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Néandertal utilisait-il un accélérateur de feu ?
Néandertal utilisait-il un allume-feu ?
La découverte de petits blocs noirs sur des sites moustériens montre que Néandertal devait en avoir une utilisation spécifique, comme faire démarrer un feu plus facilement ?
L’étude
Les chercheurs se sont basés sur les éléments trouvés sur le site de Pech-de-l’Azé I dans le Périgord en Dordogne. Depuis les fouilles de François Bordes en1954 ce sont plusieurs centaines de petits morceaux noirs qui ont été collectés sur l’ensemble de la stratigraphie. Toutefois c’est dans les couches du moustérien que se trouve la plus grande concentration des blocs de manganèse. Ce niveau avait été appelé « le niveau de foyer» par Bordes en raison de la présence abondante de caractéristiques de combustion, également identifié dans les fouilles récentes.
Les découvertes
Si c’est le site de Pech-de-l’Azé I qui a servi de référence pour cette étude il faut savoir que les fameux blocs noirs ont été retrouvés sur un grand nombre de site moustériens attribués à Néandertal. « Plus de 40 gisements européens ont produits des minéraux de couleur (rouge ou noire), la majorité datent de la fin du Paléolithique moyen, il y a entre 60.000 et 40.000 ans ». Concernant plus particulièrement le site du Pech-de-l’Azé I la datation par OSL a donné un âge moyen pondéré de 51 400 ans + /- 2000 ans.
Pour les scientifiques ces morceaux d’oxyde de manganèses étaient utilisés pour leurs propriétés colorantes. Il était généralement admis que ces blocs étaient les résidus de coloration soit sur des supports, soit comme décoration corporelle. Les chercheurs indiquent qu’« ils étaient potentiellement des vecteurs de communication et d’expression symbolique ».
Les chercheurs se sont étonnés que si les néandertaliens du Pech-de-l’Azé I avaient besoin de couleur noire pour un simple usage de décoratif ils n’aient pas tout simplement utilisé le charbon de bois et la suie provenant des foyers qu’ils entretenaient sur le site. Au contraire l’étude montre que Néandertal a été utilisé un oxyde de manganèse qui a fallu extraire et apporter : le gisement le plus proche semble être celui de Roc-de-Combe à treize kilomètres. L’ensemble des petits morceaux extraits du site représente un poids total de 750 grammes ce qui exclut le simple hasard. L’oxyde a bien été apporté volontairement.
Un minéral pour allumer plus facilement un foyer
Pour expliquer la présence de ces minéraux en excluant la coloration pas assez spécifique les scientifiques ont cherché les autres propriétés des oxydes de manganèse. Les blocs ayant été retrouvés dans les mêmes strates que celles des foyers, la déduction était rapide. Chimiquement les propriétés catalytiques de ce minéral de sont imposées car leur rentabilité est immédiate.
Les scientifiques rappellent que le dioxyde de manganèse est un facilitateur efficace pour démarrer un feu : il permet de réduire la température d’inflammation du bois et il augmente sensiblement la vitesse de combustion.
En archéologie expérimentale, les chercheurs ont cherché à reproduire le processus de démarrage d’un feu avec et sans manganèse. En ajoutant une poudre de dioxyde de manganèse le feu a clairement été plus rapide à prendre qu’avec de l’amadou ou les techniques habituelles utilisées en archéologie expérimentale. Par ailleurs, grâce aux infrarouges d’imagerie thermique il a été établit que le feu a pu démarrer avec une température de 250° seulement au lieu des 350° nécessaires sans ajout de minéral.
Plus rapide et plus facile pour allumer un feu, l’utilisation de la poudre de dioxyde de manganèse est donc un véritable avantage pour la vie quotidienne des néandertaliens. Les expérimentations ont montrés de plus qu’une quantité très faible du minéral était nécessaire pour enclencher le processus de combustion : seulement 6% de minéral par rapport au poids total.
L’étude au microscope des blocs de minéraux a permis de mettre en évidence des traces d’abrasion sur certaines faces. Ces stries montrent que les blocs ont été frottés contre une sorte de meule en grès. C’est ce frottement contre une surface abrasive qui a permet de créer de la poudre. Le même frottement sur une peau animale ou humaine ne donnerait pas du tout le même type de marques sur le bloc de manganèse : ce sont d’ailleurs des traces relevées sur quelques blocs.
Pour l’équipe de chercheurs, tous les éléments concordent pour expliquer la présence de ces blocs manganèses comme accélérateurs de feu. L’étude propose d’étudier et d’analyser d’autres blocs noirs sur les autres sites moustériens. Si la présence de morceaux de dioxyde de manganèse est toujours concomitante à des foyers préhistoriques cela peut démontrer que l’allume-feu est une découverte très ancienne !
A 400 kilomètres de là… à Arcy-sur-Cure
La grotte du renne à Arcy-sur-Cure présente également dans sa strate du Châtelperronien des traces de dioxyde de manganèse associées à des restes de foyers néandertaliens.
C.R.
Sources :
Heyes, P. J. et al. Selection and Use of Manganese Dioxide by Neanderthals. Sci. Rep. 6, 22159; doi: 10.1038/srep22159 (2016).
Nature
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Bertrand Roussel