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Néandertal, cannibale par nécessité alimentaire…
L’étude de la faune de la grotte Baume Moula-Guercy montre que, face à un changement climatique rapide, Néandertal a dû changer ses habitudes alimentaires.
Néandertal anthropophage pour se nourrir, il y a 120 000 ans à Soyons en Ardèche
La grotte de Baume Moula-Guercy est située sur la commune de Soyons (Ardèche). Les fouilles réalisées dans les années 1990 ont permis d’exhumer les restes de 6 Néandertaliens : deux adultes, deux adolescents (12 et 15 ans) et deux plus jeunes (entre 4 et 8 ans). Au total, 120 ossement néandertaliens ont été trouvés dans la couche 15 de la stratigraphie. La moitié de ces restes osseux présentait des traces de boucherie faites à l’aide d’outils de pierre, associées à une extraction systématique de la moelle. Cela a déjà constitué pour les chercheurs une preuve de pratiques cannibales chez NéandertaL La même strate a également livré des restes de foyers et des ossements de la faune chassée et consommée par les Néandertaliens .
De nouvelles recherches à la grotte Baume Moula-Guercy
L’étude, publiée dans le Journal of Archaeological Science, réalisée par Alban Defleura (CNRS) et Emmanuel Desclaux (Lazaret et CNRS), présente les résultats de nouvelles recherches prenant en compte les conditions climatiques.
Entre -128 000 et -144 000 ans, il y a eu un changement climatique mondial important avec un réchauffement des températures. Cet événement a eu de grandes conséquences sur tous les écosystèmes de la planète : certaines espèces animales ont migré vers des régions plus accueillantes et la flore elle-même s’est redistribuée géographiquement.
A la grotte Baume Moula-Guercy, les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement à la couche archéologique 15 (qui contenait les ossements néandertaliens), mais également aux couches voisines (14 et 16) entourant l’épisode climatique impactant. Cela a permis de dresser un tableau des espèces animales présentes avant, pendant et après la période.
Cannibale par nécessité
L’analyse des résultats révèle que la période de réchauffement a perturbé en profondeur l’environnement dans la région, en particulier les animaux de grande taille, comme le bison et le mammouth, qui disparaissent de la couche XV. A l’inverse, cette couche renferme une plus forte proportion de restes de renne, de petits animaux, de poisson et… de Néandertaliens. Vues les traces de découpes présente sur 50% des ossements humains, il paraît logique pour les chercheurs que les Néandertaliens, lors de cette période climatique, aient pratiqué l’anthropophagie pour des raisons de survie alimentaire.
L’analyse de l’émail des dents a révélé des signes de stress qu’on trouve habituellement chez les personnes malades ou souffrant de malnutrition, des données qui renforcent l’argumentation des chercheurs sur la situation désespérée des hominidés de l’époque.
« Nous sommes persuadés que, sur le continent européen, les populations humaines ont fortement diminué, ne réussissant à survivre que dans quelques régions », déclarent les auteurs de l’étude. «Nous suggérons, en outre, que ces bouleversements environnementaux, y compris la diminution de la faune au début du Pléistocène supérieur, ont contribué à la naissance d’un comportement cannibale chez les Néandertaliens, comme en témoignent les vestiges retrouvés au Baume Moula-Guercy.» Pour Emmanuel Desclaux, ce cannibalisme de survie n’est pas à opposé à un cannibalisme rituel ou culturel : «Il y a eu des cas de cannibalisme culturel, mais dans ce cas particulier, cela ne semble pas être le cas».
Un changement climatique trop rapide pour s’adapter ?
Les chercheurs déclarent que les changements dans l’environnement ont dû se produire à un rythme relativement rapide. Ils pensent même que ces modifications ont été perceptibles à l’échelle humaine. Ils précisent que » le paysage a totalement changé, peut-être en quelques générations seulement ».
L’archéologue Michelle Langley (Griffith University, Australie) commente l’étude : « pour la première fois, les chercheurs disposent d’éléments concordants pour prouver que les Néandertaliens vivaient une période dramatique et qu’ils ont trouvé comment faire pour survivre. Ils ont agi comme l’auraient fait des hommes modernes dans la même situation ».
Sources
CNRS
Impact of the last interglacial climate change on ecosystems and Neanderthals behavior at Baume Moula-Guercy, Ardèche, France ScienceDirect
Pour la Science
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