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Comte Henri Begouën
Henri Bégouën naît le 20 novembre 1863 à Châteauroux où son père est brièvement affecté avant d’être nommé Receveur Général des Finances à Toulouse. Il s’agit d’un homme cultivé et ouvert qui, bien que profondément croyant, s’intéresse à la géologie, à l’ancienneté de l’homme, à la Préhistoire naissante. Il fréquente les tous premiers préhistoriens dont Emile Cartailhac. Accompagné de ses fils il visite les sites des Eyzies, de Grimaldi, etc..
Les voyages
Au séminaire Henri Breuil fait deux rencontres déterminantes : J. Après avoir terminé sa scolarité secondaire le jeune Henri Bégouën fait à Paris des études de Droit et de Sciences Politiques qu’il termine par une thèse soutenue en Allemagne. Il rentre alors au Journal des Débats comme journaliste germaniste, ce qui lui vaut de longuement parcourir l’Europe et lui permet de publier de nombreux articles et plusieurs ouvrages historiques, littéraires ou poétiques. En 1892 il se marie. De 1896 à 1900 il occupe un poste de Contrôleur Civil à la Résidence de Tunis, où il fait quelques fouilles dans un site mégalithique. A son retour il se partage entre sa propriété des Espas en Ariège et Toulouse où il prendra rapidement la direction du quotidien d’information d’alors : Le Télégramme.
La découverte
En 1911 un tournant s’amorce insidieusement dans sa vie. Profitant des vacances de Pâques il conduit ses trois fils, Max, Jacques et Louis, visiter la grotte du Mas d’Azil où le préhistorien Edouard Piette conduit une fouille remarquée. En grattant dans les déblais Max trouve une incisive de renne portant des traces de perforation. A partir de ce moment tout bascule. Les trois frères émerveillés, et tout autant encouragés par leur père, décident d’explorer les grottes aux environs de la propriété familiale.
Dès le lendemain une première expédition les conduit à la grotte d’Enlène. La chance continue à les accompagner, ils y découvrent un magnifique propulseur en bois de renne représentant un quadrupède qui sera reconnu d’âge magdalénien. Cartailhac authentifie l’objet, mais le propriétaire du terrain interdit l’accès à sa grotte. Les trois jeunes gens ne se découragent pas pour autant et poursuivent leurs explorations.
En juillet 1912, à l’aide d’un radeau de fortune de leur fabrication, ils pénètrent dans la résurgence d’un petit ruisseau, le Volp, et accèdent dans l’immense caverne du Tuc d’Audoubert où ils découvrent de belles gravures préhistoriques. Le 10 octobre de la même année, poursuivant leur exploration, ils arrivent médusés, après avoir brisé plusieurs grosses stalactites fermant une chatière, devant deux bisons modelés dans l’argile parfaitement conservés. Ils en perçoivent immédiatement le caractère tout à fait exceptionnel. D’où le célèbre échange de télégrammes : à Cartailhac « Les magdaléniens modelaient aussi l’argile, amitiés Bégouën. » et la réponse par retour « J’arrive. »
Les Trois-frères
Malgré cet immense succès les jeunes Bégouën restent en alerte, le 21 juillet 1914 ils descendent dans un aven qu’un paysan vient de leur signaler, pénètrent dans une autre caverne et découvrent des centaines de gravures et de peintures dont le célébrissime sorcier. Cette nouvelle cavité portera le nom de la petite bande : Les Trois Frères.
Recherches préhistoriques
A cette époque leur père, Henri Bégouën, qui est sur le point de franchir le cap de la cinquantaine se consacre de plus en plus à la Préhistoire. Il suit le cours de Cartailhac, lit, voyage, visite toutes les grottes accessibles en France et ailleurs. Au fil des ans il en arrive à se consacrer exclusivement à la recherche préhistorique. En 1921, à la mort de Cartailhac il lui succèdera tant à son cours de Préhistoire à la Faculté des lettres qu’à la direction du Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse. A sa mort, le 4 Novembre1956, il laisse une oeuvre considérable : près de 250 articles et ouvrages divers pour la seule Préhistoire.
Le survol de l’ensemble de l’oeuvre du Comte Bégouën, avec plusieurs décennies de recul, permet de discerner deux directions prévalentes.
L’art pariétal, tout d’abord, a été une préoccupation constante. Au-delà de la publication des découvertes qu’apporte l’exploration progressive des cavernes du Volp H. Bégouën s’attache à la description des plusieurs grottes nouvellement découvertes ou explorées : Montespan, Gargas, Niaux. Surtout, à l’arrière-plan, se dessine le projet de découvrir et de faire connaître l’homme primitif et ce qu’à l’époque on nomme sa « mentalité ». H. Bégouën introduit ainsi et défend dans plusieurs publications la théorie de la magie de la chasse qui fait toujours partie des hypothèses interprétatives de base de l’art paléolithique. Dans une perspective plus large il fera partie des premiers préhistoriens à soutenir la réalité des sépultures paléolithiques et du groupe d’intellectuels catholiques européens qui interviendra auprès du Pape Pie XI pour le dissuader de condamner la théorie de l’évolution.
La préservation du patrimoine archéologique est le domaine où H. Bégouën a encore plus fait oeuvre de précurseur, son exceptionnelle clairvoyance ne sera cependant reconnue que plusieurs décennies après sa mort. Dès la découverte des cavernes du Volp il décide de ne jamais les ouvrir au public afin de les protéger et limite au strict minimum les visites : un chemin balisé dont nul ne doit s’écarter est tracé. Les explorations sont conduites avec un souci minutieux de préservation. Il enseigne à ses élèves toulousains que toute grotte ouverte au public est perdue pour la science. Même si le massacre de la grotte voisine de Montespan lui donne raison de manière éclatante il n’est pas entendu. H. Bégouën n’en met pas moins en oeuvre son idée et engage une politique d’acquisition de terres dans le but de maîtriser le sous-sol. Elle n’aboutira complètement que plusieurs dizaines d’années plus tard quand des relevés topographiques précis auront pu être établis. Henri Begouën n’est plus, mais deux générations restent à l’oeuvre.
Auteur : ZAF