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Nouvelles datations de Néandertal en Belgique : – 42 000 ans
On revisite la datation des néandertaliens de Belgique. Les fossiles retrouvés dans la grotte de Spy et d’autres sites belges sont plus anciens que présumés
Deux des trois fossiles de la grotte de Spy (Belgique) ont été exhumés en 1865. Ces restes osseux d’adultes ont fait l’objet de plusieurs tentatives de datation. Les dernières en date, par radiocarbone, estimaient que les individus de la grotte de Spy remontaient à seulement 37 000 ans. La présence d’Homo neanderthalensis en Europe du Nord à cette époque était assez anachronique mais il pouvait y avoir eu des « poches » de Néandertaliens résistant au déclin de l’espèce. Les scientifiques soupçonnaient toutefois que les échantillons avaient pu être pollués et que les datations étaient erronées. Une nouvelle étude a été entreprise pour revoir les datations avec une méthodologie qui éliminerait les pollutions.
A noter, sans être aussi récents, il existe d’autres sites néandertaliens en Europe qui peuvent correspondre au site de Spy. On peut citer Gorham et Zafarraya (Espagne – 30 000 ans) Vindija (Croatie -32 000 ans), Mezmaiskaya (Caucase -29 000 ans)…
Photo de Néandertal : Crâne de l’Homme de Spy © Bocherens.
Datation « décontaminée » des restes néandertaliens de Spy
Une équipe multidisciplinaire de chercheurs allemands, belges et anglais a retraité les fossiles de Spy ainsi que ceux Fonds-de-Foret et Engis en pratiquant, au préalable, une méthode pour décontaminer les restes. Il arrive que les ossements aient été en contact avec des éléments temporellement différents (plus anciens, ou plus récents). Cette contamination, souvent provoquée par les fouilles elles-mêmes, fausse les résultats.
Dernièrement, l’équipe a réétudié une omoplate néandertalienne découverte à Spy. Elle avait précédemment été datée de – 28 000 ans mais les études génétiques faisaient apparaître également de l’ADN de bovin actuel ! Ces résultats laissent entrevoir que l’omoplate avait en fait été préparée avec une colle d’origine bovine qui avait pu rajeunir les datations.
Les fossiles de Spy et d’autres gisements vieillissent de 5 000 ans
Comme méthode de datation, l’équipe a travaillé avec l’accélérateur de radiocarbone d’Oxford. Pour débarrasser les spécimens néandertaliens de Spy des contaminations extérieures, les chercheurs se sont donc concentrés sur l’hydroxyproline, un acide aminé dont ils étaient absolument certains qu’il faisait partie du collagène de l’individu.
Les résultats sont sans appel, la plupart des ossements sont plus anciens qu’avec les anciennes méthodes de datation. Les nouveaux résultats positionnent les restes osseux à – 42 000 ans, soit une différence de 5 000 ans ! Déterminer que les os étaient plus âgés qu’on ne le soupçonnait a permis aux chercheurs de confirmer que les Néandertaliens avaient disparu du nord-ouest de l’Europe il y a 44 200 à 40 600 ans, jusqu’à 8 000 ans plus tôt.
Pour Thibaut Deviese (Université d’Oxford et Aix-Marseille), co-auteurs de l’étude, l’analyse montre ainsi que les Néandertaliens « ont disparu du nord de l’Europe (…) bien plus tôt que suggéré auparavant ».
Selon le professeur Tom Higham (Oxford) : «La datation est cruciale en archéologie. Sans un cadre chronologique fiable, nous ne pouvons pas vraiment être sûrs de comprendre les relations entre les Néandertaliens et les hommes modernes alors que nous (Homo sapiens) sommes entrés en Europe il y a 45 000 ans et qu’ils ont commencé à disparaître. »
Cette méthode de datation pourrait, si elle était appliquée sur d’autres gisements néandertaliens, remettre en cause la présence de Néandertal à certaines périodes. Il n’est pas évident que tous les sites aient envie de repousser leurs fossiles dans le temps…
Le paléoanthropologue Patrick Semal (IRSNB) explique les conséquences de cette découverte : « Il est probable que les autres fossiles datés initialement avec les anciennes méthodes fourniraient en réalité des âges plus anciens avec cette nouvelle technique. Il y a une période charnière de transition entre les Homo Sapiens et Néandertaliens, il y a plusieurs millénaires de différence. Toute interprétation sur une interaction entre l’Homme moderne et l’Homme de Néandertal va dépendre de ces dates qui sont susceptibles d’être légèrement rajeunies par une faible contamination. Quand on a des fossiles anciens, la plus infime contamination a des résultats sur la datation. »
C.R.
PNAS
Reevaluating the timing of Neanderthal disappearance in Northwest Europe
Thibaut Devièse, Grégory Abrams, Mateja Hajdinjak, Stéphane Pirson, Isabelle De Groote, Kévin Di Modica, Michel Toussaint,Valentin Fischer, Dan Comeskey, Luke Spindler, Matthias Meyer, Patrick Semal, et Tom Higham