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Ukraine : les plus anciens Hommes modernes au sud de l’Europe de l’Est
Ukraine : les plus anciens Hommes modernes au sud de l’Europe de l’Est
Une étude révèle des traces de découpes, aussi bien sur les ossements d’animaux que sur les restes humains…
Mise en ligne sur le site PLoS ONE, une étude européenne, à laquelle ont participé le CNRS et le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, a caractérisé des ossements humains et animaux ainsi que des artéfacts découverts en Ukraine comme étant les plus vieux vestiges d’une présence de l’homme moderne, de culture gravettienne en l’occurrence, dans l’Europe orientale au Paléolithique supérieur.
L’étude
Sur le site montagneux de Buran-Kaya III, en Crimée (Ukraine), découvert en 1991 par le Dr Alexander Yanevich, archéologue à l’Académie Nationale des Sciences d’Ukraine à Kiev, un abri sous roche a livré des outils, des éléments de parure en ivoire, des restes d’animaux, et environ 160 fragments de dents et d’os humains fossilisés, vieux d’un peu plus de 30 000 ans.
Dans une approche réellement multidisciplinaire combinant taxonomie, paléoécologie, taphonomie, géomorphologie, stratigraphie, archéologie, analyses isotopiques et datation radiocarbone, des chercheurs ukrainiens, français, allemands, hollandais et tchèques on fait parler ces vestiges.
Des indices énigmatiques
Cet ensemble d’os a intrigué les chercheurs, notamment sur 2 points.
D’abord, la rareté des os longs (os des membres) parmi les restes humains, lesquels se composent essentiellement de vertèbres, de dents et d’os du crâne ne dépassent pas quelques centimètres. Alors que les os longs d’antilope, de renard et de lièvre sont innombrables sur le site.
Ensuite, la différence entre les marques de découpe trouvées sur les os d’animaux, en particulier l’antilope saïga et celles trouvées sur les os humains (en terme de pourcentage et de localisation).
Selon Sandrine Prat, du Centre national français de la Recherche Scientifique (CNRS), à Paris, co-auteur de l’étude, ce traitement différent entre les restes humains et animaux pourraient indiquer que les traces de découpes sur les restes humains sont liées à un rituel post-mortem et non à des fins nutritionnelles.
Une signature biologique et culturelle
Tout comme ceux des animaux, les chercheurs ont pu dater directement l’un des restes humains au carbone 14 à 32 000 ans BP. Leur forme et leur structure les attribuent clairement à l’homme moderne. Il s’agit de la plus ancienne implantation, dans le Sud de Europe de l’Est, de notre espèce au Paléolithique supérieur.
Les artéfacts, eux, ont été identifiés par les archéologues comme appartenant au Gravettien, une culture lithique (inégalement) répandue sur l’ensemble du continent européen. « Ces gens avaient des couteaux, des outils légers, des camps de plein air, ils ont utilisé des os de mammouth pour faire des tentes. La culture gravettienne est la culture qui définit l’homme moderne », n’hésite pas à commenter un chercheur non impliqué dans cette étude, le Pr Clive Finlayson, directeur du Musée de Gibraltar, enthousiasmé par ce qu’il estime être le plus ancien exemple de la tradition culturelle gravettienne – laquelle est, en effet, généralement considérée comme débutant vers 29 ou 28 000 ans BP.
Une route migratoire différente ?
Selon lui, cette preuve de la présence de cette culture en Ukraine donne du poids à l’idée que les premiers hommes modernes se sont répandus en Europe à partir de la plaine russe, et non pas vers le nord, en passant par les Balkans, à partir du Moyen-Orient. « Ce qui m’a excité, c’est que nous avons trouvé ces preuves (…) là où je m’attendais à ce qu’elles soient, et un type d’aliments exploités conforme à ce à quoi je m’attendrais », jubile-t-il…
Les auteurs, de leur côté, qualifient leur travail d’« essentiel pour le débat sur la diffusion de l’homme moderne en Europe durant le Paléolithique supérieur ».
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