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Le site archéologique de Brassempouy
Le site archéologique de Brassempouy
(France, Landes)
Aurélien Simonet
Depuis le 8 avril 2023 le site archéologique de Brassempouy est accessible au public, uniquement à la réservation et en visite guidée depuis le PréhistoSite de Brassempouy. 10 ans de travaux de conservation et de valorisation portés par le Département des Landes et la Communauté de communes Coteaux et Vallées des Luys ont été nécessaires.
Présentation générale du site archéologique de Brassempouy
Le site préhistorique de Brassempouy a acquis une notoriété internationale à la fin du XIXe siècle avec la découverte de riches niveaux archéologiques du Paléolithique récent (45/40 000 – 12 000 ans avant le présent) qui ont notamment livré un ensemble de 10 statuettes en ivoire de mammouth dont la « Figurine à la capuche » ou « Dame de Brassempouy ». Ce visage de femme, devenue le chef d’œuvre artistique de la Préhistoire, est actuellement l’emblème du musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye où il est conservé (figure 1).
Le gisement est situé à 3 kilomètres du village, au sud du département des Landes (figures 2, 3 et 4). Il est constitué de quatre cavités qui communiquent entre elles et forment un véritable réseau : la grotte du Pape, l’abri Dubalen, la galerie du Mégacéros et la grotte des Hyènes. La grotte du Pape est la plus célèbre d’entre elles grâce à la découverte de la « Dame de Brassempouy ». Elle a été classée au titre des monuments historiques par arrêté du 13 août 1980. La totalité des autres cavités a été classée au titre des monuments historiques par arrêté du 6 mai 2015.
Néanmoins, l’ensemble du site archéologique souffrait d’abandon depuis l’arrêt des fouilles en 2004. Les échafaudages et les toits d’ondulines utilisés lors des dernières opérations de terrain s’étaient progressivement détériorés voire effondrés tandis que la végétation avait recouvert certains secteurs archéologiques.
Présentation du projet de conservation et de valorisation du site archéologique :
Le projet de conservation, de sécurisation et de valorisation a permis de sauvegarder les niveaux archéologiques en réenfouissant les secteurs les plus fragiles et en protégeant au mieux les parties restées visibles. Une structure métallique recouvre désormais la grotte des Hyènes tandis qu’une nouvelle grille a été installée à l’entrée de la galerie Dubalen. Le porche de la grotte du Pape, débarrassé de sa grille disgracieuse, peut enfin être apprécié sous la forme la plus naturelle possible. Des grilles ont été installées à l’intérieur de chacune des deux ramifications qui composent la grotte du Pape permettant au public d’accéder, pour la première fois, à une partie de la grotte qui reste propriété privée.
La philosophie du projet consiste à combiner protections des patrimoines culturels et naturels en évitant un aménagement lourd du site archéologique. L’accès au site a ainsi été conçu dans un esprit de découverte progressive sensible grâce à la création d’un sentier de randonnée scénarisé et à l’aménagement de plusieurs stations d’accueil consacrées à la géologie, la faune et la flore (figures 5 à 11).
La grotte du Pape
La grotte du Pape est la première cavité découverte en 1880 suite à l’exploitation de carrières dans le massif calcaire où elle est située (figure 12). On donna à cette cavité le nom de la métairie voisine du Pape. La direction de fouilles archéologiques fut confiée au naturaliste et futur conservateur du musée de Mont-de-Marsan Pierre-Eudoxe Dubalen. Celui-ci explora uniquement l’entrée de la grotte masquée par des éboulis tandis que l’intérieur était comblé de sédiment jusqu’à une vingtaine de centimètres du plafond. Ces premières fouilles, arrêtées en 1881, ont atteint des niveaux magdaléniens et solutréens comme l’attestent les premières publications de Pierre-Eudoxe Dubalen. Deux contours découpés de cheval et de phoque (figure 13) caractéristiques du Magdalénien ont notamment été mis au jour (Simonet dir., 2015).
Les fouilles archéologiques ont été reprises en 1890 par Albert Léon-Dufour et Joseph de Laporterie. Ces deux savants identifièrent, pour la première fois, un niveau comportant des pièces en ivoire de mammouth. Le 19 septembre 1892, la grotte du Pape acquit une triste renommée : les couches archéologiques situées dans son entrée furent ravagées par l’activité d’une association scientifique, l’Association française pour l’Avancement des Sciences (A.F.A.S.). Alors qu’elle s’était réunie à Pau, l’A.F.A.S. décida d’organiser une excursion à Brassempouy agrémentée d’une fouille collective selon les pratiques de l’époque ce qui suscita une controverse parmi les préhistoriens. Pendant ces travaux, les deux premières vénus, la « poire » et l’« ébauche », ont été découvertes. De 1894 à 1897, le grand préhistorien Édouard Piette, qui avait déjà fouillé de nombreux sites prestigieux dans les Pyrénées, s’associa à Joseph de Laporterie pour diriger ce qui fut la plus importante campagne de fouilles archéologiques du XIXe siècle à Brassempouy : la quasi-totalité des sédiments comblant les quarante mètres de la grotte du Pape est vidée. Cinq statuettes sont découvertes en 1894 à l’entrée de la grotte dont la « Dame à la capuche » (Schwab, 2008 ; Simonet, 2021).
Durant plusieurs décennies, le gisement de Brassempouy, que les préhistoriens croyaient épuisé, fut délaissé au profit d’autres découvertes dans le sud-ouest de la France, comme la grotte d’Isturitz (Pyrénées-Atlantiques) et les abris-sous-roche de Sorde-l’Abbaye (Landes). Ce n’est qu’en 1981, un siècle après l’invention du site, qu’Henri Delporte, alors conservateur au sein de l’actuel musée d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye, décida d’entreprendre des sondages afin de vérifier cette opinion. Contre toute attente, un niveau d’occupation particulièrement dense fut mis au jour dans le chantier 1, quelques mètres en avant de la grotte du Pape. Entre 1981 et 1985, un assemblage lithique de plus de 20 000 pièces a confirmé l’attribution des statuettes féminines au Gravettien et plus précisément à la phase moyenne datée d’environ 30 000 ans avant le présent. Une partie de l’extrémité nord de la grotte du Pape épargnée par les anciennes explorations, le secteur GG2, a également été fouillé de 1982 à 1995 (Simonet, 2021).
La grotte des Hyènes
Photographie Aurélien Simonet.
Dès 1892, Joseph de Laporterie entreprit des travaux de terrain dans la galerie « Cro-Magnon », future grotte des Hyènes dont le porche s’ouvre à 60 mètres de l’entrée de la grotte du Pape (figures 14 et 15). Avec Édouard Piette, ils déblayèrent la galerie sur une longueur de 8 mètres et arrêtèrent les fouilles en 1896 compte tenu des risques d’effondrement de la voûte. Ils découvrirent alors des vestiges magdaléniens et aurignaciens. Les fouilles dirigées par Delporte de 1981 à 1994 puis par Dominique Buisson en 1995-1996 et Dominique Henry-Gambier de 1997 à 2004 ont permis de renouveler la connaissance du site de Brassempouy. Des indices châtelperroniens ont ainsi été identifiés dans la zone profonde de la grotte des Hyènes (secteur S8). Dans la moitié inférieure de la stratigraphie, un important ensemble Aurignacien ancien comprend notamment 16 vestiges humains (fragment de voûte crânienne, dents et phalanges) et de nombreux éléments de parure, des outils en silex, de l’industrie osseuse et des colorants (Bon, 2002 ; Henry-Gambier et al., 2004 ; Henry-Gambier et White, 2006). Parmi les objets remarquables, 87 perles en forme de panier (figure 16) ont été décomptées (White et Normand, 2015). Elles sont fabriquées en ivoire et en pierre tendre (calcite, talc, chlorite, hématite). Dans la moitié supérieure, un deuxième ensemble sédimentaire a livré de nombreux vestiges de grands mammifères. La grotte, dont l’espace en partie comblé était plus réduit, n’était plus habitée que par des hyènes qui ont contribué à son colmatage final.
L’abri Dubalen
Une troisième galerie, l’abri Dubalen, située à une vingtaine de mètres de l’entrée de la grotte du Pape, fut découverte en 1984 (figures 17 et 18). Son remplissage comprend des indices châtelperroniens constitués de restes de grande faune et d’un outillage lithique dominé par les pointes de Châtelperron (figure 19) sous-jacents à un ensemble de niveaux aurignaciens (Buisson et Delporte, 1990 ; Bachellerie et al., 2011).
La galerie du Mégacéros
Enfin, une quatrième galerie en grande partie effondrée, dite « du Mégacéros », fut identifiée en 1997 lors des dernières opérations de terrain (figure 20). Longue de 5 mètres et large d’au moins 2 mètres, elle s’ouvre sur la corniche calcaire entre l’entrée de la galerie Dubalen et le porche de la grotte des Hyènes. Le matériel châtelperronien et aurignacien ancien découvert dans les galeries Dubalen et du Mégacéros ne proviennent pas d’occupations in situ par les préhistoriques mais résultent de l’érosion d’installations situées à l’origine en dehors des deux galeries, peut-être dans la grotte des Hyènes. Après l’Aurignacien, la grotte des Hyènes, la galerie Dubalen et la galerie du Mégacéros entièrement comblées étaient inaccessibles aux hommes (Henry-Gambier et al., 2004).
Photographie Aurélien Simonet.
Dessins Dominique Buisson d’après Buisson et Delporte, 1990.
Conclusion
Les œuvres d’art exceptionnelles de Brassempouy ne doivent pas faire oublier que ce site a eu un rôle important à la fin du XIXe siècle dans la construction de la chronologie du Paléolithique récent car la grotte du Pape offrait une des plus longues stratigraphies connues avec de riches occupations gravettiennes, solutréennes et magdaléniennes. Les fouilles récentes ont confirmé l’importance de ces épisodes d’occupation complétés par le Châtelperronien et l’Aurignacien ancien présents dans la partie nord du gisement.
Réservation des visites – En pratique
Réservez directement au 05 58 89 21 73 ou sur reservations@prehistoire-brassempouy.fr
Horaires et jours de visites
du 17 février au 17 novembre 2024
Ouvert du mardi au dimanche et les jours fériés de 13h45 à 18h.
GROUPES : Du 15 janvier au 15 décembre sur réservation au 05.58.89.21.73 ou sur reservations@préhistoire-brassempouy.fr
Tarifs 2024
(Musée + ArchéoParc + atelier des vacances)
Plein : 11,00 €
Réduit : 9,50 € (5-15 ans, étudiant, carte d’invalidité, demandeur d’emploi, tribu de 10 personnes minimum)
Pass Tribu : 36,00 € (2 tarifs plein + 2 tarifs réduits)
Gratuit : 0-5 ans, habitants de la communauté de communes Coteaux et Vallées des Luys
Gratuités et réductions sur présentation d’un justificatif
Entrée + visite du site archéologique des grottes du Pape (uniquement sur réservation)
(Musée + ArchéoParc + atelier des vacances + site archéologique des grottes du Pape)
Plein : 16,00 €
Réduit : 14,00 € (5-15 ans, étudiants, demandeur d’emploi, carte d’invalidité, tribu de 10 personnes minimum)
Pass Tribu : 50,00 € (2 tarifs pleins + 2 tarifs réduits)
Pour venir
Brassempouy est :
à 30 km de Dax
à 40 km de Mont de Marsan
à 40 km d’Aire sur l’Adour
à 50 km de Pau
à 60 km de la Côte landaise
Contacts
Tél : 05 58 89 21 73
contact@prehistoire-brassempouy.fr
Site officiel
Contacts
Tél : 05 58 89 21 73
contact@prehistoire-brassempouy.fr
Site officiel
Bibliographie
BON F., 2002 – L’Aurignacien entre Mer et Océan. Réflexion sur l’unité des phases anciennes de l’Aurignacien dans le sud de la France, Mémoire de la Société Préhistorique Française, tome 24, 243 p.
BUISSON D., DELPORTE H., 1990 – Existence du Castelperronien à Brassempouy (Landes), in Farizy C. (dir.), Paléolithique moyen récent et Paléolithique supérieur ancien en Europe. Ruptures et transitions : examen critique des documents archéologiques, Actes du Colloque International de Nemours, 1988, Nemours, APRAIF, Musée de Préhistoire d’Île-de-France (« Mémoires » 3), p. 189-193.
HENRY-GAMBIER D., BON F., GARDÈRE P., LETOURNEUX C., MENSAN R., POTIN Y., 2004 – Nouvelles
données sur la séquence culturelle du site de Brassempouy (Landes) : Fouille 1997-2002, Archéologie des Pyrénées Occidentales et des Landes, 23, p. 145-156.
HENRY-GAMBIER D., WHITE R., 2006 – Modifications artificielles des vestiges humains de l’Aurignacien ancien de la grotte des Hyènes (Brassempouy, Landes). Quelle signification ?, In : Cabrera Valdés V., Bernaldo de Quirós Guidotti F., Maíllo Fernández J. M. Ed., 2003 – En el centenario de la cueva de El Castillo : el ocaso de los Neandertales, p. 71-88.
SCHWAB C., 2008 – La Collection Piette : Musée d’Archéologie nationale, Château de Saint-Germain-en-Laye, Paris, Réunion des Musées nationaux, 126 p.
SIMONET A. dir., 2015 – Brassempouy : les collections Dubalen et de Laporterie, Archéologie des Pyrénées occidentales et des Landes, hors-série n° 6, 106 p.
WHITE R., NORMAND C., 2015 – Les parures de l’Aurignacien ancien et archaïque de la grotte d’Isturitz : perspectives technologiques et régionales, In : White R., Bourrillon R. (dir.) avec la collaboration de Bon F., Aurignacien genius : art, technologie et société des premiers hommes modernes en Europe, Actes du symposium international, 8-10 avril 2013, New York University, P@lethnologie, 7, p. 140-166.
Aurélien Simonet
Docteur en Archéologie préhistorique / CV HAL
Chercheur associé Université Toulouse 2 – UMR 5608
Archéologue départemental des Landes
Laurent Carozza, Cyril Marcigny