Respectons les peuples libres des steppes, l'âme paléolithique, toujours vivante à nos portes
Une conférence de Marcel OTTE
Jeudi 5 novembre à 19h
Musée d'Anthropologie préhistorique
Monaco

L'Association monégasque de Préhistoire sous la Présidence d'Honneur de Son Altesse Sérénissime Le Prince Albert II a le grand honneur d'accueillir le Professeur Marcel Otte le Jeudi 5 novembre à 19h

Structurellement, la Sibérie orientale possède des populations analogues à la fois à ce qui fut l'Europe glaciaire et à ce qui sera l'Amérique.

Dans ce cas de profonde complicité entre le monde naturel et l'esprit humain, nul regard de nature
« historique » ne peut pénétrer, sinon superficiellement.

Un esprit règne, omniprésent, quant à la place tenue par les sociétés humaines au sein de l'Univers. Cette conception s'exprime via les chants autant que par les techniques, les mythes et les règles sociales (de nombreux exemples sont fournis en séance). Dès ce moment, l'accroche archéologique s'offre à l'arsenal logique de l'anthropologue. Loin de se référer aux mythes attestés de part et d'autre de l'Oural, leurs expressions matérielles en concentrent toute la force. Mais à nos seuls yeux : l'acte appartient à la sacralité génératrice, le produit entre dans l'histoire. Grâce à ce substitut de la pensée active, les deux mondes s'éclairent de façon éclatante. Toutes relations entretenues entre un homme et un objet ou un astre s'appuient autant sur la loi traditionnelle chez les Mongols orientaux que via les vestiges matériels abandonnés par les paléolithiques européens.

Aux titres d'exemples et aux fins d'illustration, citons les modes liés à la décoration corporelle toute « tissée » tel un voile tendu entre sociétés et mythes. Citons aussi le rapport à l'animal « consommé » empli de respect, de rituels, source de solidarité mystique. Citons encore
les airs de concentrations intimement en harmonie avec les disponibilités naturelles où fonctions, clans, familles cristallisent l'espace comme dans un moment arrêté, la masse de considérations réciproques y reste immense. Citons enfin, la régularité présentée par les rituels orientés vers la permanence de ces subtils systèmes d'équilibre autant que par leur aspect
sacré, d'ailleurs toujours collectif, comme l'usage des masques et des costumes l'attestent en Préhistoire comme dans le miracle sibérien (différents exemples présentés en séance).

Ces piètres relations entre matériel et spirituel agissent tels des signes d'une profondeur beaucoup plus puissante : ils relayent, à chaque fois, un pas de plus vers leurs mécanismes structuraux, loin des anecdotes illustratives propres aux manuels eux-mêmes conçus pour des esprits aptes à les admettre.

Analogies entre les costumes paléolithiques et l'actuel peuple des Steppes / Mary ÉTIENNE

Notre véritable défi face à l'inconnaissance, se place bien au-delà des analogies superficielles. Notre défi, donc notre devoir actuel, cherche à jeter un voile d'intelligence sur un monde spirituel, perpétuellement anéanti et méprisé pour l'aveuglement supporté par l'illusion d'une démarche progressive à laquelle nous eussions été comme spontanément appelés. En l'absence et à l'abri de ces tremblements théoriques, l'ethnologie autant que la Préhistoire eurasiatique restent
perçues au titre de la curiosité, celle illustrée par nos navrants manuels. Alors s'impose un regard tout différent, fondé sur une extrême profondeur de la naturehumaine, totalement étrangère à celle imposée par les dogmes toujours actifs.

L'ethnologie sibérienne acquiert alors le statut sacré où se logent les ouvertures, restreintes et miraculeuses, sur la nature de l'homme « sauvage » (Claude Lévi-Strauss), soit celui de tous les temps, de tous les lieux, et qui domine encore largement l'inconscient actuel, collectivement
rejeté au titre de la « norme », c'est-à-dire plongée ans un chaos écervelé.

La Nostalgie opère sur nous autant que sur eux, mais elle s'empare au passage de toute la Préhistoire, aussi mal connue, méprisée, insurmontable que les îlots d'ouverture offerts par l'Asie orientale. Il n'est donc plus question de considérer l'existence via nos propres valeurs, a contrario comme des leurs, mais bien à renouveler, grâce à elles, toute la pensée humaine dès ses origines et dans ses différentes formes de variations jusqu'à leur anéantissement « néolithique » (soit trois millions d'années contre 10 000 ans d'une histoire marginale).

Marcel Otte