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Un pendentif sculpté dans un os de paresseux au Brésil, daté de 27 000 ans.
Un pendentif sculpté dans un os de paresseux à Santa Elina au Brésil, daté de 27 00 ans.
Une étude publiée dans la revue « Proceedings of the Royal Society B »
La découverte d’ornements anciens façonnés de main humaine rajoute de nouveaux éléments à l’éternel débat sur l’arrivée des premiers Homo sapiens sur le continent américain.
Santa Elina, l’os de paresseux a servi de matière première pour sculpter un pendentifs
Dans le centre du Brésil, les fouilles dans l’abri sous roche de Santa Elina montrent régulièrement des indices de présences humaines successives depuis le dernier maximum glaciaire (LGM) jusqu’au début de l’Holocène. En d’autres mots, même si l’on ne trouve pas d’ossements humains anciens, il semble que les premiers Homo sapiens étaient présent il y a au moins 27 000 ans. Santa Elina fait partie des rares sites au Brésil qui peuvent être datés de plus de 11 500 ans, période où le passage par le détroit de Béring était facilité. C’est à partir des découvertes sur ce gisement qu’une équipe de scientifiques a publié son étude dans dans la revue « Proceedings of the Royal Society B »
Le paresseux terrestre géant
Justement depuis 35 millions d’années le paresseux terrestre géant (Glossotherium phoenesis) est apparu en Amérique du Sud. Grâce aux nombreux fossiles retrouvés les paléontologues ont pu déterminer que certaines espèces étaient aussi lourdes que les pachydermes modernes et mesuraient plus de 3 mètres de haut en se dressant sur leurs pattes arrières ! L’herbivore massif avait des mâchoires massives et de puissants membres griffus. Malgré ses atouts, comme la mégafaune des Amériques, le paresseux géant a disparu du continent américain il y a environ 11 000 ans.
Des pendentifs en os de paresseux…
Il y a 28 ans les chercheurs avaient mis au jour trois os d’un paresseux terrestre géant, des ostéodermes, des plaques dures et écailleuses qui forment une protection ressemblant au « blindage » des tatous actuels. L’étude de ses restes présente des encoches et des trous qui sont d’origine humaine. En forme de triangles et de larmes, les trois os de paresseux trouvés dans la couche la plus profonde (-27 000 ans) ont donc été lissés puis perforés.
L’étude au microscope montre que ni l’abrasion naturelle ni des morsures ou actions animales ne pourraient expliquer l’aspect et la forme des ostéodermes. La sculpture a été réalisée peu après la mort de l’animal, bien avant que les restes se fossilisent.
L’archéologue Mirian Liza Alves Forancelli Pacheco, auteur de l’étude (Université fédérale de São Carlos au Brésil) déclare « Des trous complets ou partiels ont été clairement percés près des bords, comme s’ils avaient été conçus pour être enfilés sur une ficelle« . Ces pendentifs ont donc été sculptés dans des os de paresseux par une main humaine.
Le paléontologue Thais Rabito Pansani (Université fédérale de São Carlos), auteur de l’étude, complète « à notre avis, les premiers humains qui vivaient dans l’abri ont façonné les ostéodermes en ornements personnels, peut-être des pendentifs, qui au fil du temps se sont usés à cause d’une utilisation intensive ». Cela en ferait les plus anciens bijoux « .
Selon les chercheurs ces ossement seraient les plus anciens bijoux préhistoriques découverts sur le continent américain et les seuls artefacts archéologiques connus pour avoir été fabriqués à partir d’os de paresseux géants.
La datation
Pour sécuriser les études de Santa Elina, trois méthodes de datation ont été appliquées à trois couches sédimentaire, d’ostéodermes et de particules de charbon de bois. Les résultats indiquent que les humains ont d’abord laissé une trace sur la couche la plus ancienne et la plus profonde il y a environ 27 000 à 23 000 ans. Par la suite les humains ont occupé l’abri à différentes époques : il y a 17 000 à 13 000 ans dans la couche intermédiaire et après 6 000 ans dans la couche supérieure.
L’’archéologue Mercedes Okumura (Université de São Paulo) conclue que « les auteurs apportent des preuves très convaincantes d’une modification anthropique des os de paresseux« . « Une telle étude peut aider à faire la lumière sur l’utilisation des ornements par les premiers Américains, ainsi que sur l’interaction entre les humains du passé et la mégafaune dans les Amériques. »
Pour l’archéologue April Nowell (Université de Victoria) « Il s’agit d’une étude vraiment importante car elle s’ajoute à un ensemble croissant de données sur l’ancienneté de l’occupation humaine dans les Amériques« .
Sources
Evidence of artefacts made of giant sloth bones in central Brazil around the last glacial maximum https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2023.0316#d1e881
Thais R. Pansani, Briana Pobiner, Pierre Gueriau, Mathieu Thoury, Paul Tafforeau, Emmanuel Baranger, Águeda V. Vialou, Denis Vialou, Cormac McSparron, Mariela C. de Castro, Mário A. T. Dantas, Loïc Bertrand Et Mírian L. A. F. Pacheco
Le Monde
Arkéonews
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