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Les restes d’une structure en bois datés de 476 000 ans en Zambie
Les restes d’une structure façonnée en bois datés de 476 000 ans en Zambie
Il y a presque un demi-million d’années, des hominidés ont coupé et fabriqués des structures en bois sur un site en Zambie.
A la frontière entre la Zambie et la Tanzanie
Le site des chutes de Kalambo sur la rivière éponyme est situé à l’aplomb d’une cascade de 235 mètres de hauteur. Le gisement a été initialement fouillé entre 1956 et 1959 : de nombreux vestiges préhistoriques. La stratigraphie a délivré des industries lithiques depuis l’acheuléen, mais également des restes de foyers et des objets taillés en bois… A l’époque, les morceaux de bois n’avaient pas pu être datés, et leur présence n’était donc pas expliquée.
Une nouvelle étude à Kalambo a été menée par des équipes de l’Université de Liverpool et de l’Université d’Aberystwyth. Ce sont des structures en bois qui ont été retrouvées. Les résultats ont été publiée dans la revue Nature.
Une découverte inattendue
En 2019 plusieurs éléments en bois ont été découverts sur le site dont un bâton de fouille. Mais l’objet le plus étonnant est une structure composée de deux morceaux de bois entaillés qui sont en quelque sorte emboités l’un dans l’autre. Dans News Scientist la découverte est plus précisément décrite “un rondin de 1,40 mètre de long posé sur un autre plus grand. Le rondin du dessus portait des marques d’outils et une profonde entaille au milieu. Il s’encastre ainsi avec le rondin du dessous en formant un angle de 75°, ce qui permet un assemblage relativement solide. Selon les chercheurs, il pourrait s’agir d’une partie d’une structure en bois de grande taille.
Ce type de construction nécessite une coupe et une préparation des rondins, de la taille du bois, des ajustements… et donc une certaine planification.
L’étude des marques de coupe et les entailles dans le bois indique l’utilisation d’outils en pierre. Les hominidés ont donc taillé et assemblé deux bûches pour former une structure. Pour les chercheurs l’objectif au paléolithique était probablement de réaliser la fondation d’une plate-forme, d’une passerelle ou une partie d’une habitation.
Datation
Jusqu’à présent les seuls artefacts en bois découverts étaient un épieu (420 000 ans, Clacton-on-Sea, Angleterre ) des sagaies (300 000 ans, Schöningen, Allemagne), des bâtons à fouir (90 000 ans Aranbaltza, Espagne), des artefacts dont la fabrication nécessite beaucoup moins d’opérations que la structure de bois de Kalambo… C’est donc, à ce jour, le plus ancien objet façonné en bois de la préhistoire.
Pour dater cet assemblage en bois les chercheurs ont pu utiliser des technologies qui n’existaient pas dans les années 60. La datation OSl appliquée aux sédiments autour des morceaux de bois a permis qu’ils avaient été exposés à la lumière il y a 476 000 ans.
Le bois ne se conserve pas… normalement
Il faut des conditions très spécifiques pour que du bois se conserve sur des milliers d’années. Généralement c’est une grande humidité et une absence d’oxygène qui permettent une conservation aussi longue. A Kalambo le site a bénéficié de la proximité des chutes d’eaux qui maintiennent des taux d’humidité élevés.
Le bois est rarement trouvé dans des sites aussi anciens car il pourrit et disparaît généralement, mais aux chutes de Kalambo, les niveaux d’eau élevés en permanence ont préservé le bois.
Des possibilités cognitives insoupçonnées pour le genre Homo ?
Il y a 476 000 ans c’est peut-être un Homo heidelbergensis, seule espèce connue dans la région a cette époque, qui a fait de la « menuiserie » et imaginé de lier deux rondins pour construire…
Pour l’archéologue Larry Barham, (Université britannique de Liverpool) premier auteur de l’étude publiée dans Nature «ces hominidés ont utilisé leur intelligence pour transformer leur environnement afin de se faciliter la vie, ne serait-ce qu’en fabriquant une plate-forme pour s’asseoir en bord de rivière». Il rajoute « Il s’agit d’une découverte perturbatrice, je n’aurais jamais pensé qu’avant l’Homo sapiens, un ancêtre aurait eu la capacité de planifier quelque chose comme ça. »
La préhistorienne Sophie Archambault de Beaune (Université Jean Moulin Lyon 3) indique «Le fait qu’ils aient pu travailler le bois à grande échelle suppose des capacités cognitives comme la planification, la visualisation du produit fini avant sa conception, le déplacement des objets mentalement dans l’espace… »
Sources
Nature
Evidence for the earliest structural use of wood at least 476,000 years ago
Courrier International
Libération
Le Figaro
Université de Liverpool
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Bertrand Roussel