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Une nouvelle espèce identifiée en Asie : Homo longi
Un crâne découvert depuis 1933 permet de rajouter une espèce au genre Homo. Baptisé Dragon Man, le fossile créé un petit cataclysme dans le monde de l’évolution humaine…
Le crâne avait été trouvé en 1933 !
Un crâne humain avait été découvert en 1933 dans la ville de Harbin traversée par la rivière Songhua, dans la province du Heilongjiang « Rivière du Dragon Noir » au nord-est de la Chine. Après différentes péripéties dues à l’invasion japonaise de la partie orientale de la Chine où il fallait cacher les fossiles des mains de l’envahisseur, le crâne était inconnu des scientifiques. En 2018, le crâne est sorti de sa cachette et conservé au Musée de Géoscience de l’Université Hebei GEO à Shijiazhuang.
Une équipe de chercheurs chinois et le paléoanthropologue britannique Chris Stringer ont pu lancer différentes études pour déterminer son espèce et son âge ainsi que ses caractéristiques morphologiques, et enfin reconstituer l’histoire de cette espèce et sa place dans l’évolution de l’humanité. L’étude du crâne a été publiée dans la revue The Innovation.
Le fossile de Harbin
Pour le professeur Qiang Ji, de l’Université Hebei GEO, « ce crâne est l’un des fossiles humains du milieu du Pléistocène les mieux conservés. »
Presque intégralement conservé ,le crâne de Harbin présente des caractéristiques anatomiques qui ne permettent pas de l’attribuer avec certitude à une espèce en particulier.
Le crâne est de taille supérieure par rapport aux crânes appartenant à d’autres espèces humaines, en moyenne. Le cerveau semble lui, de taille similaire à celui de notre espèce.
Le fossile de Harbin a de grandes orbites presque carrées, des arcades sur orbitale très marquées et épaisses, la cavité buccale est large et la dentition surdimensionnée d’après les cavités dentaire et l’unique molaire retrouvée.
Même en l’absence d’éléments du squelette, la robustesse du crâne indique aux chercheurs que l’Homme de Harbin avait probablement une puissante constitution.
Un fossile de 146 000 ans
Plusieurs méthodes de datation ont été utilisées : analyses géochimiques, y compris la fluorescence X non destructive, les éléments des terres rares et les isotopes du strontium. Les résultats suggèrent que le crâne fossile provenait d’un lit de sédiments lacustres âgés entre 138 et 309 000 ans.
Sur le crâne en lui-même la datation uranium donne un âge de 146 000 ans donc en concordance avec les autres datations.
Qui est Dragon Man ?
En 2022 , la volcanologue Céline Vidal (Université de Cambridge) publie, avec ses collègues dans la revue Nature
Par rapports aux autres hominidés on peut donc parler d’une espèce possédant une « grosse tête » assez large mais avec un cerveau de taille plus classique. Ces caractéristiques archaïques peuvent faire penser à un néandertalien mais ce n’est pas le cas.
« Le crâne présente une combinaison de mosaïques de caractéristiques primitives et plus modernes, le distinguant de toutes les autres espèces humaines », a expliqué le professeur Qiang Ji.
Par ailleurs, les chercheurs ont étudié la morphologie du crâne en isolant près 600 traits caractéristiques qu’ils ont ensuite informatiquement comparés à ceux d’autres fossiles, afin d’essayer de trouver des correspondances.
Pour l’équipe le crâne pourrit être morphologiquement apparenté à d’autres spécimens retrouvés en Asie (Dali, Jinniushan, Hualongdong, Xiahe). Selon cette hypothèse les autres fossiles appartiendraient donc à cette nouvelle espèce, Homo longi, en référence au mot chinois « long », signifiant dragon.
Pour le professeur Chris Stringer (Natural History Museum de Londres) qui a participé à cette étude, on peut toutefois lui trouver des signes forts de ressemblances avec le crâne de l’homme de Dali. De manière plus générale le paléoanthropologue indique « Dans notre étude, l’homme de Harbin est plus proche d’Homo Sapiens que l’homme de Néandertal ne l’est ». C’est-à-dire que le dernier ancêtre commun entre Dragon Man et Homo sapiens est plus récent que notre ancêtre commun avec les Néandertaliens.
« Nous avons retrouvé notre lignée sœur perdue depuis longtemps », a déclaré Xijun Ni, professeur à l’Académie chinoise des sciences et à l’Université Hebei GEO à Shijiazhuang.
Le professeur Marta Mirazon Lahr, de l’Université de Cambridge, pense que Dragon Man était, en fait, un Denisovien. Elle complète en indiquant que « les Dénisoviens sont une population principalement connue par son ADN. La mâchoire trouvée sur le plateau tibétain pourrait appartenir à un Dénisovien. Et la mâchoire du Tibet et celle de Dragon Man Dragon se ressemblent… »
Jean-Jacques Hublin, paléoanthopologue (Collège de France), déclare à la Revue La Recherche que « cette mandibule, beaucoup plus complète que les restes de l’Altaï, a des caractères morphologiques que l’on peut comparer à ceux d’autres fossiles chinois. Cela conforte l’idée que, très probablement, tous ces fossiles sont des Dénisoviens. Ce crâne de Harbin, est, pour moi le plus complet des fossiles dénisoviens. »
Pour avoir des certitudes sur la place de cet hominidés dans la famille humaine, il faut trouver de l’ADN au plus profond de l’os, sans contamination… et confirmer que c’est peut-être le premier crâne quasi complet de Dénisovien identifié.
C.R.
Sources
Cell.com
Geochemical provenancing and direct dating of the Harbin archaic human cranium
2.1-million-year-old stone tools suggest hominins reached East Asia much earlier than thought.