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Une nouvelle méthode pour trouver de l’ADN humain sur un objet manipulé au Paléolithique…
Une nouvelle méthode pour trouver de l’ADN humain sur un objet manipulé au Paléolithique…
Les fouilles de la grotte de Denisova permettent à nouveau de belles avancées en paléogénétique sur les Dénisoviens, les Néandertaliens et… les Sapiens !
Denisova, une grotte de rencontres paléogénétiques
Les recherches continuent dans la célèbre grotte de Denisova en Sibérie. Depuis 2010, la grotte a permis aux généticiens de découvrir une nouvelle espèce d’homininé, l’Homme de Denisova, de mettre en évidence que cette espèce s’était acoquinée avec Homo neanderthalensis, de découvrir des objets de parures (bracelet…), des outils…. Bref, cette cavité est une vraie mine d’informations sur les hominidés qui vivaient ici il y a 50 000 ans.
Homo denisovensis a la particularité d’être la première espèce d’homininé qui a d’abord été identifiée par son ADN avant de découvrir des ossements un plus « conséquents ». Après cette première mondiale les chercheurs ont mis à jour des restes d’un individu dont l’analyse génétique a permis de déterminer que sa mère était néandertalienne alors que son père était un Dénisovien, preuve d’une hybridation entre les deux espèces…
Des fouilles des sédiments avaient permis de découvrir ensuite que des Homo sapiens étaient venus dans la grotte il y a 45 000 ans…
En résumé, la grotte de Denisova a été un vrai lieu de passage pour plusieurs espèces : Denisova une première fois il y a 250 000 ans, Néandertal depuis 190 000 ans où il « croisa » Denisova… et enfin Homo sapiens il y a 45 000 ans.
Où et comment retrouver de l’ADN ?
Retrouver de l’ADN n’est pas une petite opération de routine. Il faut en particulier que l’ADN ait été protégé pendant un long moment, dans une gangue protectrice. Ce sont généralement dans les dents ou les ossements que les chercheurs trouvent la matière pour effectuer une étude génétique. Il faut également que les restes humains soit trouvés dans des conditions presque stériles afin de ne pas contaminer l’os avec… l’ADN du fouilleur… Masques et gants obligatoires. Une fois toutes ces conditions remplies, il faut prélever et donc détruire une partie de l’os ou de la dent, ce qui est un peu gênant pour des restes humains uniques vieux de 50 000 ans (pour Denisova).
Une nouvelle méthode d’isolement d’ADN sur les restes osseux ou dentaires
Les dents ou les os, du fait de leur porosité sont les plus à même de renfermer de l’ADN issu des fluides corporels (sang, sueur, salive). Les chercheurs ont développé une nouvelle méthodologie permettant de recueillir de l’ADN sur un artefact manipulé, fabriqué ou porté par un être humain, sans le détruire.
Pour l’étude, l’équipe a essayé plusieurs réactifs régulièrement utilisés pour l’extraction de l’ADN ancien. Elle voulait sélectionner le réactif altérant le moins possible la surface de l’objet étudié. C’est le tampon phosphate de sodium qui s’est révélé le meilleur extracteur d’ADN mais aussi celui qui respecte le mieux l’intégrité de l’objet étudié. Un réchauffement de la solution est également nécessaire pour isoler le matériel génétique.
Un élément de parure révèle par qui il a été porté il y a 20 000 ans
En 2021 une dent de cerf a été extraite des sédiments dans la grotte de Denisova. Pour l’équipe dirigée par Matthias Meyer, la couche d’où provenait cet élément de parure date de – 20 000 ans. Les chercheurs ont extrait la dent avec un minimum de manipulations afin de ne pas la polluer avec l’ADN des chercheurs. Il ont appliqué leur nouvelle méthode d’isolement de l’ADN non destructive.
L’étude a mis en avant deux ADNmt : celui d’un wapiti (Cervus canadensis) a qui appartenait la dent et d’une femme (Homo sapiens), DCP1. En analysant les évolutions normales de ces deux génomes les généticiens estiment l’âge de l’Homo sapiens au maximum à 31 600 ans et celui du wapiti à 24 700 au maximum.
Si le génome de l’Homo sapiens « DCP1 montre des affinités fortes avec les amérindiens… il appartient à un groupe d’anciens individus de l’Eurasie du Nord plus à l’est, en Sibérie ».
Avec cette nouvelle méthode il devient possible d’identifier l’individu qui a travaillé, manipulé ou porté un élément d’os ou de dent, sans le détruire. Dans le cas présent les chercheurs ont pu déterminer l’espèce (Homo sapiens), le sexe (une femme), les origines de l’individu (Sibérie), l’époque où il vivait il y a 20 000 ans…
C.R.
Source :
Ancient human DNA recovered from a Palaeolithic pendant
https://www.nature.com/articles/s41586-023-06035-2
Auteurs et affiliations
Les études de l’Homme de Denisova
2024 l’Homme de Dénisova sur le plateau tibétain pendant 160 000 ans
2022 Une dent de fillette au Laos datée de 130 000 ans appartient-elle aux dénisoviens ?
2020 L’ADN de Denisova dans la grotte de Baishiya au Tibet
2019 Denisova 195 000 ans
2019 Découverte d’ Homo longi… un dénisovien ?
2019 Une mâchoire de l’Homme de Denisova identifiée au Tibet et datée de 160 000 ans
2018 Hybridation Néandertaliens et Nénisoviens – Jean-Luc Voisin
2017 Dénisoviens … Un groupe humain fantôme ou une réalité biologique ?
2012 Génome décrypté pour l’homme de Denisova
2010 Denisova et Néandertal un ancêtre commun
2010 Une nouvelle espèce d’hominidé identifiée en Sibérie dans la grotte de Denisova
Auteurs et affiliations
- Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, Leipzig, Germany
Elena Essel, Elena I. Zavala, Helen Fewlass, Benjamin Vernot, Anna Schmidt, Merlin Szymanski, Tsenka Tsanova, Shannon P. McPherron, Jean-Jacques Hublin, Janet Kelso, Svante Pääbo & Matthias Meyer - Department of Biology, San Francisco State University, San Francisco, CA, USA
Elena I. Zavala - Department of Cariology, Endodontology and Periodontology, University of Leipzig, Leipzig, Germany
Ellen Schulz-Kornas - Institute of Archaeology and Ethnography, Siberian Branch, Russian Academy of Sciences, Novosibirsk, Russia
Maxim B. Kozlikin, Michael V. Shunkov & Anatoly P. Derevianko - Department of Evolutionary Anthropology, Faculty of Life Sciences, University of Vienna, Vienna, Austria
Katerina Douka - Human Evolution and Archaeological Sciences (HEAS) Research Network, University of Vienna, Vienna, Austria
Katerina Douka - Earth Sciences Department, Natural History Museum, London, UK
Ian Barnes - Maison de la Recherche, Université de Toulouse-Jean Jaurès, CNRS UMR 5608 TRACES, Toulouse, France
Marie-Cécile Soulier - National Institute of Archaeology with Museum, Bulgarian Academy of Sciences, Sofia, Bulgaria
Nikolay Sirakov - National Museum of History, Sofia, Bulgaria
Elena Endarova - Ancient Genomics Laboratory, The Francis Crick Institute, London, UK
Mateja Hajdinjak - Faculty of Archaeology, Leiden University, Leiden, The Netherlands
Marie Soressi