuses. Kaiser déménage de l’autre côté du lac à Cortaillod et y exploite une nouvelle station identique à la précédente sans entamer l’enthousiasme de ses clients. La Société du Musée de l’Areuse concessionnaire de la station de Cortaillod y organise une fouille de contrôle. Son résultat est négatif mais la passion des collectionneurs est telle qu’une fouille complémentaire plus étendue est jugée nécessaire. En 1886 Kaiser lui-même adresse à Guillaume Ritter, ingénieur et autorité reconnue en matière d’antiquité lacustres, un lot d’objet en corne en le priant de les expertiser. Le résultat est net : les objets examinées sont de facture moderne. Au plan scientifique la question est réglée mais dans la région l’habitude est prise et de multiples faussaires vont continuer à produire des faux plus ou moins élaborés avant, pour certains, de terminer leur carrière en prison.
Un article de ZAF
L'imposture en préhistoire
Dossier en 2 parties :
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