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Tuerie au Néolithique, à Achenheim, il y a 6 000 ans
Tuerie au Néolithique, à Achenheim, il y a 6 000 ans
L’une des équipes de l’INRAP vient de découvrir les restes d’un massacre humain datant du Néolithique en Alsace, à Achenheim : corps jetés dans une fosse, membres mutilés, os brisés… une vraie scène d’horreur…
Le site néolithique d’Achenheim
Sur le site d’Achenhei, les archéologues ont mis à jour un village entouré d’un fossé (creusé en forme de V) qui servait probablement de défense, avec des fortifications et les premiers bastions. A l’intérieur de cette enceinte fortifiée les chercheurs ont dénombré plus de 300 silos dans lesquels les paysans du Néolithique protégeaient leurs récoltes. Après cette utilisation, les silos pouvaient servir de poubelle ou, selon certains chercheurs, de sépultures pour les membres importants de la communauté, voire de site de sacrifice à une divinité…
Parmi les 300 silos, le numéro 124 a particulièrement intéressé les chercheurs puisqu’il contenait plusieurs squelettes. Les scientifiques de l’INRAP estiment que les corps datent de 4 400 ou 4 200 av. J.-C. en se basant sur le style des tessons de poterie et des pointes de flèches trouvés sur le site, à proximité. Une datation radiocarbone est en cours afin de confirmer l’âge des corps exhumés. Les fouilles de l’INRAP ont débuté en mars et doivent se terminer à la mi-juin 2016.
Des victimes massacrées
Les corps de 6 individus ont été identifiés dans le silo 124 (de 2,5 mètres de diamètre), tous des hommes : cinq adultes et un adolescent. Les individus sont disposés de façon informelle, parfois entremêlés les uns dans les autres, couchés sur le dos, sur le côté ou sur le ventre. Ils semblent avoir été jetés comme des sacs, sans égards ni soins particuliers.
Si les squelettes sont restés en connexion pour la plupart d’entre eux, une grande partie des os sont brisés : les fractures sont à la fois au niveau des membres, mais aussi des mains, des crânes, des mâchoires. Les traces de violence sont tellement nombreuses et variées qu’on peut parler d’acharnement. Certaines parties qui ont été écrasées pourraient signifier un acte de torture. Pour Philippe Lefranc, « les victimes ont été très brutalement exécutées et ont reçu des coups violents, presque certainement avec une hache de pierre « .
Avec les 6 squelettes complets, les archéologues ont trouvé les membres supérieurs gauches de 4 autres individus (comme à Bergheim). Les bras de 3 adultes et d’un adolescent ont été identifiés. Ce dernier n’étant constitué que de l’avant-bras et de la main, l’humérus étant coupé à mi-hauteur.
Une violence démesurée
Cette découverte d’un charnier néolithique n’est pas la première en Europe. Déjà en 2012 le site de Bergheim (Alsace) avait délivré 8 squelettes et 7 bras gauche, ce qui indique que cette pratique répétée avait forcément une signification, comme par exemple des « trophées guerriers ». Pour le néoliticien Philippe Lefranc « Cela fait beaucoup de bras gauches pour le Néolithique, beaucoup de violence en Alsace ».
Les découvertes sur ce charnier néolithique montrent que la violence collective s’est portée d’abord sur des êtres vivants, puis les actes de barbarie ont été perpétués avec acharnement sur des corps à terre, voire déjà morts.
Qui a attaqué qui ?
Etant donné que tous les individus sont de sexe masculin, l’équipe de l’INRAP estime que les victimes n’étaient probablement pas des habitants du village où ils ont été tués. Dans ces cas-là les morts sont des hommes, des femmes, des enfants…
Ici l’exclusivité masculine laisse penser que c’était un groupe de reconnaissance ou de guerriers qui a affronté le village… avant de perdre et de finir jeté dans les silos.
Les raisons de cette tuerie ne seront pas forcément connues un jour, mais l’analyse génétique et biologique des ossements pourrait donner des indications sur la provenance géographique des victimes. Etaient-elles de la région ou d’ailleurs ? Cela permettra de déterminer si l’on est face à un conflit entre différents groupes humains ou d’un conflit intracommunautaire.
D’autres « tueries » à la Préhistoire
Ce nouveau site de massacre préhistorique vient se rajouter à d’autres sites de tueries collectives qui se sont déroulées principalement au Néolithique et à la fin du Paléolithique :
– le Site 117, en Egypte, où les 59 corps retrouvés portaient des traces de violence ayant entraîné la mort pour la moitié d’entre eux. Ils ont bénéficié toutefois de tombes collectives (-12 000ans),
– le site de Nataruk, au Kénya, où l’on a retrouvé 27 individus dont une dizaine de corps présentaient des traces de violence et de mort violente (-10 000 ans),
– Talheim, en Allemagne, où c’est toute une communauté qui semble avoir été décimée : 34 corps entassés dans une fosse commune. Tous présentent des traces de meurtre (-7000 ans),
– Asparn-Schletz, en Autriche, où 67 individus ont été retrouvés dans un fossé : les corps avaient été désarticulés, démembrés et montrent les traces d’une attaque surprise (- 5000 ans)…
C.R.
Sources
2013 L’ADN des hominidés de la Sima de Los Huesos est plus proche des Dénisoviens que de Néandertal
2014 Les fossilles de la Sima de los Huesos clairement néandertaliens
2014 Neandertal et Denisova très proches – Jean-Luc Voisin
2015 Meurtre à la Sima de los Huesos il y a 430 000 ans ?
2016 Etude ADN nucléaire Homo heidelbergensis La Sima de los Huesos
2016 Le chromosome Y de néandertal introuvable chez Sapiens
2017 On peut identifier de l’ADN humain sans fossile
| Préhistoire de la violence et de la guerre Marylène Patou-Mathis Pour en finir avec les approches caricaturales, l’auteure mène une enquête qui croise les données de l’archéologie et de l’anthropologie. Explorant les raisons qui ont transformé les chasseurs-cueilleurs en sociétés guerrières – sédentarisation et changement d’économie, avènement du patriarcat, apparition des castes -, elle pointe aussi le rôle des croyances et met en évidence l’existence d’une violence antérieure à l’apparition de la guerre. En savoir plus sur Préhistoire de la violence et de la guerre |